Espèces exotiques envahissantes, un coût considérable pour l’agriculture française
Des chercheurs ont estimé en France le coût des espèces exotiques envahissantes à 1,2 milliard d’euros en 25 ans, dont 232 M€ pour l’agriculture. Parmi les espèces végétales les plus problématiques qui apparaissent dès juin : l’ambroisie. Cette année encore, les producteurs de fruits et de légumes ont dû faire face aux mouches originaires d’Asie et d’Afrique. Et un nouvel insecte est aux portes de la France : le scarabée japonais.
De nombreux bioagresseurs classés comme « exotiques » se sont largement installés en France. Originaires d’Asie, des Amériques ou d’Afrique, le coût des pertes qu’ils occasionnent ainsi que leur gestion rappellent l’enjeu de leur difficile maitrise.
Une synthèse issue de la base de données mondiale Invacost créée par des chercheurs français et publiée en juillet 2021 estime à 250 M$ sur 25 ans le coût pour l’agriculture française (232 M€). Pour la santé, la note grimpe à 324 M$ (301 €). Au total, l’impact des espèces exotiques envahissantes équivaut à 1,2 milliard d’euros, a minima, de 1993 à 2018 pour la France et ses départements d’outremer.
Une projection à horizon 2030 évalue à 10,6 milliards d’euros leur introduction sur les territoires. Ce serait moins de 10 % des coûts présumés qui seraient analysés. De plus, seulement 98 espèces invasives exotiques ont été renseignées en 25 ans sur 544 jugées comme telles.
En extrapolant les coûts des autres espèces connues, recensées dans d’autres pays, 3 milliards d’euros s’ajouteraient à la facture !
Indicateur supplémentaire : les coûts de dommages ressortent 8 fois plus élevés que ceux alloués à la gestion de ces espèces.
L’impossible lutte contre les mouches du fruit
L’impact pour l’agriculture des espèces exotiques envahissantes se matérialise directement par une perte de production. La mouche méditerranéenne (Ceratitis capitata), originaire d’Afrique, s’attaque à plus de 300 espèces de fruits sauvages et cultivés dans le Sud de l’Europe. La drosophile suzukii, (Drosophila suzukii), une petite mouche importée d’Asie a été détectée en 2009. Elle pond dans les fruits rouges, pêches et abricots. Contre cet insecte aucune option de protection satisfaisante n’est disponible au point de conduire des producteurs de cerises dans des situations d’impasse. Quant à la punaise diabolique qui sévit sur de nombreuses cultures maraichères et fruitières, un seul insecticide (pyréthrinoïde) n’est autorisé pour l’éradiquer avec un usage limité.
Enjeux One Health avec l’ambroisie
Exemples d’impacts observés en cascade, ceux causés par l’ambroisie, originaire d’Amérique du Sud. Menaçante dès juin dans les parcelles de tournesol ainsi que de maïs des régions Auvergne et Rhône-Alpes, elle entre en compétition avec la culture et provoque des pertes de rendement. En raison de son pollen très allergisant, elle illustre les liens directs entre environnement, agriculture et santé dans le cadre d’une approche One Health. Un observatoire a dû être mis en place en 2011 par les ministères de la Santé, de l’Agriculture, de l’Ecologie et de l’Intérieur. Il est piloté depuis 2017 par la Fredon. La destruction de l’ambroisie peut faire l’objet d’arrêtés préfectoraux. Sa gestion par le labour afin d’enfouir les graines reste complexe car elles se conservent plus de dix ans dans les sols.
Enfin, des espèces non arrivées en France répertoriées dans la base Invacost pourraient occasionner des coûts importants si elles parvenaient à s’y établir. Le scarabée japonais présent en Suisse est un parfait exemple car il s’attaque à plus de 400 espèces de plantes. Autre menace imminente, la noctuelle américaine du maïs Spodoptera frugiperda est attendue au moins dans le sud de l’Europe. Partie du continent américain, elle a presque entièrement envahi l’Afrique ainsi que l’Asie.
Des mesures renforçant la biovigilance, la responsabilisation des populations, mais aussi la réglementation doivent mieux prévenir et anticiper les invasions biologiques selon les chercheurs contributeurs à Invacost. Seules 66 espèces sont inscrites en 2021 sur la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union européenne, alors qu’elles seraient plusieurs milliers.
L’avis de Ronan Vigouroux
Les espèces exotiques envahissantes sont la seconde cause de pertes de biodiversité devant le changement climatique selon la FAO. De plus, le changement climatique accélère le processus d’adaptation.
Face à ces nouveaux bioagresseurs en agriculture, les méthodes de lutte biologique alternatives efficaces demandent de l’expérimentation.
Invacost est la première base de données mondiale sur les coûts engendrés par les espèces exotiques envahissantes.
Le CNRS, l’Université Paris Saclay, le Muséum National d’Histoire Naturelle, l’Université de Rennes 1 et AgroParisTech ont cartographié les coûts en fonction des régions et espèces. L’objectif est d’alerter les décideurs publics sur l’urgence à mieux réglementer et maitriser ces invasions biologiques. L’analyse et les enjeux sont décrits dans une synthèse et des publications scientifiques.
L’évaluation des coûts induits par les espèces exotiques envahissantes en France métropolitaine et outremer est récente. Elle a été prise en compte progressivement à partir des années 1990.