Impact des pesticides et biodiversité : prenons en compte les effets de l’approche combinatoire
L’expertise collective de l’Inrae-Ifremer concernant l’effet des pesticides sur la biodiversité et les écosystèmes est un domaine de recherche extrêmement vaste et complexe. Pour le secteur de la protection des plantes, la question adressée à la science est dorénavant de savoir comment les quatre piliers de la protection des cultures, combinés, permettent de préserver les écosystèmes.
Le partage de connaissances est nécessaire pour progresser. Le 5 mai, les chercheurs d’Inrae et de l’Ifremer ont présenté la deuxième expertise collective sur le thème des produits phytopharmaceutiques. Intitulée « Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques », elle a été commandée par les ministères de la Transition écologique, de l’Agriculture et de la Recherche. Cette méta-analyse a mobilisé pendant deux ans une quarantaine d’experts pour synthétiser quelque 4 000 études scientifiques publiées de 2000 à 2020. La première expertise scientifique collective sur ce thème, intitulée « Pesticides, agriculture et environnement » avait été réalisée en 2005.
Outre les effets des produits phytosanitaires sur les matrices de l’environnement, eau, sol, biote et air, le rapport, de 1000 pages, et ses synthèses, recensent les leviers pour atténuer les risques d’impact sur les écosystèmes. Un bémol a été partagé en préambule du colloque par le comité d’experts : certaines substances actives ont été très étudiées, comme les néonicotinoïdes et les pyréthrinoïdes, d’autres ne sont pas ou peu prises en considération. Posant en filigrane la question de la non publication des études ne démontrant pas d’effets.
La recherche sur les pesticides s’inscrit dans l’amélioration continue
Invitée à témoigner dans une table ronde clôturant la restitution par le comité d’expert Inrae-Ifremer, Emmanuelle Pabolleta, directrice générale de Phyteis, a souligné le travail d’agglomération des connaissances « nécessaire et utile ». Il s’ajoute aux travaux de recherche que réalisent les entreprises de protection des plantes. « Tout l’enjeu est d’obtenir un corpus de données utilisables dans une logique d’amélioration en continu », a-t-elle souligné. Laquelle se positionne sur deux axes : le profil écotoxicologique des molécules et une utilisation sécurisée des produits.
Evaluer les impacts des méthodes de protection combinatoires de protection des cultures
En plus des progrès réalisés depuis plus de 50 ans avec une diminution par dix de la toxicité des molécules, Emmanuelle Pabolleta a rappelé l’orientation prise par le secteur de la protection des cultures pour changer de paradigme au nom de la transition agroécologique. Le raisonnement s’appuie sur quatre piliers innovants : « Protéger les cultures sera toujours nécessaire, mais à côté du pilier fondé sur les produits phytopharmaceutiques, nous associons la bioprotection, les biotechnologies et l’agronomie digitale », a-t-elle détaillé. Cette approche combinatoire et plurielle de la protection des cultures est plus complexe à appréhender. Elle nécessite un accompagnement des agriculteurs renforcé, à assumer collectivement avec l’ensemble des acteurs du conseil. « J’espère que cette approche holistique de la protection des cultures sera prise en compte dans de prochaines études d’impact sur l’environnement », a-t-elle conclut.
L’expertise collective n’a pas vocation à formuler des recommandations. Toutefois, elle mentionne le renforcement des dispositifs de phytopharmacovigilance et l’intégration les effets sur les services écosystémiques dans les procédures d’évaluation des produits phytopharmaceutiques. Une autre expertise de l’Inrae est en cours pour mesurer l’effet des couverts végétaux sur la régulation des bioagresseurs et la protection des cultures. Elle sera publiée à l’automne.