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Phyteis

Hervé Lapie, président de Symbiose :
« Nous avons créé un important outil de dialogue entre l’apiculteur et l’agriculteur ».

L’association Symbiose accompagne les agriculteurs pour mettre en place des projets de biodiversité sur les territoires de Champagne-Ardenne. Au-delà de l’aménagement paysager pour créer de la ressource mellifère pour les pollinisateurs, ce dispositif a réussi à mieux connecter deux mondes professionnels travaillant avec le vivant.

« Notre principale préoccupation, c’est le développement des ressources mellifères et l’amélioration des pratiques agricoles pour protéger les abeilles et pollinisateurs sauvages, partage Hervé Lapie, agriculteur et président de Symbiose. Les pollinisateurs apportent une valeur ajoutée énorme à nos cultures, donc pour nous, agriculteurs, ces insectes sont des partenaires qu’ils soient sauvages ou domestiques. Personne ne veut les détruire !»

Afin de mieux comprendre les enjeux de biodiversité au sein des agrosystèmes, des représentants des syndicats agricoles FNSEA et JA ont créé en 2012, avec les chambres d’agricultures, l’association Symbiose. Elle rassemble sur le territoire de l’ancienne région Champagne-Ardenne les chasseurs, les apiculteurs et les agriculteurs. Son objectif est de reconstituer la trame verte et de développer les ressources mellifères. Depuis 2022, elle accueille deux projets autour de la trame bleue et un projet trame verte financés par la coopérative Vivescia.

Mieux comprendre la problématique abeille

Pour Hervé Lapie, la force d’un tel projet collectif réside dans la capacité à réunir et à faire dialoguer avec les acteurs locaux. «Cela redonne du lien avec le territoire, avec un maire, son conseil municipal, les conseils départementaux et la région », souligne le président de Symbiose. Les enjeux de biodiversité sont abordés dans une approche positive, systémique et transversale. « Pour préserver les abeilles, nous avons compris les problématiques des apiculteurs, ajoute-t-il. Aujourd’hui nous travaillons mieux ensemble, nous trouvons les compromis. » 

La problématique numéro un de l’apiculteur concerne la gestion du Varroa dans la ruche, ensuite, cela peut être d’autres parasites, le frelon asiatique… Les produits phytopharmaceutiques font partie des facteurs évoqués par les apiculteurs. « Quand on discute avec eux, ils nous disent que les produits de santé végétale sont certainement responsables de 6 à 10 % de leurs problèmes », précise Hervé Lapie. La réponse des agriculteurs réside dans l’amélioration de leurs pratiques sur la qualité de pulvérisation, la réalisation des interventions au champ conformes aux plages horaires définies par la réglementation dans le cadre de l’arrêté abeilles et le partage d’informations avec les apiculteurs.

Se mobiliser pour nourrir les abeilles en période de disette

Autre levier identifié par le président de Symbiose : la capacité des agriculteurs à développer de la ressource mellifère lorsqu’elle s’amenuise après la floraison des fruitiers et des colzas en juin et en juillet. « Une colonie d’abeilles qui n’a plus à manger s’affaiblit, explique-t-il. Conséquence, elle peut avoir un hiver difficile et une reprise d’activité au printemps qui peut être catastrophique.»

C’est dans ce cadre qu’a été lancé en 2020 le projet Apiluz, avec 2 422 agriculteurs impliqués . « Nous avons laissé plus de 1800 km de bandes de luzerne non fauchées pour les abeilles. Cette plante est riche en protéines et très mellifère. Nous sommes en train d’analyser au bout de 2 ans l’impact de cette initiative pour construire des indicateurs sur les pollinisateurs sauvages et domestiques », détaille Hervé Lapie. Le projet se poursuit en 2023. Outre les bandes de luzerne, les agriculteurs sèment des mélanges de plus de 18 espèces sur les bords de chemins et les banquettes herbeuses.

Réflexion autour de dispositifs environnementaux créateurs de valeur

Néanmoins, pour que de telles initiatives se déploient plus largement, elles doivent créer de la valeur dans les exploitations agricoles. «  L’objectif pour nous, c’est aussi de rémunérer les agriculteurs pour les services rendus », partage Hervé Lapie. L’association travaille à la mise en place de contrats de prestations de services environnementaux avec des entreprises qui pourraient financer de gré à gré des actions en faveur de la biodiversité en sollicitant le monde agricole.