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Ecophyto 2030 changeons de méthode, changeons d’indicateurs !

Yves Picquet, président de Phyteis, revient sur l’actualité réglementaire et politique de ce début d’année. Face à la crise agricole, la transition agroécologique mérite d’être appréhendée différemment dans le cadre d’Ecophyto 2030. La pierre angulaire : l’accompagnement des acteurs agricoles. Le moteur : l’encouragement. Le suivi : l’évaluation de la réduction des impacts. Le prérequis : la performance économique.

L’année 2024 s’annonce charnière. La colère du monde agricole ne gronde pas uniquement en France mais à l’échelle européenne face à un excès de normes. Pourtant, nombre de défis sont à relever : souveraineté alimentaire, importations, changement de génération d’agriculteurs, distorsion de concurrence en France…  De plus, selon la FAO, le changement climatique fera baisser de 20 à 30 % la production agricole, les bioagresseurs jusqu’à 40 %.

« C’est un peu la crise du ras-le-bol », partage Yves Picquet président de Phyteis, le 8 février lors de la conférence de presse annuelle. D’ailleurs, il reprend le constat d’un viticulteur du Rhône interpellant récemment Gabriel Attal, Premier ministre : « À force de laver plus blanc, on est devenu transparent ». Tout est dit !

Toutefois, la mobilisation exceptionnelle du monde agricole conduit le Gouvernement français à prendre un engagement inédit pour répondre à la détresse des agriculteurs. Elle doit être l’occasion d’enclencher une réflexion collective sur la transition agroécologique. Laquelle est appelée par tous les acteurs agricoles.

Encourager plutôt que stigmatiser, nouvelle philosophie d’Ecophyto 2030 ?

En effet, pour Yves Picquet, le changement de méthode s’impose. Il faut en finir avec les politiques punitives, mais « encourager, inciter, pousser, récompenser ! » La stigmatisation n’accélère pas la transition. « On se concentre sur ce qui ne va pas ! Aucun agriculteur n’a envie de sortir son pulvérisateur. En revanche, ils le font pour protéger les cultures et avoir des rendements.» De plus, le modèle agricole opère déjà sa transition agroécologique. Aussi, pour massifier les pratiques agroécologiques, l’accompagnement des agriculteurs doit être le point névralgique de la stratégie Ecophyto 2030. « L’alternative existe en protection des cultures sans perte de production. » Elle repose sur une pluralité de solutions dont l’émergence est à accélérer. Les adhérents de Phyteis les déclinent en quatre piliers : bioprotection, agronomie digitale, biotechnologie, phytopharmacie.

Signaux positifs en Europe sur les dossiers réglementaires NGT et SUR

Aussi, Yves Picquet appelle à la mobilisation des politiques en révisant les méthodes afin de renouer avec la performance. D’ailleurs, des signaux positifs sont déjà envoyés en Europe et en France. Ainsi, le 7 février, le parlement européen adopte sa position sur les variétés obtenues par édition du génome. « Cette technique apporte des outils aux sélectionneurs pour proposer des variétés résistantes au stress et aux bioagresseurs », indique Yves Picquet.

Au sujet du règlement SUR, il estime que “sans étude d’impact, l’objectif de baisse des usages de produits phytosanitaires n’a pas de sens”. Ajoutant que l’indicateur de risque HRI 1 (Harmonise Risk Indicator) que retient l’Europe, semble être celui que souhaite adopter le Gouvernement français. Cette réflexion se tient dans le cadre du remodelage du Plan Écophyto 2030 annoncé par Gabriel Attal le 1er février.

La stratégie Ecophyto 2030 doit mesurer les progrès des pratiques agricoles

L’indicateur HRI 1 prend en compte la dangerosité des substances actives. Il remplacerait l’indicateur Nodu. Ce dernier est quantitatif et global. Il ne mesure en rien la substitution des produits phytopharmaceutiques par des substances utilisables en agriculture biologique et/ou de biocontrôle. Pourtant, les récentes données sur les quantités vendues par les adhérents de Phyteis à la distribution agricole révèlent leur progression. Ainsi, les produits utilisables en bio augmentent de 57 % entre 2020 et 2022 ! Par ailleurs, depuis le lancement d’Ecophyto en 2008, la baisse de toutes les substances confondues est de 17,4 %.

« Nous considérons qu’une harmonisation des indicateurs d’impacts liés à la production agricole serait de nature à faire converger et à ne plus opposer la préservation de la santé et des écosystèmes, l’adaptation au changement climatique et la souveraineté alimentaire», insiste Yves Picquet. Toutefois, il rappelle que le plan Ecophyto pilote des dispositifs efficaces. Parmi ceux-ci : le retrait des substances actives CMR1, le déploiement du biocontrôle, les fermes Dephy et les formations Certiphyto.

Co-construction d’Ecophyto 2030 et prise en compte de la parole de tous les acteurs

Le changement de méthodes consiste aussi à intégrer tous les acteurs pour construire la nouvelle feuille de route. Enfin, les politiques publiques mesurent les difficultés techniques et économiques auxquelles se confrontent les filières agricoles suite au retrait de molécules. En effet, 38 % des usages ne sont pas pourvus en solutions de protection et 25 % ne disposent que d’une seule et unique solution.

Néanmoins, Phyteis regrette de ne pas avoir eu droit au chapitre lors de l’élaboration de la nouvelle stratégie Ecophyto 2030 : « Auparavant dans le cadre des comités de suivi du plan Écophyto nous participions à des groupes de travail, rappelle-t-il. Puis, ils ont cédé la place aux conférences annuelles afin de partager le bilan. Enfin, nous avons été écartés de l’élaboration de Parsada (2)».

Ce programme, commun à toutes les filières agricoles, recherche et développe les alternatives sur les molécules susceptibles d’être retirées. « C’est un peu comme si Stellantis et Renault ne participaient pas à un plan gouvernemental visant à changer les moteurs des voitures », illustre-t-il. Aussi, il invite les pouvoirs publics à plus d’ouverture. « Nous voulons être acteurs d’Ecophyto 2030. Nous sommes un maillon incontournable de la chaine de valeur alimentaire !».

Toutefois, Phyteis reconnaît la pertinence de Parsada, concret, à l’écoute des filières. De plus, son enveloppe est conséquente avec plus de 140 M€ pour 2024. Parsada va rassembler les recherches publique et privée, les instituts techniques pour trouver des solutions efficaces et rentables.

La phytopharmacie fera toujours partie de la solution

Enfin, le changement de méthode consiste également à en finir avec les idées reçues ! L’avenir de la protection des cultures notamment dans le cadre d’Ecophyto 2030 se fera aussi avec la phytopharmacie : « On ne lâchera pas ce pilier de nos activités, prévient le président de Phyteis. Nos entreprises investissent de façon conséquente dans la recherche sur des substances avec des meilleurs profils éco-toxicologiques. »

 

(1)  Source Rapport CGAAER publié le 10 mars 2022

(2) Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures