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Le mildiou de la vigne

Le dérèglement climatique intensifie le mildiou dans les régions viticoles humides et douces. Maîtriser ce pathogène de plus en plus résistant aux fongicides est plus que jamais un défi que seule une combinaison de techniques peut relever.

Dans les régions humides et tempérées, le mildiou de la vigne (Plasmopara viticola) représente une menace majeure. Il contamine la vigne dès l’éclosion des bourgeons et cible les organes en croissance. Les fortes pluies accélèrent sa propagation, nécessitant un programme fongicide rigoureux, surtout de la floraison à la fermeture des grappes. Lorsque ces épisodes pluvieux se multiplient, la gestion du mildiou devient plus complexe et peut gravement réduire les rendements.

Les symptômes
  • Les jeunes feuilles présentent sur la face supérieure des décolorations d’aspect huileux. Puis, un duvet blanc se développe sous la face inférieure. À mesure que la maladie progresse, le tissu végétatif brunit. En fin de cycle, le mildiou forme sur les feuilles âgées une mosaïque de taches brun-rouge.
  • À la floraison, la rafle contaminée ressemble à une crosse. Quant aux fleurs, elles se dessèchent et tombent.
  • Après la floraison, un feutrage blanchâtre recouvre les jeunes baies. Ensuite, les grains prennent une teinte brun-rouge à violette. Néanmoins, après la véraison, la grappe n’est plus réceptive aux attaques du mildiou.

Remarque : Le mildiou n’est pas un champignon. Il appartient à la catégorie des oomycètes et on le classe plutôt avec les algues brunes.

Symptômes en forme de tache d’huile sur les feuilles.

Formation d’un duvet blanc sous la face inférieure des feuilles et les baies.

Sur les feuilles âgées, on observe le symptôme « mosaïque » ou en « points de tapisserie ».

Le cycle biologique du mildiou de la vigne

Le mildiou partage des similitudes dans son cycle biologique avec les champignons. En effet, ses cellules absorbent les nutriments présents dans les tissus végétaux (absorbotrophie). Comme un champignon, il forme des hyphes (filaments). Ses fructifications expulsent aussi des spores à maturité pour contaminer les organes de la plante. De plus, il est incapable de photosynthèse.

Plasmopara viticola se conserve l’hiver sous forme d’œufs principalement sur les feuilles de vignes présentant le symptôme de mosaïque. Les résidus végétaux au sol constituent la principale source d’inoculum. Sinon, des œufs se forment sur les jeunes rameaux et les baies.

Les œufs d’hiver restent actifs dans les sols viticoles pendant au moins cinq ans, bien que leur pouvoir infectieux diminue avec le temps. De fait, des contaminations primaires peuvent survenir tout au long de la période végétative de la vigne. Cela explique également pourquoi le mildiou continue de se propager d’une année sur l’autre, même lorsque la maladie semble totalement éradiquée en saison.

Contaminations primaires

Au printemps, la présence d’eau au sol et des températures dépassant 11°C déclenchent la germination des œufs de mildiou. Plus les températures grimpent, plus la germination s’accélère, pouvant se faire en seulement deux jours. À ce stade, les œufs libèrent des oospores. Les pluies, en soulevant des éclaboussures de sol, transportent alors ces oospores vers les organes humides de la vigne, amorçant la contamination. Cette période de contaminations primaires correspond au débourrement de la vigne. Dix 10 jours après, on repère les symptômes par une tache translucide sur les jeunes feuilles de vigne.

Contaminations secondaires

D’abord, la contamination s’effectue en foyers. Ensuite, le mildiou de la vigne enchaine très vite plusieurs cycles de reproduction asexuée jusqu’à la véraison. Il touche entièrement la parcelle. Le pathogène pénètre par les organes riches en eau et en sucre comme les jeunes feuilles et les inflorescences. De surcroît, une végétation dense facilite son développement car elle entretient un milieu plus humide.

Les fructifications que l’on nomme sporangiophores forment le duvet blanc visible sous les feuilles. Des ramifications portent les sporanges. En présence d’eau, ces sacs gonflent et libèrent les spores matures. Puis, ces spores se propagent avec le vent et les pluies. Le tube germinatif pénètre l’organe de la vigne seulement si celui-ci est humide au moins pendant deux heures.

Avec une température de 12 °C, les symptômes seront visibles au bout de 14 jours. À une température de 16 °C, le délai se raccourcit à 8 jours. En conditions particulièrement favorables, l’incubation ne dure que 4 à 5 jours !

En fin de saison, la phase de reproduction sexuée conduit au développement des œufs dans les tissus des feuilles malades. Ainsi, ils assurent le maintien du pathogène dans le vignoble pendant l’hiver.

La nuisibilité du mildiou de la vigne

Le mildiou dessèche les feuilles, réduisant la photosynthèse et affaiblissant la plante. Cependant, c’est entre la floraison et la fermeture des grappes que son impact est le plus dévastateur. En provoquant la chute des fleurs, il peut entraîner des pertes de production considérables.

Ce parasite se manifeste sous deux formes sur les grappes. Tout d’abord, le « rot gris » lors d’attaques précoces sur les inflorescences, cause de pertes de rendement importantes. Puis, le « rot brun » lorsqu’il contamine les baies formées. En outre, les attaques tardives altèrent l’arôme et le goût du vin, compromettant ainsi sa qualité.

La stratégie de protection combinatoire contre le mildiou de la vigne

Face au mildiou de la vigne, l’enjeu principal est de gérer la résistance des souches de Plasmopara viticola aux fongicides unisites. Ensuite, les contaminations secondaires peuvent exploser en été avec de fortes pluies, menaçant la récolte.

La réduction du nombre de produits complique la protection de la vigne : les options d’alternance des modes d’action et d’association se réduisent, augmentant la pression de sélection sur les produits restants.

La première étape consiste à bloquer le foyer primaire dès l’éclosion des œufs, puis à freiner la propagation du pathogène en intervenant au début du printemps et pendant la croissance. Des mesures prophylactiques et des pratiques culturales, combinées aux traitements phytopharmaceutiques, aident ensuite à contrôler les contaminations secondaires.

Les pratiques culturales

Les cépages résistants

Depuis 2018, quatre variétés de vigne possédant une résistance polygénique au mildiou et à l’oïdium figurent au catalogue officiel. Il s’agit d’Artaban, Floréal, Vidoc et Voltis. Néanmoins, leur développement dépend de leur acceptation dans les cahiers des charges des appellations.

La conduite de la vigne

La présence de zones humides et de cours d’eau accentue le risque de mildiou car le pathogène a besoin d’humidité pour se développer. Plus le sol draine lentement l’eau, plus la parcelle devient vulnérable. Pour réduire la pression de la maladie, il est alors essentiel d’éliminer les excès d’eau et de prévenir la formation de zones humides. Par exemple, un enherbement des rangs empêche le tassement du sol par les machines et la formation de couches imperméables.

Les autres mesures prophylactiques :

  • La suppression de tous les rejets de vigne, favorables aux foyers primaires de mildiou, réduit l’inoculum. Les pampres proches du sol sont particulièrement sensibles aux premières contaminations.
  • Un relevage précoce réduit le nombre de rameaux en contact avec le sol diminuant ainsi les risques de contamination.
  • L’écimage aide à éliminer une partie des foyers du mildiou.
  • Enfin, des rognages et autres travaux en vert éliminent les jeunes feuilles très sensibles. De plus, ces interventions favorisent une bonne aération au sein de la haie foliaire. Cela limite la propagation des maladies et améliore la pénétration de la bouillie lors de la pulvérisation.
L’agronomie digitale

L’Outil d’aide à la décision (OAD) DeciTraitde l’Institut de la vigne et du vin (IFV) suit l’évolution, à la parcelle, des principales maladies. Selon le niveau de risque, il propose une stratégie de traitement associant ou non le biocontrôle.

Movida GrapeVision modélise également le risque de développement des maladies selon les données agronomiques et météo à la parcelle. Cet OAD génère des alertes et contient une base de données des produits pour piloter la protection.

Quant au service numérique Agrigenius, il s’appuie sur des données mécanistiques, transposables dans toutes les situations. En effet, il prédit le développement du bioagresseur en fonction des paramètres variables de son cycle biologique.

La phytopharmacie

La mise en œuvre de la protection fongicide de la vigne repose sur les alertes fournies par les Bulletins de Santé du Végétal, les recommandations des techniciens, les données des stations météorologiques, les outils numériques de prévision, l’historique sanitaire de la parcelle, ainsi que les observations de terrain.

L’objectif est de protéger la fleur et la grappe jusqu’à la véraison. Dès lors, les programmes fongicides doivent être solides et sans rupture.

Programmes fongicides et gestion de la résistance

Dans l’élaboration des programmes fongicides, un paramètre clé entre en jeu : la plasticité des souches de mildiou. Chaque début d’année, l’Institut Technique de la Vigne et du Vin (IFV), l’Inrae, l’Anses, les Chambres d’agriculture, le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC) et la DGAl partagent leurs analyses sur l’évolutions des résistances aux familles chimiques et leurs recommandations d’emploi. Ces informations figurent dans la note technique commune sur la résistance au mildiou.

Ainsi, selon ce document, tous les modes d’action chimiques, sauf les substances multisites (folpel, cuivre, dithianon) et le fosétyl aluminium, sont concernés par la résistance du mildiou. L’IFV déconseille même l’usage de produits à base de QoI-P (azoxystrobine, pyraclostrobine).

Généralement, l’alternance des modes d’action des fongicides limite le développement de résistances de la part des bioagresseurs. Dans le cas du mildiou de la vigne, les substances actives chimiques ne doivent pas s’employer au maximum plus de deux fois dans l’année, parfois une seule fois.

Cependant, dans de nombreuses situations dégradées, il devient essentiel d’associer des fongicides unisites avec des substances multisites. Ces dernières possèdent une efficacité intrinsèque et servent de bouclier dans les programmes de protection.

En complément, l’application de fongicides en mosaïque spatiale à l’échelle d’un vignoble réduit les risques de sélection de souches résistantes.

Les familles chimiques (substances actives) à alterner :

QiI (amisulbrom, cyazofamide), QioI (amétoctradine), CAA (benthiavalicarbe, diméthomorphe, iprovalicarbe, mandipropamide valifénalate), OSBPI (oxathiapiproline), anilides (bénalaxyl-M, métalaxyl-M), benzamides (zoxamide), acylpicolides (fluopicolide).

Les biosolutions

Les fongicides de biocontrôle

Des solutions naturelles inhibent le développement du mycélium de mildiou ou activent les défenses de la vigne. Elles s’utilisent généralement en début de programme ou après la floraison, selon le type de biocontrôle.

Les substances de biocontrôle autorisées contre le mildiou de la vigne : phosphonate de potassium, phosphonate de dissodium, huile d’orange douce, levures, bacillus, association chitosan et pectine (COS-OGA).

Le cuivre

L’application du cuivre s’effectue préventivement, avant les pluies qui vont générer des contaminations. En effet, le cuivre n’agit pas de façon curative sur le mildiou car le pathogène présent à l’intérieur des tissus végétaux est inaccessible pour un produit de contact. Les traitements cupriques ne doivent pas dépasser 4 kg/ha/an et sont autorisés en agriculture biologique.

Enfin, des formulations fongicides associent de plus en plus du cuivre aux autres substances actives pour préserver l’efficacité de ces dernières. D’autres réduisent son dosage pour une utilisation durable.

Choix du matériel de pulvérisation

Une pulvérisation de qualité contribue à l’efficacité du traitement et à la limitation de la dérive. Ainsi, elle doit être homogène et viser les organes végétaux, en évitant toute perte dans l’environnement.

Les trois points clés :

  • Choix du pulvérisateur.
  • Calcul de la pression de fonctionnement.
  • Choix des buses correspondant au traitement et réduisant la dérive d’au moins 66 % (liste officielle de la DGAL).
Impact de la protection combinatoire contre le mildiou

Le mildiou est une maladie hautement contagieuse et difficile à maîtriser. La protection phytosanitaire reste le pilier de la lutte. Mais, un défi majeur complique cette stratégie : la forte plasticité des souches de mildiou, qui contournent vite les modes d’action chimiques en cas d’utilisation répétée. Les fongicides multisites jouent alors un rôle crucial en agissant comme un bouclier dans les programmes de traitement.

Les produits de biocontrôle intègrent également les programmes lorsque le risque de mildiou est faible à modéré. Associés à des doses réduites de fongicides chimiques, ils contribuent simultanément à la gestion des résistances et à la réduction de l’Indicateur de fréquence de traitement IFT. En viticulture bio, si la pression mildiou est forte, la stratégie de protection fongicide s’appuie principalement sur le cuivre. Or, l’utilisation de ce produit de bioprotection reste limitée à 4 kg/ha/an en moyenne sur sept ans.

Face à ces contraintes, les outils d’aide à la décision sont essentiels pour un positionnement optimal des fongicides. Enfin, chaque année, les mesures prophylactiques telles que l’effeuillage freinent la propagation du mildiou dans la parcelle. Toutefois, pour réaliser ces travaux, les viticulteurs sont confrontés à un problème de main d’œuvre en raison de leur pénibilité.

La protection combinatoire contre le mildiou de la vigne en 2030

Génétique

Les variétés résistantes au mildiou, à l’oïdium et au botrytis doivent avoir les qualités gustatives correspondant à la typicité de chaque AOC. De plus, renouveler le vignoble demande du temps.

Agronomie digitale

Le suivi de la pression mildiou s’effectue avec des outils d’aide à la décision de plus en plus précis. Dans le cadre du projet Visa (Sporée aérienne du vignoble), l’IFV travaille depuis 2019 sur des capteurs installés au milieu des vignes afin de mesurer le niveau de sporulation dans l’air.

Phytopharmacie

Tout l’enjeu est de préserver l’efficacité des solutions fongicides et de conserver des substances actives multisites.

Biosolutions

Des travaux sur les extraits de sarment ont mis en évidence un intérêt de ces substances. Toutefois, la capacité de développement « industriel » de ces extraits reste à évaluer. Des biopesticides à base de peptide ou d’ARNi sont à l’étude.

Agroéquipements

La qualité de la pulvérisation s’améliore avec le déploiement sur le terrain de matériels performants possédant la mention Performance Pulvé.

Prophylaxie et autres techniques

Des équipements sont à l’étude pour ramasser et éliminer les feuilles contaminées après la vendange. Par ailleurs, certaines pratiques de travail du sol pourraient nuire à la conservation du mildiou ; des travaux visent donc à les identifier et à les mettre en œuvre. Depuis 2017, des recherches menées en partenariat entre l’IFV et une start-up évaluent l’efficacité des flashs UV-C pour réduire les contaminations du mildiou et de l’oïdium.

Enfin, des recherches ciblent l’introduction dans le sol de micro-organismes antagonistes (bactéries et champignons) qui nuisent au mildiou.