PNRI, premiers résultats face à la jaunisse de la betterave
Quels sont les grands enseignements de la première partie du Plan national de recherche et innovation (PNRI) mis en place fin 2020 pour trouver des solutions opérationnelles contre la jaunisse de la betterave sucrière ?
Avec le PNRI, le raisonnement « une problématique, une solution » n’a plus lieu d’être. Premier constat après trois années de travaux : aucune solution aussi efficace que les néonicotinoïdes ne se distingue. Néanmoins, la plus prometteuse semble être la tolérance ou la résistance des betteraves aux virus vecteurs de la jaunisse. À la place, une combinaison de leviers se dessine dont certains sont déjà opérationnels comme la gestion des réservoirs viraux avec la destruction des résidus de racines de betteraves ou le rôle des prédateurs naturels hébergés dans les infrastructures agroécologiques.
Variétés de betteraves tolérantes à la jaunisse et rendements, voie prometteuse du PNRI
90 variétés de betteraves sont déposées chaque année à l’inscription auprès du Geves. Inoculées par les virus, leur tolérance vis-à-vis de la jaunisse est évaluée, comparée à un témoin non traité et à un deuxième non inoculé mais protégé avec un insecticide foliaire. En 2028, un bon compromis devrait être obtenu entre la tolérance variétale à la jaunisse et le rendement.
- 61 400 micro parcelles d’essais de variétés de betteraves sucrières en 2023
- 107 variétés inoculées par un cocktails de virus, 139 en monovirus
Limiter les réservoirs de virus de la jaunisse et de pucerons
Où survivent les pucerons et les virus ? Parmi le nombre important de plantes hôtes, figurent en toute évidence les repousses de betteraves. Les résidus des racines constituent des réservoirs de virus. Ils sont à enfouir dans la parcelle. Les andains de déterrage sont aussi à retourner en période de gel ou lorsque la terre est sèche.
La gestion des repousses de betteraves dans les céréales implantées après les betteraves via un désherbage d’automne et si besoin de printemps complète ces méthodes prophylactiques. Les recherches se poursuivent sur les autres plantes hôtes des virus et des pucerons (adventices par exemple).
Essais PNRI avec le semis de plantes compagnes des betteraves
De l’avoine rude ou de l’orge de printemps semées avant la betterave perturbent les pucerons verts aptères qui se développent en début de cycle de la betterave. Ces plantes créent aussi une barrière physique. Plus la plante se développe près de la betterave, meilleur sera l’effet protecteur. Toutefois, une concurrence s’installe avec la betterave, les plantes compagnes sont à détruire avant le mois de juin. L’itinéraire technique reste à peaufiner. L’attractivité des plantes de service sur les auxiliaires doit être évaluée. Un effet « push and pull » est aussi recherché en associant des plantes attractives et répulsives pour le puceron.
Efficacité relevée dans les essais PNRI :
- Avoine : 36 % de réduction des pucerons aptères et 34 % de baisse des symptômes de jaunisse.
- Orge de printemps : 33 % de réduction des pucerons aptères et 31 % de baisse des symptômes de jaunisse.
La prédiction du risque pucerons avec les outils numériques
S’appuyant sur les températures hivernales de janvier et de février, le modèle de prédiction du risque pucerons développé par l’ITB s’inspire d’un outil déjà utilisé en Grande Bretagne. Utilisant aussi les données d’observation du terrain et l’imagerie satellite, cet OAD renseigne sur les dates d’arrivée des pucerons. En ligne sur le site de l’ITB, il va notamment s’enrichir d’un « indice jaunisse ». Une web-application est aussi en cours de développement.
Lâcher d’insectes auxiliaires et création de zones de conservation naturelle
Deux actions en lien avec les insectes auxiliaires sont expérimentées dans le PNRI. Le semis en bandes de mélanges de fleurs constitue un réservoir pour les’insectes amateurs de pucerons tels que les carabes, les syrphes et les coccinelles. Seconde solution, complémentaire : le lâcher de chrysopes. Ces auxiliaires accentuent la pression de prédation. Les larves dévorent jusqu’à 50 pucerons par jour et sont actives pendant 3 à 4 semaines. Ensuite, les adultes volent vers les bandes fleuries pour faire leur cycle. Alors, la société IF-Tech (49) travaille avec l’ITB pour trouver la méthode d’introduction à grande échelle de cet insecte. Formulés avec une poudre, les œufs de chrysopes sont appliqués à hauteur de 20 à 40 œufs par m2. Par ailleurs, le positionnement s’effectue à l’aide d’un matériel de précision DPS 12 expérimenté avec l’ITB. Il travaille au rythme d’1 ha par quart d’heure.
Le PNRI mise sur le biocontrôle, l’huile de paraffine, les micro-organismes
Une solution naturelle miscible accentue la présence des prédateurs naturels des pucerons en les attirant. Elle s’applique en 2 passages au pulvérisateur en combinaison avec d’autres produits, par exemple avec de la paraffine. Autre médiateur chimique testé : les allomones. Ainsi, ces parfums naturels des plantes brouillent les informations perçues par les pucerons. Conséquence, ils perturbent leur développement. La société Agriodor a mis au point des granulés à épandre au stade 2 à 3 feuilles de la betterave. La rémanence est de 28 jours. L’ Autorisation de mise sur le marché (AMM) est espérée pour 2025.
Autre produit de biocontrôle, l’huile de paraffine réduit de près de la moitié la population de pucerons. Les effets observés concernent l’insecte mais aussi la transmission du virus. Enfin, le micro-organisme Lecanicillium muscarium qui s’attaque aux pucerons apporte jusqu’à 40 % efficacité. Il est testé seul, en mélange avec un insecticide et en combinaison avec des plantes compagnes. Paraffine et Lecanicillium ne sont pas homologués sur betteraves sucrières.