L’oïdium de la vigne
L’oïdium menace la vigne avant la floraison, mais son impact sur la récolte est le plus important entre floraison et nouaison. Prophylaxie, suivi, phytopharmacie et biocontrôle sont les piliers d’une stratégie de protection efficace.
Avec le mildiou (Plasmopara viticola), l’oïdium (Erysiphe necator) figure parmi les deux maladies les plus préoccupantes des vignobles français. Son impact fluctue selon les années et les régions. En Languedoc-Roussillon, l’oïdium domine particulièrement, soutenu par un climat favorable à son développement. De plus, des cépages largement cultivés dans la région, tels que le Carignan, le Chardonnay ou les Muscats, présentent une grande sensibilité à ce champignon.
Les symptômes
- Les toutes premières manifestations de l’oïdium sont discrètes. Des taches huileuses apparaissent sur la face supérieure des feuilles. De plus petites taches longent les nervures, à la face inférieure des feuilles. Pour les repérer, une loupe s’avère souvent nécessaire.
- Un feutrage gris se développe sous la feuille, puis colonise sa face supérieure.
- Une poussière cendrée recouvre les grains.
Le cycle biologique de l’oïdium de la vigne
L’oïdium de la vigne survit majoritairement l’hiver sous une forme sexuée, les cléistothèces. Selon les régions et les cépages, il peut également se conserver sous sa forme asexuée, le mycélium. Les cléistothèces se logent sous l’écorce de la vigne, tandis que le mycélium hiberne à l’intérieur des bourgeons.
Contaminations primaires
Les contaminations provenant du mycélium sont les premières à apparaître. Dès le débourrement, un feutrage blanc se forme sur les jeunes pousses, qui se crispent et présentent le symptôme caractéristique dit « en drapeaux ». Ce phénomène est particulièrement visible sur des cépages sensibles comme le Carignan, le Chardonnay ou le Cabernet-Sauvignon.
Avec l’arrivée de températures douces et d’une forte humidité, les cléistothèces éclatent et libèrent des ascospores que le vent disperse. Ces spores germent ensuite à la surface des organes infectés.
Puis, le mycélium se fixe en surface en se nourrissant grâce à des suçoirs, contrairement au mildiou qui pénètre à l’intérieur des tissus.
Contaminations secondaires
Tous les organes herbacés de la vigne sont sensibles aux maladies fongiques, en particulier les jeunes feuilles et grappes. Cependant, à mesure que les baies mûrissent, leur sensibilité à une première attaque de l’oïdium diminue. Elle est même pratiquement nulle lorsque la teneur en sucre atteint 8 %. Si une contamination intervient tôt, le parasite continue à sporuler tant que la teneur en sucre reste inférieure à 15 %.
Du printemps à l’automne, des cycles secondaires de contamination se succèdent avec des conditions météo favorables. L’humidité joue alors un rôle clé, favorisant la fructification du mycélium. Dès lors, il forme des conidiophores contenant les conidies (spores). Si le vent assure leur dispersion, une eau libre sur les feuilles détruit les conidies. Quant à la lumière directe, elle limite leur développement.
L’optimum de développement de l’oïdium se situe entre 25°C et 30°C, avec une humidité relative de 40 % à 100 %. Le stade de sensibilité maximale des grappes correspond à la période « fin floraison à début nouaison ».
La durée d’incubation du pathogène varie selon la température :
- À 12°C, les symptômes apparaissent en 14 jours ;
- À 16°C, ils se manifestent en 8 jours ;
- Dans des conditions très favorables, l’incubation ne dure que 4 à 5 jours.
En fin de saison, la reproduction sexuée produit les cléistothèces qui restent dans les tissus des feuilles malades durant l’hiver.
La nuisibilité de l’oïdium de la vigne
En s’attaquant aux grains de raisin, l’oïdium affecte la qualité gustative du vin. Il laisse un goût herbeux qui les rend impropre à la consommation. Il fait aussi baisser le rendement.
La gravité de l’épidémie d’oïdium est fortement influencée par le nombre de foyers primaires, la précocité des contaminations, la sensibilité des cépages et le maintien de l’humidité au cœur des pieds de vigne.
À noter : les grains contaminés par l’oïdium peuvent éclater en créant ainsi une porte d’entrée pour un autre champignon, le botrytis.
La stratégie de protection combinatoire contre l’oïdium de la vigne
Quand l’oïdium apparaît sur les feuilles, l’infestation progresse déjà depuis trois semaines. Pour empêcher la formation des foyers primaires, il faut débuter les traitements fongicides dès le printemps. La protection doit être continue tout au long de la croissance de la vigne pour limiter la propagation. L’alternance des modes d’action reste essentielle pour éviter les résistances. Le programme inclut aussi des solutions de biocontrôle, comme le soufre, les micro-organismes et les substances naturelles, qui préviennent les contaminations.
Les pratiques culturales
Les cépages résistants
Depuis 2018, quatre cépages inscrits au catalogue officiel possèdent une résistance polygénique au mildiou et à l’oïdium : Artaban, Floréal, Vidoc et Voltis. Leur déploiement reste conditionné à leur intégration dans les cahiers des charges des appellations.
La conduite de la vigne
Dans les parcelles où la maladie est récurrente, l’enlèvement des rejets de vigne limite l’installation des foyers primaires. Cette intervention retarde également le démarrage de l’épidémie. Puis, pour freiner la propagation au sein du rang, il est utile de réduire la vigueur de la vigne avec une fertilisation modérée. Favoriser l’enherbement des parcelles est aussi une pratique efficace pour éviter la formation d’un feuillage trop abondant.
Enfin, une bonne aération de la vigne assèche le feuillage et les grappes tout en augmentant l’exposition à la lumière. Ce type d’environnement freine les sporulations et réduit le développement de l’oïdium.
L’agronomie digitale
L’Outil d’aide à la décision (OAD) DeciTraitde l’Institut de la vigne et du vin (IFV) suit l’évolution, à la parcelle, des principales maladies. Selon le niveau de risque, il propose une stratégie de traitement associant ou non le biocontrôle.
Movida GrapeVision modélise également le risque de développement des maladies selon les données agronomiques et météo à la parcelle. Cet OAD génère des alertes et contient une base de données des produits pour piloter la protection.
Quant au service numérique Agrigenius, il s’appuie sur des données mécanistiques, transposables dans toutes les situations. En effet, il prédit le développement du bioagresseur en fonction des paramètres variables de son cycle biologique.
La phytopharmacie
La détection précoce des symptômes et la prise en compte de l’historique parcellaire sont cruciales pour raisonner la protection fongicide contre l’oïdium. Dans la plupart des situations, un traitement pré-floraison suffit pour protéger la récolte.
Néanmoins, les traitements précoces (stades C-D) sont recommandés pour les parcelles très sensibles, dites « à drapeaux ». Pour les autres, les traitements commencent au stade des boutons floraux séparés avec des produits préventifs qui bloquent la sporulation et le développement du mycélium. L’objectif est de sécuriser la floraison jusqu’à la fermeture de la grappe.
Les alertes des Bulletins de santé du végétal, des techniciens, des stations météo, de l’historique sanitaire de la parcelle et des observations sur le terrain permettent de déclencher la protection fongicide.
Chaque année, une note technique commune sur les résistances, rédigée par l’IFV, l’Inrae, l’Anses, les Chambres d’agriculture, le CIVC et la DGAl, préconise d’alterner les familles chimiques dans les programmes de traitement pour prévenir le risque de résistance de l’oïdium.
Programmes fongicides et gestion de la résistance
Les familles chimiques (substances actives) à alterner :
SDHI (boscalide, fluopyram, fluxapyroxade), IDM (difénoconazole, penconazole, tébuconazole, tétraconazole), IBS (spiroxamine), aryl-phéyl-kétones (métrafénone), benzoylpyridines (pyriofénone), AZN (roquinazide), amidoximes (cyflufénamide),
thiazolidines (flutioanile).
Les fongicides de biocontrôle
Les solutions de biocontrôle composées de soufre, micro-organismes, substances naturelles, s’insèrent dans les programmes de protection contre l’oïdium, en prévention des contaminations.
Elles empêchent le développement du mycélium de mildiou ou activent les défenses de la vigne.
Les substances de biocontrôle autorisées contre l’oïdium de la vigne : soufre, bicarbonate de potassium, huile essentielle d’orange, souches de bacillus, laminarine et pectine (COS-OGA), extrait aqueux de graines germées de Lupinus albus doux.
Choix du matériel de pulvérisation
Une pulvérisation de qualité contribue à l’efficacité du traitement et à la limitation de la dérive. Ainsi, elle doit être homogène et viser les organes végétaux en évitant toute perte dans l’environnement.
Les trois points clés :
- Choix du pulvérisateur.
- Calcul de la pression de fonctionnement.
- Choix des buses correspondant au traitement et réduisant la dérive d’au moins 66 % (liste officielle de la DGAL).
Impact de la protection combinatoire contre l’oïdium
La sensibilité de la vigne à l’oïdium est maximale « de la floraison à nouaison ».
Les produits de biocontrôle intègrent les programmes lorsque le risque oïdium est faible à modéré. Associés à des doses réduites de fongicides chimiques, ils abaissent l’Indicateur de fréquence de traitement (IFT), contribuant également à la gestion des résistances. En viticulture bio, si la pression oïdium est forte, la stratégie de protection fongicide repose surtout sur le soufre.
Pour une protection fongicide efficace, les outils d’aide à la décision sont essentiels. Ils guident l’agriculteur dans le positionnement des fongicides en préventif. Enfin, chaque année, les mesures prophylactiques telles que l’effeuillage freinent la propagation de l’oïdium dans la parcelle.
La protection combinatoire contre l’oïdium de la vigne en 2030
Génétique
Les variétés résistantes au mildiou, à l’oïdium et au botrytis doivent conserver les qualités gustatives propres à chaque AOC. Par ailleurs, le renouvellement du vignoble avec ce matériel génétique nécessite du temps.
Phytopharmacie
Tout l’enjeu est de préserver l’efficacité des fongicides et de conserver des substances actives multisites.
Prophylaxie
Depuis 2017, des recherches conjointes entre l’IFV et une start-up étudient l’efficacité des flashs UV-C pour limiter les contaminations par le mildiou et l’oïdium.