Vulpin et ray-grass
Le vulpin et le ray-grass colonisent principalement les cultures d’hiver, jusqu’à 1 000 pieds/m² dans les blés ! Seule une combinaison de solutions élimine le stock semencier dans le sol et limite l’impact sur le rendement.
Le vulpin des champs et le ray-grass sont des graminées annuelles (Poacées). Le ray-grass d’Italie se développe surtout en grandes cultures tandis que le ray-grass anglais lève plutôt dans les systèmes fourragers.
Toutes ces espèces peuvent se retrouver sur une même parcelle. En raison d’une forte production de graines et d’une faible dormance, le vulpin et le ray-grass sont les adventices les plus redoutées, en particulier dans le blé tendre, l’orge d’hiver et le colza.
Le vulpin (Alopecurus myosuroides)
La première feuille se colore d’un vert brillant puis les feuilles suivantes sont plutôt d’un vert bleuté. La gaine est mauve bordée de blanc et, contrairement aux autres graminées, le limbe des feuilles est dépourvu d’oreillettes.
Cylindrique, la panicule présente une grande densité avec des rameaux d’épillets très courts. À maturité, elle devient violette. Le vulpin mesure de 50 à 80 cm.
Le ray-grass d’Italie (Lolium multiflorum) et le ray-grass anglais (Lolium perenne)
La face inférieure des feuilles brille tandis que la face supérieure reste mate. La gaine est rougeâtre et les oreilles sont visibles dès la 4e feuille. Étroites, les feuilles du ray-grass anglais sont lisses au toucher.
A contrario, les feuilles de ray-grass d’Italie sont larges et rudes. Pour les deux espèces, les groupes d’épillets sont disposés en quinconce le long de l’épis. Le ray-grass mesure de 0,6 à 1,2 m.
Cycle biologique du vulpin et du ray-grass
Le vulpin fleurit de mai à août et produit une abondante quantité de graines, d’environ 3 000 en moyenne par pied. Quant au ray-grass, sa floraison se déroule de juin à septembre, avec une grenaison généreuse de 1 200 graines par pied en moyenne.
Il lève ensuite de septembre à fin novembre et dans une moindre mesure de février à début avril. Aussi, il prolifère surtout dans les cultures d’hiver : céréales, colza, pois, féverole… Au printemps, on le retrouve ensuite dans le lin, l’orge ou le pois.
Le vulpin préfère les sols argileux, argilo-limoneux ou limoneux et craint les sols secs ou acides.
Présent également dans les cultures d’hiver, le ray-grass lève au printemps dans le pois, la betterave, le tournesol et le maïs. S’il survit dans tous les types de sol, il a également besoin d’humidité.
Cependant, des conditions de germination favorables et la faible dormance des graines de vulpin et de ray-grass contribuent à la colonisation rapide des parcelles au fil de l’année. Des graines de ray-grass germent dès leur chute si le sol est humide !
Enfin, les trois quarts des graines de vulpin et de ray-grass perdent leur faculté germinative en un an. Au bout de trois ans, le stock semencier est pratiquement détruit.
La nuisibilité du vulpin et du ray-grass
Le semis favorise la germination des graines de vulpin et de ray-grass. Dès lors, ces adventices entrent en concurrence avec la culture pour la nutrition azotée, ce qui diminue son potentiel de rendement.
Seuil de nuisibilité pour le blé tendre d’hiver :
En cas de forte infestation, on relève aussi des effets indirects.
D’abord, un taux d’impureté élevé en graines d’adventices rend la récolte inconsommable.
Des foyers d’ergot de seigle (Claviceps purpurea) survivent sur le ray-grass et le vulpin. Ils peuvent alors contaminer les céréales. La présence dans les lots de céréales de la toxine de ce champignon est soumise à des normes réglementaires.
C’est pourquoi, en cas de dépassement des seuils, le collecteur doit nettoyer les grains ou écarter le lot de la commercialisation.
Ensuite, les ray-grass ou vulpins non détruits avant le semis de céréales d’hiver constituent des foyers de pucerons et de virus, comme celui transmettant la jaunisse nanisante de l’orge.
En culture de lin, les graminées très fibreuses subissent la même décomposition que le lin fibre et polluent alors ses fils. Après le rouissage et le teillage, les matières contaminées sont donc déclassées.
La stratégie de protection combinatoire contre le vulpin et le ray-grass
Le désherbage vise à éliminer de façon durable le stock de semences adventices dans le sol. Depuis plus de quinze ans, la phytopharmacie se réduit et les cas de résistances des graminées adventices à des familles chimiques se multiplient.
Au-delà de 500 pieds de ray-grass ou de vulpins/m², une rupture technique nette devient même nécessaire. Pour revenir à un faible niveau de salissement, la combinaison de pratiques culturales devient nécessaire, à l’image de l’allongement de la rotation.
Combinées avec le désherbage chimique, ces techniques préviennent l’apparition de résistances aux herbicides et aident à sortir des situations difficiles. Ensemble, elles constituent le socle des stratégies de désherbage.
Les pratiques culturales
Labour
Un labour tous les 3 à 4 ans enfouit les graines et évite ainsi leur germination au moment du semis, jusqu’à 60 % d’efficacité. En revanche, un labour chaque année fait remonter les graines et favorise leur levée.
Faux-semis
Le faux-semis consiste à travailler le sol superficiellement avant le semis pour faire lever les adventices et mieux les détruire.
Il exige :
- D’abord une préparation superficielle fine du sol, inférieure à 5 cm.
- Puis un tassement de surface pour favoriser le contact entre les graines et le sol.
- Enfin, un désherbage mécanique ou chimique pour éliminer les plantules.
Résultat : en un an, la population de vulpins ou de ray-grass peut baisser de 60 % !
Allongement et diversification de la rotation
L’introduction de cultures de printemps (orge, maïs, pois…) dans la rotation perturbe le cycle biologique du vulpin. Ainsi, la pression sur les cultures d’hiver diminue progressivement.
Toutefois, ce levier agronomique ne présente pas la même efficacité pour le ray-grass. Enchaîner deux cultures de printemps peut contribuer à réduire le salissement dans les parcelles fortement infestées.
Dans tous les cas, cela permet également de varier les modes d’actions des substances phytopharmaceutiques.
Décalage de la date de semis
Un décalage du semis des céréales d’hiver de 2 à 3 semaines évite une grande partie des levées du vulpin et du ray-grass. De plus, ce décalage permet d’effectuer au préalable un ou deux faux-semis. Néanmoins, avec des levées continues lors d’hivers doux, cet effet devient moins important.
Choix variétal
Certains blés détoxifient totalement le chlortoluron. Ainsi, l’agriculteur dispose d’une solution chimique supplémentaire lors du désherbage. Par ailleurs, les variétés rapidement couvrantes freinent le développement des adventives.
Couverts végétaux
Des couverts végétaux d’interculture jouent un rôle étouffant vis-à-vis des adventices.
Désherbage mécanique et désherbage mixte
Avec le désherbage mécanique, l’objectif est de déchausser ou de sectionner les plantules sans fragiliser la culture.
- Sur le vulpin, la bineuse et la houe rotative sont plus efficaces que la herse étrille.
- Pour le ray-grass, la bineuse donne les meilleurs résultats.
Toutefois, le passage des outils à dents dépend des conditions pédoclimatiques de la parcelle et du stade des adventices. Il s’agit de disposer d’un sol sec le jour de l’intervention et de s’assurer de l’absence de pluie les jours suivants.
Enfin, le désherbage mixte s’appuie sur le désherbage mécanique et l’application dissociée d’herbicides.
Écimage et ensilage
L’écimage des épis de vulpins et de ray-grass par un matériel spécifique évite de laisser des graines mûrir au champ.
En cas d’infestation non maîtrisée, le blé immature peut être ensilé pour servir de fourrage pour le bétail ou bien peut être orienté vers la méthanisation.
Ces deux méthodes constituent des solutions « pompiers » lorsque que les autres leviers combinés ne diminuent pas suffisamment le stock semencier.
Agronomie digitale
D’abord, l’Outil d’aide à la décision (OAD) Odera présente des méthodes agronomiques préventives pour réduire l’usage des herbicides.
Le simulateur en ligne R-sim estime ensuite le risque d’apparition de résistances des herbicides pour chaque adventice.
Enfin, grâce à l’imagerie satellite et au numérique, la densité des semis est modulée pour obtenir une culture étouffante.
Phytopharmacie
Les substances actives sont disponibles seules ou bien associées dans des produits formulés. Systématiquement, les programmes de désherbage durable s’appuient sur l’alternance des modes d’action, des familles chimiques et des substances actives.
La règle vaut à l’échelle de la culture et de la rotation. Ces précautions préservent l’efficacité des herbicides. Tout d’abord, les combinaisons des herbicides antigraminées s’articulent selon leur efficacité sur le ray-grass et/ou le vulpin, la graminée dominante et la nature des sols.
Dès lors, les herbicides racinaires s’appliquent du semis à la post-levée, sur sol humide. Les herbicides foliaires se positionnent à partir du stade d’une à deux feuilles.
Ensuite, les codes HRAC (Herbicide Action Résistance Commitee) sont pris en compte pour classer les modes d’actions herbicides.
En effet, des vulpins et des ray-grass peuvent être totalement résistants :
- Le groupe HRAC 1 des inhibiteurs de l’enzyme (ACCase) avec les familles herbicides FOP, Dymes et DEN.
- Le groupe HRAC 2 des inhibiteurs de l’acétolactate synthase (ALS) avec la famille des sulfolynurées.
Pour élaborer un programme, il est possible d’évaluer le degré de sensibilité des ray-grass et vulpins aux produits. Pour cela, des laboratoires et entreprises de protection des cultures proposent des tests qPCR et HPLC sur des prélèvements de plantules.
Importance de l’approche combinatoire
Vulpin et ray-grass sont des adventices très préjudiciables au rendement et à la qualité des récoltes. Or, les leviers agronomiques présentent des efficacités partielles et dépendantes des conditions agro-climatiques.
Par conséquent, il faut les combiner à l’échelle de la culture et de la rotation pour maximiser leurs effets sur le stock de semences. Une telle stratégie demande de la régularité et du temps pour trouver les bonnes synergies.
Par exemple, le décalage de la date du semis du blé combiné à l’allongement de la rotation et au faux semis compense l’absence de labour.
De même, deux faux semis réduisent le niveau d’infestation. En les complétant par un désherbage mixte, mécanique ou chimique, le processus atteint 100 % d’efficacité.
Dans tous les cas, l’utilisation des herbicides sur une population déjà affaiblie limite la sélection d’individus résistants. Ainsi, l’efficacité des molécules herbicides est mieux préservée.
Cela permet de s’adapter à la baisse du nombre de substances actives autorisées en Europe et de diminuer l’Indice de fréquence de traitement (IFT).
La protection combinatoire contre le vulpin et le ray-grass en 2030
Les innovations herbicides seront limitées en raison des critères toxicologiques et environnementaux qu’exige la réglementation européenne. Par conséquent, les pratiques agronomiques combinées deviennent incontournables.