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Le mildiou de la pomme de terre 

Le mildiou de la pomme de terre est responsable de la grande famine qui a touché le nord de l’Europe au 19ème siècle.  

Pouvant causer des dommages irréversibles aux cultures, cette maladie doit être géré avec rigueur et réactivité. 

Le mildiou est une maladie cryptogamique, causée par un champignon de la famille des Phytiacées : Phytophthora infestans. Ses oospores sont particulièrement résistantes. Elles peuvent se conserver plusieurs années dans le sol, menaçant ainsi les cultures sur un temps long.  

Par ailleurs, le développement explosif du mildiou en fait un bioagresseur extrêmement difficile à combattre lorsque l’épidémie est déclarée. Les conséquences sont doubles :  

  • Baisse des rendements, voire absence totale de récolte,  
  • Perte de qualité des tubercules pouvant entraîner leur destruction au stockage. 

La gestion du mildiou doit s’adapter à l’apparition de souches résistantes aux substances phytopharmaceutiques. Elle doit aussi faire face à la disparition progressive des matières actives disponibles sur le marché pour le combattre.  

Le cycle biologique du mildiou de la pomme de terre

La plupart du temps, le cycle de P. infestans est végétatif. L’hiver, P. infestans se conserve sous forme de mycélium asexué dans divers foyers potentiels : les tubercules laissés au champ, les tas de déchets, les repousses et parfois dans les tubercules conservés en stockage.  

Au printemps, le mycélium germe et produit des sporanges. Ceux-ci sont ensuite disséminés : 

  • Par le vent sur de longues distances, infectant d’autres parcelles, 
  • Par la pluie sur les étages inférieurs du végétal et les plantes voisines.  

Par forte humidité, un cycle se produit tous les 4 à 6 jours à la température moyenne de 15 °C.  

Après l’infection primaire, des cycles de contamination secondaire se succèdent et causent une destruction très rapide du feuillage. Au champ, les tubercules nouvellement formés sont infectés par les sporanges issus des parties aériennes et transportés par l’eau de pluie dans le sol.  

Les facteurs favorables à la maladie

L’humidité, la pluie et des températures clémentes sont les principaux facteurs de prolifération et de contamination du mildiou. L’eau permet quant à elle la germination et la dissémination des zoospores.  

La succession de périodes de forte hygrométrie (supérieure à 90%) et aux températures entre 10°C et 25°C représente donc les conditions idéales pour son développement. Il en est de même pour les épisodes orageux. 

La nuisibilité du mildiou de la pomme de terre

Le mildiou peut entraîner des pertes de rendement considérables, jusqu’à 70 % ou 80 % voire dans certains cas, la totalité de la récolte. 

 Symptômes en végétation  

La maladie se caractérise par l’apparition, sur la face supérieure des feuilles, de petites taches décolorées brunes, entourées d’un halo vert-clair. En conditions humides, les fructifications apparaissent sur la face inférieure, sous la forme d’un feutrage blanc, sur le pourtour des taches.  

Par la suite, la multiplication des taches et leur extension peuvent conduire rapidement à la destruction du feuillage. 

Sur les tiges et les bouquets terminaux, des taches brunes, parfois nécrotiques, sont observées. Elles sont également porteuses de fructifications par temps humide. 

Les symptômes sur feuilles peuvent être confondus avec ceux de Botrytis cinerea, (pourriture grise). Cette maladie fongique est elle aussi favorisée par des conditions humides. Toutefois, celle-ci infecte davantage les parties fragiles et sénescentes de la plante, contrairement au mildiou.  

 Symptômes sur tubercules

Extérieurement, les tubercules atteints présentent des taches aux contours mal définis (marbrures), de couleur brune ou gris-violacé. 

En coupe, des zones de chair marbrée de couleur rouille sont visibles juste sous l’épiderme. Elles peuvent s’étendre vers le centre du tubercule. D’autres maladies, peuvent alors s’y engager, causant par exemple des pourritures dans des conditions de stockage trop humide.  

Stratégie de protection combinatoire contre le mildiou de la pomme de terre et ses résistances

La combinaison des leviers est indispensable pour contenir l’épidémie de mildiou, entre autres lors des années humides.  

L’approche combinatoire de lutte contre le mildiou de la pomme de terre reprend les principaux piliers de la protection intégrée : prophylaxie, observation, OAD, traitements avec une combinaison de solutions diverses. En outre, cette diversité d’outils permet d’éviter les phénomènes de résistance.  

Le premier pilier de la gestion du mildiou est l’utilisation de leviers non chimiques. Il s’agit en effet de n’utiliser les solutions fongicides qu’en dernier recours. 

 Systématiser la prophylaxie  

La réduction de l’inoculum primaire via la prophylaxie réduit la pression de maladie et retarde les premières contaminations :  

  • La gestion des déchets de la récolte précédente avec de la chaux vive et une ceinture de rétention. Cette gestion peut d’ailleurs s’effectuer en recouvrant les tas par une bâche de type ensilage ;  
  • La gestion des repousses contaminées avec de l’hydrazide maléique.  

A noter également que les rotations longues sont particulièrement défavorables à la survie du mildiou dans le sol. 

 Mobiliser le choix de variétal 

Le choix variétal est un des principaux leviers de l’approche combinatoire. Il permet d’abaisser le recours à la protection fongicide.  

Chaque variété de pomme de terre a une sensibilité au mildiou qui lui est propre (classement de 1 pour les très sensibles à 9 pour les moins sensibles).  Le choix de variétés résistantes permet d’abaisser le risque mildiou tout en réduisant l’IFT.  

Le choix variétal peut être contraint par des cahiers des charges de la filière de transformation.  

Arvalis a montré que la combinaison du levier variétal et de la protection à dose réduite (via l’utilisation du biocontrôle par exemple) permet de retarder l’apparition des symptômes et destructions.  

 Surveiller attentivement et anticiper  

Le mildiou est une maladie « à foyer » qui impose une surveillance soutenue.  L’observation régulière des parcelles demeure primordiale pour détecter les premiers foyers sur la base des symptômes décrits précédemment.  

Le déclenchement d’un traitement est conditionné à l’utilisation d’un OAD qui prend en compte les facteurs d’influence (variété, météo, état sanitaire, dates de semis, etc.).  Les OAD utilisés actuellement permettent de diminuer le nombre de traitements jusqu’à 50 %. 

En complément, de nombreux dispositifs d’épidémio-surveillance existent, tant au niveau français (BSV par exemple) qu’international (Euroblight).  

Ces réseaux collaboratifs permettent d’améliorer la connaissance du pathogène et son adaptation (évolution des traits de vie, résistance aux fongicides, contournement de gènes de résistance variétale) afin de mettre à jour les stratégies de lutte. 

Traiter avec une stratégie réfléchie pour préserver l’efficacité et limiter les résistances

Une fois la maladie déclarée, il est essentiel d’intervenir rapidement par traitement pour contenir le pathogène et limiter son explosion.  

Afin d’éviter de perdre le contrôle de l’épidémie, la protection phytosanitaire doit démarrer au plus tard dès 30 % de pommes de terre levées. Les traitements doivent alors être effectués à des cadences de 3-4 jours maximum en période défavorable. L’objectif est d’accompagner les jeunes pousses. 

Il est également important d’associer ou d’alterner les types de substances actives en intégrant les biosolutions (cuivre, phosphonate de potassium). Cette stratégie permet notamment de contourner les facultés d’adaptation de la maladie.  

  • Le cuivre est un produit de contact. Il peut s’employer dès la levée ; il est toutefois sujet au lessivage par la pluie.  
  • Le phosphonate de potassium présente l’avantage d’être systémique.  Son efficacité le rend intéressant en association avec des substances conventionnelles à doses modulées, même en situation de pression importante. Il permet aussi de limiter le recours au cuivre.  

Enfin, l’utilisation d’adjuvants permet aux traitements de gagner en efficacité. Ceux-ci possèdent en effet des propriétés de rétention, d’étalement, de résistance au lessivage tout en limitant la dérive de pulvérisation.    

Des exemples de programmes fongicides contre le mildiou sont proposés  par Arvalis, y compris pour des variétés de pomme de terre sensibles.  

Quelques cas de résistance aux substances actives sont identifiés par les réseaux d’observation. Leur suivi est crucial pour adapter la protection phytosanitaire, en particulier dans le contexte de diminution du nombre de substances homologuées.  

Il est donc essentiel de combiner les solutions et d’alterner les modes d’action, considérant que la majorité des fongicides du marché sont uni-sites à l’exception du cuivre.  

Prospectives horizon 2030

En 2030, la lutte contre le mildiou de la pomme de terre s’appuie sur les mêmes techniques qu’en 2025, mais leur mise en œuvre est plus poussée dans une approche résolument combinatoire :  

  • Meilleure résistance génétique des variétés qui combinent aptitudes agronomiques et technologiques 
  • Epidémiosurveillance renforcée et recours systématique aux OAD avant traitement 
  • Utilisation plus fréquente des substances de biocontrôle et autres biosolutions 
  • Recours aux substances phytopharmaceutiques de synthèse pour assurer l’efficacité du programme de traitement uniquement aux phases de développement de la maladie les plus impactantes.