Comment les biotechnologies participent-elles à la protection des cultures ?
Les biotechnologies constituent un ensemble de techniques qui s’appliquent aux semences et aux bioagresseurs pour renforcer la protection des cultures. Des applications concrètes existent déjà et les champs de recherche sont immenses !
L’ADN est le langage génétique commun à tous les êtres vivants. Sa lecture, grâce au séquençage, et son remodelage avec l’édition du génome, ouvrent un domaine de recherche considérable. Ces deux disciplines biotechnologiques s’imposent comme un accélérateur de l’innovation.
Les biotechnologies forment donc l’un des quatre piliers de l’approche combinatoire de la protection des cultures.
Les trois principaux objectifs pour les biotechnologies en protection des cultures :
- La résistance des variétés aux maladies et une meilleure vigueur pour faire face aux attaques des insectes. Cet objectif est celui que les chercheurs travaillent le plus.
- La détection précoce des bioagresseurs et la connaissance de leur mode d’action.
- L’exploration du microbiote pour développer de nouveaux modes de protection.
Globalement, les biotechnologies renforcent la durabilité de l’agriculture en proposant des semences capables de résister intrinsèquement aux maladies et en réduisant l’usage de produits de protection des plantes.
Résistance complète aux bioagresseurs grâce aux biotechnologies
La première décision de l’agriculteur est de choisir la variété selon des critères de rendement, de comportements agronomiques et de qualité.
Plus que jamais, la semence fait partie de la solution face aux aléas climatiques et à une pression grandissante des bioagresseurs. En bénéficiant d’amélioration génétique, les variétés résistent mieux à ces contraintes. Par conséquent, elles contribuent à la réduction de la phytopharmacie conventionnelle.
De surcroît, avec l’agronomie digitale, les biotechnologies sont l’une des clés du déploiement des biosolutions (biocontrôle et biostimulants).
L’obtention de variétés améliorées requiert différentes techniques, que ce soit au champ ou au laboratoire. Entre autres, les sélectionneurs utilisent en routine la culture in vitro, les croisements assistés par marqueurs, la mutagénèse. …
La sélection assistée par marqueurs
Cette technique fait appel à la connaissance des génomes des plantes cultivées et sauvages. Concrètement, elle consiste à décrire des marqueurs moléculaires, sortes de code-barre, qui correspondent aux gènes de résistances naturelles des plantes. Ensuite, les sélectionneurs les sollicitent pour déceler plus vite les lignées porteuses de gènes intéressants et les intégrer dans de nouvelles variétés.
La mutagénèse
On utilise très largement les mutations naturelles ou aléatoires afin de sélectionner des plantes résistantes. Aujourd’hui, de nombreuses technologies s’appuient sur des mutations ciblées. Elles apportent davantage de précision. Parmi celles-ci : l’édition du génome avec la méthode CRISPR Cas 9 et ses fameux ciseaux moléculaires.
L’édition du génome accélère les schémas de la sélection variétale sans ajout de gènes étrangers. De plus, elle génère des résultats plus performants, notamment sur certaines plantes aux génomes complexes et jusqu’à présent difficiles à améliorer.
En France, neuf cultures ont été étudiées dans le programme multipartenaires Genius (2012-2020) en utilisant l’édition du génome. Parmi celles-ci : une tomate résistante au Potyvirus (Inrae de Versailles). Désormais, l’INRAE prolonge ses recherches dans le cadre du projet PEPR Sélection végétale avancée du plan France 2030.
Dans le monde, les premières plantes éditées, notamment le riz et la tomate, arrivent sur le marché. Les améliorations ciblent autant des transformations nutritionnelles que des résistances aux maladies ou une tolérance aux aléas climatiques.
Les biotechnologies offrent une meilleure connaissance des bioagresseurs
En complément de la sélection variétale, les biotechnologies investissent de plus en plus la recherche sur les bioagresseurs. Ces programmes se développent en lien avec les outils numériques d’aide à la détection des pathogènes.
Diagnostic précoce des bioagresseurs pour mieux intervenir
Les techniques génétiques de séquençage à haut débit identifient la présence et la virulence des ravageurs ou pathogènes. Ces méthodes se révèlent très prometteuses pour protéger autrement les cultures. Concrètement, on peut intervenir plus tôt et plus vite, en dotant les acteurs de terrain d’outils de diagnostics efficaces. Exemple, une équipe internationale (partenaires européens (1), indiens et sud-africains) propose un laboratoire portatif pour détecter le virus de l’igname. Ainsi, à partir d’une seule plante malade, le dispositif séquence la totalité des génomes de deux virus (macluravirus et potyvirus). Cette méthode ouvre la voie à un diagnostic itinérant et rapide des virus des plantes. Elle dote les réseaux d’épidémiosurveillance d’outils efficaces pour mieux contenir les contaminations.
Détection d’individus mutants
En recherche fondamentale, l’étude des gènes est aussi un moyen de diagnostiquer de nouveaux mutants au sein d’une population. En outre, le séquençage qualifie les dangers potentiels. Ces évaluations génétiques s’appliquent sur tous les types de bioagresseurs, adventices comprises.
Pour aller encore plus loin, de nombreux logiciels de surveillance et d’alerte pourraient exploiter ces informations. Accessibles sur smartphone, de telles données aideraient ensuite les agriculteurs à piloter tôt la protection de leur culture.
Les biotechnologies explorent le microbiote du sol et des plantes
Autre champ d’exploration des biotechnologies en protection des cultures : le microbiote du sol. À l’étude depuis les années 1950, ce n’est que très récemment que le séquençage aide à mieux comprendre la vie des sols et la biologie des plantes. Grâce à ces informations, les chercheurs peuvent créer des biosolutions qui interagissent positivement sur la croissance de la plante. Finalement, l’objectif est de booster l’immunité naturelle des cultures mais aussi de les protéger contre les maladies.
Caractériser le rôle positif du microbiote du sol
Des travaux collaboratifs, INRAE et Université de Lorraine (2) identifient les gènes permettant aux champignons de coloniser les racines. Dans ce cas, ces micro-organismes développent soit des associations bénéfiques soit des interactions pathogènes. Les résultats proviennent du séquençage et de l’analyse de 41 souches représentatives du microbiote racinaire de l’arabette.
Créer des biosolutions pour stimuler la germination des graines
Tout aussi prometteurs, des domaines d’exploration du microbiote concernent les graines. Celles-ci contiendraient des milliers de micro-organismes. Fait intéressant, seulement 30 taxons bactériens et fongiques (3) existent chez la plupart des espèces végétales. Ainsi, la germination des graines exigerait un microbiote « minimal ». Son rôle ? Stimuler ce stade primordial du développement d’une plante. De fait, ce type de travaux ouvre la voie à la création de biosolutions enrichissant ce spectre de micro-organismes.
(1) Financement de la fondation Agropolis dans le cadre du projet étendard E-SPACE (Améliorer l’épidémiosurveillance des maladies des plantes tropicales et méditerranéennes
(2) Projet collaboratif impliquant le Max Planck Institute for Plant Breeding Research – MPIPZ, Inrae, l’université de Lorraine et le Joint Genome Institute
(3) Travaux des chercheurs Inrae de l’Institut de Recherche en Horticulture et Semences (IRHS) réalisés dans le cadre du projet SUCSEED (Stop the use of pesticides on seed) du Programme prioritaire de recherche Cultiver et protéger autrement.