Souveraineté alimentaire : concilier exigences européennes et locales
La question de la souveraineté alimentaire impose plus que jamais de produire plus et mieux. Sur le terrain, dans les fermes, cela implique d’avoir les bons outils à disposition pour ajuster les pratiques agricoles. Ce changement d’approche ne peut se faire sans accompagnement.
La crise du Covid, et encore plus la guerre en Ukraine, ont remis sur la table la question de la souveraineté alimentaire. « Ce terme est revenu dans les débats au sein de l’Union européenne, alors que ce n’était plus le cas depuis une dizaine d’années », souligne Laurent Oger, directeur général adjoint de Crop Life Europe, le réseau européen des entreprises de protection des plantes. Nous nous trouvons dans une situation ambivalente à l’échelle européenne. D’un côté, nous abordons la question de la souveraineté alimentaire. De l’autre, des politiques comme le Green Deal peuvent générer certains risques sur les outils de production, notamment sur l’usage des produits phytosanitaires. » En effet, le Green Deal prévoit, à l’échelle européenne, une réduction de 50 % de l’usage des produits phytosanitaires à l’horizon 2030.
Concilier exigences européennes et attentes locales
Ces décisions européennes, et parfois celles propres à la France, ont des conséquences très directes sur les territoires. François Claude Cholat, président de Négoce Expansion, négociant et meunier en Rhône-Alpes, prend l’exemple de la cerise dans sa région. « Nous ne disposons plus de solutions pour lutter contre la mouche. Nous devons donc équiper nos vergers de filets pour lutter contre les vers, souligne le dirigeant de Maison François Cholat. Des consommateurs y voient une source de pollution visuelle. Cela nous oblige à leur faire comprendre pourquoi nous le faisons. » Plus que du bio, c’est pourtant, et avant tout du local que ses clients souhaitent. « Nous produisons du bio comme du conventionnel, mais nous faisons du local, 100 % tracé, depuis 26 ans, précise-t-il. Le local représente aujourd’hui 20 % de nos volumes, c’est cette production qui tire le reste. » Pour produire ce blé, assurer les volumes, les agriculteurs ne peuvent avoir d’impasses techniques. « Nos agriculteurs comme nos techniciens sont demandeurs de solutions combinatoires. Nous avons besoin d’innovations, car nous faisons face à des problématiques qui avaient disparu et qui reviennent, comme des maladies sur le seigle ou la carie du blé », constate le dirigeant.
Accompagner et former les agriculteurs
Pour apporter des solutions concrètes aux agriculteurs, les entreprises de la protection des cultures s’engagent. « Le panel d’injonctions auxquelles doit répondre l’agriculteur évolue. Il a désormais beaucoup plus de paramètre à prendre en compte dans la protection des cultures. Mettre en œuvre des technologies très différentes, avec des efficacités partielles, cela génère une charge mentale supplémentaire pour l’agriculteur. Notre rôle est de faciliter cette complexité et de rassembler cette multi expertise nécessaire », souligne Ronan Vigouroux.
À l’image de la feuille de route de Phyteis, Crop Life Europe, s’est fixé comme objectif, à l’horizon 2030, d’investir 4 Mds $ dans les biopesticides et 10 Mds$ dans le digital. Sur ce dernier volet, le réseau déploie le Digital Label Compliance. Ce projet vise à agréger les données réglementaires des produits de protection des plantes aux données agronomiques, météo et de la parcelle de l’agriculteur pour en faire des données intelligentes. «Digital label compliance témoigne de l’ambition collective des sociétés de protection des cultures à faciliter le digital farming », précise Julien Durand Réville, responsable agronomie digitale Phyteis. Rendues accessibles et interopérables, les données sont intégrées aux machines pour assurer une pulvérisation de précision tout en réduisant les risques liés aux usages pour les agriculteurs.
« Nous investissons également dans la formation des agriculteurs et des conseillers autour des bonnes pratiques et de l’usage d’outils comme les systèmes de transfert fermés pour éviter les contaminations », conclut Laurent Oger.