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Maladies et ravageurs des cultures

Les limaces grises et les limaces noires

Les limaces grises et les limaces noires sont des ravageurs qui peuvent faire de gros dégâts sur la plupart des grandes cultures et des cultures maraichères, notamment lors des semis. Chaque année, l’essentiel est de ne pas baisser la garde grâce à une combinaison de leviers.

Les limaces sont des ravageurs importants des grandes cultures et des cultures maraichères.

On distingue 3 principales espèces :

  • Les limaces grises, Deroceras reticulatum : mesurent entre 4 et 5 cm de long. Leur couleur varie du beige au brun, avec de fines taches sombres. Elles vivent principalement en surface.
  • Les limaces noires, Arion hortensis et Arion distinctus : elles mesurent de 3 à 4 cm de long et se distingue par sa teinte bleu-noir et sa face ventrale jaune-orange. Elles vivent plutôt sous la terre.
Guide Bioagresseur - Limaces - Image 2

La limace grise ©De Sangosse

Guide Bioagresseur - Limaces - Image 3

La limace noire ©De Sangosse

Le cycle biologique des limaces grises et des limaces noires

Les limaces se déplacent surtout la nuit, recherchant la fraîcheur et l’humidité. Leur activité est maximale avec des températures de 13 à 18°C et un sol humide. En revanche, elle se réduit considérablement par temps sec, trop chaud (au-dessus de 25°) ou trop froid (en-dessous de 5°C).

Les limaces grises effectuent deux cycles de reproduction, au printemps et à l’automne. Cependant, le pic de population est plus important au printemps.

Les limaces noires, se détectent en grand nombre pendant l’été. Leur unique cycle de reproduction se déroule à l’automne.

Les limaces sont hermaphrodites. Après une parade et un accouplement, la limace dépose ses œufs en paquets dans les interstices du sol (10 premiers cm). Si les œufs se dessèchent à la chaleur, en revanche ils ne craignent pas le froid jusqu’à -11°C.

La durée d’incubation dépend de la température : 15 à 20 jours à 20°C et jusqu’à plus de 3 mois à 5°C. Ainsi, l’éclosion intervient pendant les périodes les plus favorables, soit le printemps et l’automne.

La nuisibilité des limaces

Les limaces grises et noires consomment graines, germes et plantules.

Les limaces s’attaquent notamment aux semis de betteraves, tournesol, maïs, colza, soja, orge et blé. Elles sont également friandes des tubercules de pommes de terre et n’épargnent pas non plus les cultures maraîchères.

Les dégâts intervenant au stade semence ou plantule sont les plus préjudiciables pour le rendement. En effet, les limaces se développent en foyer sur la parcelle, créant des hétérogénéités de peuplement de la culture. Ce qui est particulièrement problématique en colza, tournesol, betterave, maïs…

Particulièrement vorace, une jeune limace grise peut ingérer la moitié de son poids en une nuit ! Sachant qu’elle pèse de 30 à 50 mg, elle engloutit par exemple de 5 à 6 plantules de colza. La ration en blé tendre est plutôt de 2 plantules au stade 2 feuilles !

Selon le stade et le type de culture, la plante peut compenser sa perte de feuilles, mais retarde sa croissance. Exemple, un blé se rattrape au moment du tallage si les dégâts s’avèrent peu importants. À noter, au-delà du stade 3-4 feuilles du blé ou 6 feuilles du colza, les plantes ne sont plus sensibles.

Les pullulations de limaces peuvent vite être considérables avec un printemps ou un automne très pluvieux. À titre d’exemple, on a dénombré plus de 120 limaces/m2 dans certaines parcelles de tournesol ! Parfois, l’infestation des parcelles est telle que l’agriculteur n’a pas d’autres options que de ressemer. Les limaces peuvent même se hisser les épis de blé.

Les cultures attractives

Le tournesol et le colza sont de loin les cultures les plus appétentes pour les limaces. Le colza se développant à l’automne en période pluvieuse, il est particulièrement à risque.

Certains couverts végétaux, permanents ou intermédiaires peuvent aussi être très attractifs pour ces mollusques. Exemple : le trèfle d’Alexandrie ou de perse, le nyger, la vesce, l’avoine rude, le seigle fourrager, la cameline…

Il est important de bien doser ces cultures dans la rotation pour éviter de développer des populations de limaces.

Les parcelles à risques

Comme tous les mollusques, les limaces se dessèchent vite. Afin de se protéger de la chaleur, elles trouvent refuge pendant la journée sous les mottes et les résidus de cultures. De fait, les parcelles en semis direct, en travail réduit et les terres lourdes sont les plus à risques. Toutefois, l’absence de travail intensif et profond du sol favorise l’établissement des prédateurs naturels des limaces comme les carabes.

Guide Bioagresseur - Limaces - Image 4

Ici, les limaces grises dévorent entièrement une plantule de colza. ©De Sangosse

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Les limaces juvéniles sont les plus voraces en consommant jusqu’à 50 mg de végétaux. ©De Sangosse

Stratégie de protection combinatoire contre les limaces

La lutte contre les limaces s’anticipe : en conditions climatiques favorables, quand les dégâts des limaces sont visibles, il est souvent trop tard pour intervenir. Alors, le risque est de ne pas pouvoir maîtriser le ravageur, même en traitant !

La lutte associe l’ensemble des leviers agronomiques : la prophylaxie, les aménagements paysagers, les pratiques culturales, la surveillance du ravageur, l’agronomie digitale, le biocontrôle, la phytopharmacie, le machinisme et les bonnes pratiques.

Les aménagements paysagers

Maintenir un environnement favorable aux ennemis naturels des limaces : oiseaux, hérisson, reptiles, crapaud, carabes, staphylins, fourmis, araignées, les nématodes et insectes. La présence de haies, talus, zones enherbées et la réduction du travail du sol favorise ces prédateurs.

La prophylaxie

Le travail du sol diminue le niveau de population.

  • Après un blé un déchaumage d’été détruit significativement les adultes et les résidus de culture dans lesquels ils s’abritent, et expose les pontes au soleil qui les détruit.
  • Au semis, le roulage permet de mettre les semences hors de portée des limaces et d’écraser les mottes. De plus, la terre fine complique le déplacement du ravageur.
Les pratiques culturales

L’allongement des rotations, l’alternance de cultures d’appétence différente pour le ravageur et la gestion de l’interculture sont des leviers à ne pas négliger.

La surveillance des ravageurs, essentielle avant les semis

Les limaces sont essentiellement nocturnes. Le piégeage de nuit est la seule façon d’évaluer précisément le niveau de la population à la parcelle.

Il existe des pièges « tapis » normalisés à installer sur le sol qui servent d’abris aux limaces. Ces pièges, installés 2 à 3 semaines avant les semis, sont relevés tôt le matin, 1 à 2 fois par semaine. Ces observations permettent à l’agriculteur de déclencher les interventions. On estime qu’un tiers des agriculteurs utilise des pièges en 2024.

Les limaces grises et les limaces noires

Les pièges « tapis » s’installent deux à trois semaines avant les semis. ©De Sangosse

L’agronomie digitale

Les outils d’aide à la décision (OAD) facilitent le suivi des populations de limaces, notamment en partageant les observations et les niveaux de risque via une application.

Les dispositifs digitaux simplifient et optimisent la stratégie de gestion du ravageur. Ainsi, le piège connecté Limacapt, permet un comptage automatisé des limaces la nuit. Cette évaluation s’effectue grâce à son capteur autonome doté d’intelligence artificielle. Chaque matin, il partage un relevé sur l’application. Le service associant un OAD calcule le niveau de risque. Alors, il considère le stade de la culture, les interventions culturales passées et prévues et les prévisions météorologiques.

La quantification des limaces peut s’effectuer par intelligence artificielle comme c’est le cas avec le piège connecté Limacapt. En complément, la stratégie de gestion se pilote par l’outil d’aide à la décision associé. ©De Sangosse

L’épandage des granulés anti-limaces se programme dès que le seuil de risque propre à chaque culture est atteint.

Les seuils de risque et les stades de sensibilité selon les cultures 

Concrètement, grâce au piégeage des limaces ainsi qu’aux alertes des Bulletins de santé du végétal, les applications d’anti-limaces s’effectuent au bon moment si elles sont nécessaires.

Grâce au piégeage, les applications d’anti-limaces s’effectuent au bon moment si elles sont nécessaires. ©De Sangosse

Le biocontrôle

Les granulés de biocontrôle contiennent du phosphate ferrique, utilisable en agriculture biologique. Les tests d’Arvalis (2022) montrent que selon la recette de l’appât, ils possèdent le même niveau d’efficacité que ceux avec du métaldéhyde. Le mode d’action diffère et la limace s’enterre avant de mourir. Conséquence : l’efficacité est moins visible, pour autant, la culture est bien protégée.

La phytopharmacie

Depuis le 1 er octobre 2021, l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa), a durcit le classement toxicologique du métaldéhyde. Le produit devient CMR2 (cancérigène, mutagène, reprotoxique de niveau 2) lorsque les concentrations sont supérieures ou égales à 3 %. Alors, les granulés doivent être stockés séparément dans le local phytosanitaire avec une identification claire. De fait, c’est une contrainte forte pour de gros volumes, en grandes cultures notamment.

Par ailleurs, des formulations contenant un mélange de métaldéhyde (1 %) et de phosphate ferrique sont disponibles.

La qualité de l’épandage

La maîtrise de l’épandage revêt une importance quelle que soit la substance active. En effet, il s’agit d’apporter la bonne dose au bon endroit et d’éviter de projeter des granulés au-delà de la parcelle comme l’exige la réglementation.

En biocontrôle ou en phytopharmacie, les appâts se présentent sous la forme de granulés ou de billes. L’agriculteur utilise :

  • Un épandeur spécifique qui garantit la dose attendue et une répartition homogène sur le sol tout en préservant l’intégrité des granulés,
  • Un épandeur d’engrais,
  • Ou en mélange à la semence avec le semoir.

Tous les épandeurs du marché ne se valent pas. Aussi, il est préférable d’utiliser un épandeur de précision équipé d’un double disque, de type Spando. La démarche zéro dans l’eau accompagne les agriculteurs et tous les acteurs sont parties prenantes.

Les limaces grises et les limaces noires

Ici l’épandeur Spando assure une répartition homogène des granulés. Aussi, il évite de projeter les granulés hors de la parcelle. ©De Sangosse

Importance de l’approche combinatoire pour protéger les cultures des limaces

Tous ces leviers ont leur importance individuellement, mais c’est leur combinaison qui garantit l’efficacité de la lutte anti-limaces. Négliger un maillon de la stratégie peut mener à un échec de protection, surtout en situation de forte pression. Face aux limaces, rien ne se laisse au hasard !

Également, cette approche combinatoire se révèle vertueuse. Elle permet d’économiser des traitements, en intervenant uniquement quand cela est nécessaire et à dose ajustée. Le raisonnement de la protection phytopharmaceutique à partir du piégeage diminue jusqu’à 40 % l’Indicateur de fréquence de traitement (IFT). L’utilisation d’un épandeur de précision l’abaisse à nouveau de 30 %. Quant au biocontrôle phosphate ferrique, son IFT est de zéro !

La protection combinatoire contre les limaces grises et les limaces noires en 2030

Compte tenu du rôle clé du piégeage dans l’efficacité de la lutte, la méthode se généralisera. L’intelligence artificielle facilitera cette surveillance.

Le biocontrôle avec le phosphate ferrique représentera plus de 60 % des surfaces, contre 30 % en 2024.

Le métaldéhyde restera autorisé pour ne pas faire reposer la protection contre les limaces uniquement sur une substance active.