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Colza

Le charançon du bourgeon terminal du colza

Le colza doit faire face à la pression croissante du charançon du bourgeon terminal.

Le changement climatique tend à favoriser l’installation précoce de ce ravageur, ce qui nécessite une surveillance accrue et une gestion adaptée.

Le charançon du bourgeon terminal (Ceutorhynchus picitarsis) est un coléoptère de la famille des Curculionidae. Il est spécifique du colza et d’autres crucifères cultivées ou spontanées. Parmi les bioagresseurs du colza, il est l’un des plus redoutables, étant donné sa précocité et les dégâts qu’il provoque.

Le principal risque lié à ce charançon réside dans la discrétion des symptômes en surface. Il passe la majeure partie de son cycle caché dans la plante, ce qui rend sa détection difficile et accroît sa nuisibilité.

La lutte contre charançon du bourgeon terminal du colza est confrontée à la baisse du nombre d’insecticides homologués et à la dynamique de résistance croissante (lire notre « parole d’expert sur les impasses techniques). Elle doit donc désormais s’inscrire dans une stratégie combinant surveillance, calcul des seuils d’intervention (pourcentage de plants touchés), et leviers agronomiques.

Le cycle biologique du charançon du bourgeon terminal du colza

Le Ceutorhynchus picitarsis est un coléoptère de petite taille, mesurant entre 3 et 4 mm. Il suit un cycle biologique annuel, adapté à la phénologie de la culture.

Les adultes émergent à partir de la mi-septembre. Leur activité est cependant conditionnée par la température : ils commencent à se déplacer à partir de 9 à 10 °C. Les étés tempérés suivis d’automnes doux constituent donc des conditions idéales à leur activité.

Ces adultes se nourrissent dans un premier temps de crucifères spontanées ou en bordure de parcelles. C’est par la suite qu’ils colonisent activement les jeunes plants de colza.

Aussi, leur période d’activité s’étend généralement de mi-septembre à fin novembre, avec des reprises possibles en hiver doux jusqu’à la fin mars.

Les femelles pondent leurs œufs dans les pétioles des feuilles basales du colza. Cette ponte commence environ 3 à 4 semaines après l’installation des adultes sur la culture, avec une activité maximale en octobre et novembre.

Une femelle peut ainsi pondre jusqu’à 60 œufs au cours de sa vie. L’incubation dure en moyenne une dizaine de jours, en fonction de la température.

Les larves, apodes et de couleur blanche, pénètrent dans les tissus internes du pétiole, où elles creusent des galeries. Elles migrent ensuite progressivement vers le cœur de la plante. Elles atteignent alors le bourgeon terminal, qu’elles consomment en hiver.

Le développement larvaire dure plusieurs semaines, pendant lesquelles les symptômes externes restent peu visibles. C’est au début du printemps que les premières déformations buissonnantes apparaissent, signes de la destruction du point végétatif principal.

Lorsque le cycle larvaire est achevé, généralement entre février et avril selon les conditions, les larves descendent dans le sol.  Elle se nymphosent dans une logette souterraine. La pupation, stade intermédiaire entre larve et imago, dure ainsi plusieurs semaines.

Les nouveaux adultes émergent à partir de la mi-mai. Après s’être nourris de quelques éléments floraux (étamines) ou de jeunes siliques, ils quittent les parcelles. Ils entrent enfin en diapause estivale (arrêt temporaire de leur activité) dans le sol ou dans la litière des haies et talus environnants.

Cette phase de repos est essentielle à leur survie jusqu’à la campagne suivante.

La nuisibilité du charançon du bourgeon terminal du colza

Les dégâts causés par le charançon du bourgeon terminal du colza sont principalement internes et difficiles à détecter visuellement.

Les larves, en creusant des galeries dans la tige, peuvent perturber la circulation de la sève. Conséquence, elles peuvent causer une déformation ou un affaiblissement des tiges.

Cela peut entraîner :

  • Un affaiblissement du bourgeon terminal, avec risque de dédoublement de la tige principale, perturbant la floraison et retardant la maturation ;
  • Une sensibilité accrue aux maladies comme le sclérotinia ou le phoma, par ouverture de portes d’entrée dans la tige.

Les pertes de rendement en cas d’infestation peuvent être importantes, même si les dégâts sont souvent considérés comme modérés. En moyenne, 20 à 30 % des pieds peuvent ainsi présenter des symptômes de buissonnement dans les zones infestées. Le charançon du bourgeon terminal du colza peut provoquer plus de 50 % de pertes de rendement si l’attaque est conjuguée à des colzas mal implantés.

Les attaques sont plus fréquentes dans les parcelles où du colza ou d’autres crucifères ont été cultivés précédemment. Les sols riches, bien pourvus en matière organique et les zones abritées sont également plus propices à l’installation durable du ravageur.

Stratégie de protection combinatoire contre le charançon du bourgeon terminal du colza

La lutte contre le charançon du bourgeon terminal repose sur une stratégie préventive, alliant observation et intervention ciblée.

La lutte agronomique

Elle passe avant tout par la mise en place de conditions favorables à un bon développement du colza dès le semis. Un semis précoce, une densité maîtrisée et une fertilisation d’implantation adaptée permettent de renforcer la vigueur des plantes et leur capacité à supporter les attaques.

L’emploi de fertilisants organiques

Tels que les effluents d’élevage, peut également jouer un rôle répulsif.

Par ailleurs, la surveillance est indispensable pour intervenir au moment opportun. La pose de cuvettes jaunes, remplies d’eau savonneuse, permet de suivre les arrivées d’adultes dans la parcelle. Elle doit être réalisée dès la mi-septembre.

Un seuil de 10 individus capturés en trois jours est généralement considéré comme critique. Les outils d’aide à la décision permettent de croiser ces données avec les conditions météorologiques et les stades de la culture.

Quant à la lutte phytosanitaire, elle est efficace lorsqu’elle cible les adultes avant la ponte. L’intervention doit alors avoir lieu 8 à 15 jours après les premières captures significatives. Les pyréthrinoïdes peuvent être utilisés.

Enfin, le parasitisme, via par exemple les hyménoptères peut être une solution complémentaire. Cependant, d’après Terre Inovia, « leur service rendu […] est difficile à évaluer. Selon les situations, 4 à 58% des larves du charançon du bourgeon terminal seraient parasitées. » Le maintien d’habitats favorables aux auxiliaires (haies, bandes fleuries) est donc recommandé.

©IStock

fleur de colza

Les perspectives horizon 2030 contre le charançon terminal du colza

Les recherches actuelles visent à renforcer la lutte intégrée contre le charançon du bourgeon terminal.

Plusieurs pistes sont à l’étude :

  • la sélection de variétés de colza plus tolérantes,
  • le renforcement du parasitisme naturel,
  • l’amélioration des modèles de prévision des vols,
  • l’emploi de cultures associées.

Le développement d’outils de diagnostic précoce et parcellaire constitue également un axe majeur. Toutefois, ces solutions requièrent encore des validations à l’échelle des réseaux d’expérimentation.