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La Drosophila suzukii, la mouche de la cerise

La Drosophila suzukii est un ravageur originaire d’Asie. Depuis 2008, elle connaît une progression spectaculaire de son aire de répartition. Seule une stratégie combinatoire permet de faire face à ce ravageur particulièrement nuisible.

La Drosophila suzukii (drosophile à ailes tachetées – Diptera, Drosophilidae) est actuellement présente en Europe, aux Etats-Unis et en Amérique Latine.

Identifiée en France officiellement en 2010, elle cause des dégâts sur de nombreuses espèces de fruits rouges. Les cerises, fraises, framboises, mûres, myrtilles sont particulièrement vulnérables.

Le cycle de développement et biologique de la Drosophila suzukii

En conditions optimales, le cycle biologique de la Drosophila suzukii est très court, de l’ordre de 15 jours de l’œuf à l’adulte. On peut ainsi observer jusqu’à 13 générations par an.

Le développement de la D. suzukii suit un cycle de vie typique des drosophiles dont les principales étapes sont :

  • La femelle pond ses œufs sur des fruits fermes et mûrs. Ces œufs translucides sont déposés sous l’épiderme des fruits et mesurent entre 0,18 à 0,6 mm. A noter que cette drosophile a de fortes capacités de reproduction : elle peut pondre, en moyenne, 380 œufs au cours de sa vie.
  • Après éclosion, la larve, mesurant de 0,7 mm à 3,5 mm, se nourrit de la cerise. On l’observera d’ailleurs au niveau d’une zone molle, souvent oxydée. Son déplacement provoque par la suite la destruction des tissus. Une quarantaine de larves peuvent être observées dans un seul fruit.
  • Etape entre la larve et l’adulte, la pupe se forme dans le fruit ou à proximité. Elle est de couleur marron-rougeâtre. Deux caractéristiques la différencient d’une drosophile commune : ses extrémités en forme de petit tonnelet allongé et ses stigmates antérieurs « étoilés ».
  • L’imago (phase adulte) émerge ensuite de la pupe. Il a des ailes tachetées et un corps brun-rouge. La présence de taches sombres à l’extrémité des ailes des mâles et de l’ovipositeur sclérifié des femelles permettent d’identifier la suzukii sans erreur.
La nuisibilité de la D. suzukii

La D. suzukii se distingue des autres espèces de drosophiles par sa capacité à pondre dans les fruits en cours de maturation grâce à son ovipositeur sclérifié (en dents de scie). Elle diffère en cela des autres drosophiles qui ne pondent que dans les fruits déjà dégradés.

Une autre particularité de la D. suzukii est sa mobilité et le nombre important d’hôtes qu’elle peut infester. La répartition du ravageur au sein d’un territoire ou d’une parcelle est très hétérogène dans l’espace et dans le temps. Par conséquent, la protection du verger est très difficile.

La D. suzukii rend les fruits totalement impropres à la commercialisation. D’une année sur l’autre, elle peut causer des pertes pouvant atteindre 80 % de la production, voire mener à l’abandon total d’une parcelle.

Ses caractéristiques – polyphagie (large spectre d’hôtes), capacité de reproduction rapide, ovipositeur sclérifié et mobilité – en font donc un ravageur au fort potentiel de nuisibilité.

© CTIFL

Moyens de protection en production contre la D. suzukii
Solutions phytosanitaires

Les spécialités commerciales disposant d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) ou d’une dérogation dite « 120 jours » en traitement mouches peuvent être employées contre la D. suzukii.

Toutefois, le nombre de solutions mises à disposition est limitée. La filière a obtenu une dérogation « 120 jours » en 2024 pour l’utilisation d’un insecticide. Mais l’incertitude demeure sur les solutions qu’auront les producteurs dans les années à venir.

BARRIERES PHYSIQUES
  • Le kaolin (silicate d’aluminium) peut jouer un rôle de barrière physique limitant la ponte. Des produits à base de kaolin ont été testés à la dose de 50kg/ha. Malgré une efficacité intéressante, on observe la formation d’un dépôt blanc sur les fruits les rendant difficilement commercialisables.
  • L’utilisation des filets complets totalement « étanches » peut garantir une protection efficace. Cependant, ils impliquent l’absence de la D. suzukii avant leur fermeture (ce qui peut impliquer un traitement phytosanitaire préalable).
  • Des essais sont en cours sur les filets périphériques, c’est-à-dire des filets qui entourent le verger. Mais leur efficacité n’est pas encore prouvée. Elle semble en effet dépendre de la topographie du verger.
ENNEMIS NATURELS DE DROSOPHILA SUZUKII

La filière « cerise » est en attente de résultats sur l’efficacité de deux parasitoïdes :

Trichopria drosophilae est capable de parasiter les pupes de la D. suzukii. Le taux de parasitisme a été au maximum de 60 % pendant la durée des essais, taux insuffisant pour contrôler les populations.

Ganaspis brasiliensis : après un avis favorable de l’Anses de 2023, le ministère de l’Agriculture a autorisé des lâchers du parasitoïde Ganaspis brasiliensis sur des parcelles expérimentales. L’Inrae et le CTIFL pilotent le programme.

En 2024, vingt lâchers se sont déroulés en trois phases sur plusieurs sites. Après la récolte des fruits, les études se prolongent par un suivi des populations via des piégeages.

L’objectif est de mieux connaître la biologie de Ganaspis afin de caractériser les facteurs écologiques favorables à son installation. Toutefois, cette technique est contraignante pour les producteurs car elle implique des lâchers permanents.

Ce programme de recherche sur Ganaspis figure également dans le plan Parsada.

UTILISATION DE PLANTES PIEGES

L’utilisation des plantes pièges est en cours d’essais. Les essais réalisés avec la plante pyracantha montre cependant qu’elle était porteuse du feu bactérien. Cette maladie peut fortement impacter les vergers.

D’autres projets ciblent l’organisation des paysages, le développement d’un outil numérique d’aide à la décision… Des essais de sensibilité variétale ont été menés sur fraises et cerises mais n’ont pas permis de mettre en évidence de différences.

Biotechnologies : TECHNIQUE DE L’INSECTE STERILE

La Technique de l’Insecte Stérile (TIS) repose sur la production en masse et continue du ravageur à contrôler. Un grand nombre des mâles d’une espèce ciblée sont élevés et sont stérilisés par irradiation.

Ceux-ci sont ensuite relâchés en masse sur le territoire où l’on souhaite réduire la population d’insectes. Ils s’accouplent avec les femelles sauvages, qui par conséquent ne peuvent produire de descendance.

Des essais sont en cours en laboratoire. Par la suite, La question se pose de savoir comment cette technique pourra prendre à l’échelle d’un verger.

La fiche action PARSADA spécifique à la D. suzukii prévoit aussi des travaux sur la technique de l’insecte stérile.

La protection combinatoire contre la D. suzukii en 2030.

En 2030, l’utilisation de parasitoïdes sera autorisée et largement adoptée par les producteurs. Les parasitoïdes sont notamment utilisés en cultures couvertes (serres, tunnels…) ou sous des filets anti-insectes sur la base d’un verger largement remanié.

Dans une approche combinatoire, l’utilisation d’insecticides classiques ou de biocontrôle restera un complément aux autres techniques.

Mais attention, sans solutions innovantes, la production de cerises françaises sera en forte baisse.

Des stratégies de protection performantes se dessinent mais à long terme.

© CTIFL