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Colza

Le phoma du colza

Maladie redoutée, le phoma du colza reste une menace majeure en intersaison.

Son installation précoce, favorisée par des automnes doux et humides, complique sa gestion et impose une vigilance accrue des agriculteurs.

Le colza est une culture emblématique des grandes plaines agricoles françaises, prisée pour sa polyvalence : production d’huile, alimentation animale, ou encore biocarburants.

Cette culture stratégique est toutefois exposée à de nombreux bioagresseurs, parmi lesquels le phoma. Celui-ci s’impose comme l’une des principales maladies fongiques pouvant l’affecter.

Le phoma du colza, issu de deux agents pathogènes fongiques du genre Leptosphaeria (L. maculans et L. biglobosa[1]), se manifeste généralement en deux temps : d’abord par des taches foliaires en automne, puis par une nécrose interne à la base de la tige au printemps. Cette dernière phase est la plus dommageable car elle affecte directement la tenue de la plante et son rendement.

Pour lutter contre cette maladie, les agriculteurs doivent adopter une stratégie combinant plusieurs leviers : amélioration variétale, biocontrôle, etc.

[1] Leptosphaeria maculans forme un complexe d’espèce avec Leptosphaeria biglobosa, une autre espèce du genre Leptosphaeria qui colonise les mêmes hôtes mais avec une temporalité différente.

Le cycle biologique du phoma du colza

Le développement du phoma du colza s’inscrit dans un cycle annuel étroitement lié aux pratiques culturales, en particulier à la rotation des cultures Le champignon survit sur les résidus de culture infectés, où il produit des pseudothèces dès la fin de l’été.

Sous l’effet des premières pluies automnales, ces pseudothèces libèrent des ascospores. Ceux-ci peuvent être disséminées par le vent sur plusieurs centaines de mètres.

Une fois déposées sur le feuillage du colza en cours de levée, les spores germent en conditions humides et pénètrent par les stomates. Des taches foliaires apparaissent alors, typiquement rondes, bordées de noir et présentant des pycnides (petits points noirs) au centre.

Leaf disease symptoms caused by Leptosphaeria maculans (anamorph Phoma lingam) on Brassica napus. is a fungal pathogen of the phylum Ascomycota that is the causal agent of blackleg disease on Brassica

©IStock

Symptômes du phoma du colza

Leaf disease symptoms caused by Leptosphaeria maculans (anamorph Phoma lingam) on Brassica napus. is a fungal pathogen of the phylum Ascomycota that is the causal agent of blackleg disease on Brassica

©IStock

Symptômes du phoma du colza

La maladie progresse ensuite par voie interne jusqu’au collet de la plante. Au printemps, on observe une nécrose des tissus de la base de la tige, responsable de dessèchements prématurés et de pertes de rendement.

Les contaminations principales ont lieu entre octobre et décembre, avec une latence de plusieurs mois avant l’apparition des dégâts les plus graves.

La nuisibilité du phoma du colza

Les pertes de rendement liées au phoma peuvent être conséquentes, notamment lorsque la base de la tige est fortement nécrosée. Outre la perte directe de biomasse, le phoma rend les plantes plus vulnérables aux stress hydriques de fin de cycle. Il en est de même pour la verse.

C’est l’atteinte du collet et de la base de la tige, en fin d’hiver, qui conditionne les pertes de rendement. On estime que plus de 30 % de nécroses internes au printemps entraîne une baisse significative du potentiel de production. Dans les cas les plus sévères, cela signifie – 5 à 20 q/ha.

Les facteurs aggravants sont également nombreux : rotation trop courte (moins de 3 ans entre deux colzas), présence importante de résidus non dégradés, semis précoce favorisant une grande surface foliaire exposée aux contaminations, ou encore variétés sensibles.

Stratégie de protection combinatoire contre le phoma du colza

Prévention agronomique

La première ligne de défense contre le phoma repose sur des pratiques culturales préventives. Elles visent à limiter la présence et la propagation du champignon dans les parcelles.

Sur une même parcelle, il s’agit d’abord d’espacer de quatre années minimum les cultures de colza. Cette rotation longue permet de réduire durablement la quantité de résidus contaminés dans le sol.

Par ailleurs, la gestion des résidus de récolte est essentielle. Le broyage suivi d’un enfouissement rapide favorise leur dégradation et diminue la charge en inoculum.

En parallèle, il convient de maîtriser la densité de semis et d’éviter les levées trop précoces. Celles-ci exposeraient les jeunes plantes à des contaminations précoces.

Surveillance et seuils

Dès l’automne, une vigilance particulière est recommandée. Cette période est critique pour les contaminations foliaires.

L’observation directe des feuilles est un bon indicateur : la présence de taches caractéristiques, beiges à grisâtres avec pycnides noires, sur plus de 10 à 20 % des plants, signale un risque accru de migration du champignon vers le collet.

 Protection chimique raisonnée

Lorsque la pression est jugée élevée à l’automne, une intervention fongicide peut être justifiée.

Les traitements à base de triazoles sont les plus couramment utilisés. Ils doivent alors être appliqués entre les stades 3 et 5 feuilles du colza. La phase idéale se situe juste après une pluie ayant déclenché une libération de spores, et avant la migration du champignon dans la tige.

Une seule application peut suffire dans les contextes modérés, à condition qu’elle soit bien positionnée. En revanche, l’efficacité est fortement réduite en cas d’application tardive.

Choix variétal, un levier déterminant

Selon Terres Inovia, la résistance des variétés de colza au phoma repose sur deux types de mécanismes :

  • d’une part, la résistance quantitative, qui confère une atténuation progressive et stable de la maladie,
  • et d’autre part, les gènes de résistance spécifique, qui bloquent plus directement le développement du pathogène.

Toutefois, l’efficacité de ces gènes spécifiques dépend fortement des populations de Leptosphaeria présentes. Celles-ci varient selon les régions et les années. L’usage répété de variété tolérantes favorise la sélection de souches capables de les contourner, réduisant progressivement leur efficacité.

C’est pourquoi il est recommandé d’alterner les variétés selon les profils de résistance. Il faut en effet éviter d’utiliser systématiquement les mêmes gènes d’une campagne à l’autre.

Perspectives 2030 de lutte contre le phoma du colza

À l’horizon 2030, plusieurs pistes prometteuses sont à l’étude pour renforcer la maîtrise du phoma. Ceci dans un contexte de réduction de l’usage des intrants chimiques.

D’abord, la mise au point de variétés combinant résistances qualitatives et quantitatives représente un objectif prioritaire pour les sélectionneurs. Ces variétés pourraient limiter à la fois la fréquence des traitements et l’impact des évolutions génétiques du champignon.

Ensuite, le développement d’outils d’agronomie digitale de nouvelle génération, devrait permettre un pilotage plus précis du risque et des interventions. Ces outils seront capables d’intégrer les données météo, les informations variétales et l’historique des parcelles.

L’essor des approches de biocontrôle, (usage de micro-organismes antagonistes ou de stimulateurs des défenses naturelles de la plante), constitue aussi une voie explorée activement. Des essais de terrain sont en cours, même si leur efficacité reste à stabiliser.

Enfin, l’innovation dans les pratiques culturales, ouvre de nouvelles perspectives pour perturber le cycle du pathogène et renforcer la résilience des systèmes de culture. Il s’agit notamment de l’association du colza avec des légumineuses gélives ou la valorisation des couverts végétaux.

[1] Leptosphaeria maculans forme un complexe d’espèce avec Leptosphaeria biglobosa, une autre espèce du genre Leptosphaeria qui colonise les mêmes hôtes mais avec une temporalité différente.