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« Avec la bioprotection, j’agis par pragmatisme »

Agriculteur dans la Somme, à Querrieu, et professeur d’agronomie, Hervé Mesnard cultive du blé, du colza, des betteraves et des pommes de terre. Il utilise principalement du soufre, en complément d’un fongicide conventionnel, pour notamment contrôler l’oïdium. Son crédo : réfléchir à d’autres méthodes de protection pour préserver la biodiversité tout en maintenant le potentiel de production de ses cultures.

Hervé Mesnard, agriculteur dans la Somme

« La bioprotection fait partie des méthodes possibles pour atténuer le risque de maladie et de ravageurs des cultures, indique Hervé Mesnard, agriculteur et professeur d’agronomie. Combinée à des leviers agronomiques, elle est une des solutions pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires conventionnels. »

Sur ses 160 ha de grandes cultures, Hervé Mesnard explore des méthodes de protection innovantes. Agriculteur et professeur d’agronomie à l’Université de Picardie Jules Verne (UPJV), il se sert aussi de sa ferme pour montrer aux étudiants l’impact des ses pratiques sur l’environnement. Les produits de bioprotection, notamment ceux appliqués pour contrôler les maladies, sont intégrés dans sa réflexion pour réduire le recours aux produits phytopharmaceutiques à l’échelle de la rotation des cultures. Alors, il expérimente différentes combinaisons de solutions en évaluant leur efficacité et le retour sur investissement. Il prévient : « Je n’agis pas par idéologie mais par pragmatisme ! Quel que soit la stratégie de protection combinatoire que j’adopte, je ne veux pas avoir la moindre incidence sur mes rendements. »

 

Associer le soufre au fongicide et à d’autres solutions de bioprotection

En complément de la protection fongicide conventionnelle sur betterave et sur blé, il applique du soufre. « C’est une méthode que je trouve pertinente, souligne-t-il. Toutefois, pour être pleinement efficace, le soufre a besoin d’un partenaire chimique. » Sur des variétés de blé sensibles à l’oïdium, des parcelles historiquement connues pour leur risque de développer cette maladie ou dès qu’il observe les premières pustules du champignon, l’agriculteur intervient avec du soufre associé à une demi-dose de fongicide. « A priori, dans ces conditions d’utilisation, le soufre apporte les mêmes bénéfices qu’une dose pleine de fongicide, précise-t-il. En plus de nourrir la céréale, il contrôle l’oïdium en fin de cycle de la culture. Cette stratégie ne me coûte pas plus chère qu’un fongicide utilisé à pleine dose. Autre bénéfice, le soufre aide la plante à mieux assimiler l’azote minéral et donc potentiellement à produire davantage de protéines. »

Sur ses betteraves, il utilise systématiquement du soufre pour contrôler l’oïdium dès que 15 % des feuilles sont touchées. Sur blé, Hervé Mesnard a également expérimenté le soufre associé à des algues. Ces substances actives s’appliquent en préventif contre la septoriose, une autre maladie des feuilles de céréales. En condition de faible pression, le niveau de rendement est alors maintenu.

 

Préserver la vie du sol avant tout

Autre bénéfice qu’il observe avec ses pratiques culturales : l’impact sur le sol.« Le soufre n’a pas d’effet sur les micro-organismes du sol, il ne dégrade donc pas sa fertilité biologique, ajoute Hervé Mesnard. Celle-ci est importante pour accroitre la résilience de nos exploitations.» L’activité biologique contribue à une bonne porosité du sol et donc indirectement à une bonne alimentation des organismes vivants. « Toute cette biodiversité, il faut l’entretenir en utilisant moins de chimie et plus de solutions de bioprotection », prévient l’agriculteur.

Ce message, il le partage aussi avec ses étudiants en deuxième année de génie biologique. « En 15 ans de temps, j’ai fait évoluer mon discours agronomique, avec l’intégration, petit à petit, de la bioprotection. Je me sers de ma propre expérience en insistant sur l’intérêt majeur qui consiste à conserver un maximum de vie dans le sol. Issus du milieu rural ou citadins, les étudiants sont à l’écoute et dans une démarche de réduction des produits phytosanitaires, quel que soit le système de production agricole. En suscitant leur esprit d’analyse et de déduction, je les encourage à réfléchir à d’autres moyens pour produire