Le botrytis de la vigne
Bioagresseur redouté, Botrytis cinerea provoque une pourriture grise sur les raisins. Ce champignon affecte le rendement et la qualité du vin. Contre la maladie, les agriculteurs mobilisent la prophylaxie, la phytopharmacie et le biocontrôle.
Champignon polyphage, le Botrytis (Botrytis cinerea) fait partie des pathogènes majeurs de la vigne avec le mildiou, l’oïdium et le black-rot.
Les symptômes
- Sur les feuilles, des taches brunes forment des nécroses triangulaires depuis le bord du limbe.
- D’autres taches brunes apparaissent ensuite sur les grains de raisin. Le botrytis produit alors un feutrage gris qui provoque la pourriture de la grappe.
- Sur les rameaux, les taches brunes blanchissent après l’aoûtement et présentent des pustules noires.
Le cycle biologique du botrytis de la vigne
Pendant l’hiver, le botrytis survit d’abord sous forme de mycélium sur les feuilles, les grappes, les bourgeons dormants et sous l’écorce. Les spores peuvent également se conserver sur des débris végétaux.
Contaminations primaires du champignon
En fin d’hiver et au printemps, des fructifications (conidiophores) apparaissent sur le mycélium et les sclérotes. Elles produisent des spores que le vent dissémine dans la parcelle.
Dès lors, les spores germent en quelques heures sur les organes humides de la vigne ou dès le retour des pluies :
- L’optimum de température pour la sporulation est entre 15° et 20°C.
- La germination s’amplifie avec une humidité ambiante d’au moins 90 % et une température de 18° à 20°C.
Contaminations secondaires
Après la colonisation des grains par le mycélium, des conidiophores longs et ramifiés émergent. Ils sont à l’origine de la moisissure grise. Leur sporulation peut débuter sous 3 jours après les premières contaminations.
Après la véraison, par temps humide, la pourriture envahit la totalité des grappes.
Pénétration du botrytis par les blessures sur les grappes
Généralement, la contamination des rameaux intervient à la suite de blessures. Elles sont causées par la chute des fleurs, par la grêle, par l’oïdium, par les vers de la grappe (Eudemis et Cochylis) ou encore par les guêpes. Ces blessures sont les portes d’entrée du botrytis.
La nuisibilité du botrytis
Lorsqu’il se développe sur les grappes les plus mûres, le botrytis nuit au rendement. Le niveau de perte correspond environ à la moitié de l’intensité d’attaque. Concrètement, jusqu’à un tiers de la récolte disparaît avec une intensité d’attaque de 60 % !
C’est pourquoi le tri des grappes à la récolte s’impose pour préserver la qualité du vin. Autrement, le vin perd ses arômes, sa coloration et son aptitude au vieillissement. En effet, les grains contaminés modifient le degré alcoolique et donnent un goût moisi-terreux.
La stratégie combinatoire comme protection contre le botrytis de la vigne
En premier lieu, les mesures prophylactiques sont nécessaires pour maintenir des conditions défavorables aux contaminations, tout au long du cycle végétatif. Toutefois, l’inoculum présente une forte résistance et se propage avec les pluies, ce qui appelle des solutions complémentaires.
Relais de cette lutte, la phytopharmacie et le biocontrôle empêchent le développement de la pourriture grise sur les feuilles puis sur les baies. Enfin, protéger la vigne contre le botrytis exige une action sur les bioagresseurs responsables des blessures sur les grains.
L’articulation de ces moyens de lutte s’inscrit alors dans l’approche combinatoire.
Les pratiques culturales
Le choix des cépages
Certains cépages présentent une moindre sensibilité aux attaques du botrytis. Par exemple, les plantes au feuillage peu dense sont moins sensibles à la contamination par le champignon.
Autre critère : l’épaisseur de la peau des baies. Une peau plus épaisse sera plus difficile à percer par le tube germinatif du champignon, ce qui diminue la contamination.
Aussi, il est possible de réserver ces cépages aux parcelles à risques qui se trouvent proches des zones humides. Cependant, cela suppose que le cahier des charges de l’appellation les accepte dans les assemblages.
La gestion des résidus
L’élimination, après la vendange, des résidus et des grappes atteintes de pourriture grise contribue à réduire l’inoculum.
La conduite de la vigne
Les principales interventions visent à limiter l’humidité ambiante et le contact entre les organes. Plusieurs leviers sont mobilisables.
- La taille et le mode de palissage pour une répartition homogène et une bonne aération des grappes.
- Le rognage et l’ébourgeonnage afin de maîtriser la croissance.
- Au moment critique, l’effeuillage et l’éclaircissage manuel de grappes pour éviter les contaminations.
L’agronomie digitale
L’Outil d’aide à la décision (OAD) DeciTrait de l’Institut de la vigne et du vin (IFV) suit l’évolution, à la parcelle, des principales maladies. Selon le niveau de risque, il propose une stratégie de traitement qui peut associer le biocontrôle.
Ensuite, Movida GrapeVision modélise le risque de développement des maladies selon les données agronomiques et météo de la parcelle. Cet OAD génère alors des alertes grâce à une base de données des produits qui permet de piloter la protection.
Enfin, le service numérique Agrigenius s’appuie sur des données mécanistiques, transposables dans toutes les situations. Il prédit le développement du bioagresseur en fonction des paramètres variables de son cycle biologique.
Le biocontrôle
Levier préventif, le biocontrôle repose sur des micro-organismes, c’est-à-dire des souches de bactéries. Certains inhibent le développement du mycélium tandis que d’autres activent les défenses naturelles de la vigne.
Dès lors, ces produits s’emploient en début de programme ou après la floraison. En fonction du niveau de contamination, ils s’utilisent seuls ou en complément de fongicides conventionnels à dose réduite.
La phytopharmacie
En cas de risque, la protection fongicide s’organise autour de 4 périodes clefs du cycle de développement de la vigne.
- Fin floraison/chute des capuchons floraux (stade A) ;
- Fermeture de la grappe (stade B) ;
- Début véraison (stade C) ;
- Trois semaines avant récolte (stade D).
Les formulations fongicides contiennent souvent une association de substances actives de différentes familles chimiques afin de bénéficier de plusieurs modes d’action.
Les produits fongicides de contact. Ils se positionnent en préventif, de la floraison à la véraison, pour éviter la germination du champignon. Néanmoins, ces produits sont lessivables.
Familles chimiques (substances actives) : phénylpyrroles (fludioxonil), hydroxyanilides (fenhexamid). Les produits fongicides pénétrants. Ils se diffusent dans les organes présents au moment de l’application. Toutefois, ils ne protègent pas les pousses qui se forment après le traitement.
Familles chimiques (substances actives) : anilinopyrimidines (cyprodinil, pyriméthanil, mépanipyrim), aminopyrazolinone (fenpyrazamine). Les produits fongicides systémiques. En se propageant par la sève, ces fongicides protègent les nouveaux organes.
Familles chimiques (substances actives) : carboxamides (boscalid), isofétamide (phényl-oxo-éthyl thiophène amide). Certaines souches de botrytis de la vigne sont toutefois résistantes aux fongicides.
Chaque année, l’Institut français de la vigne et du vin (IFV), l’Inrae, l’Anses, les Chambres d’agriculture, le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC) et la Direction générale de l’alimentation (DGAL), rédigent une note technique commune sur ces résistances.
Ainsi, ces organismes recommandent d’alterner les familles chimiques dans la construction des programmes.
L’importance de l’approche combinatoire pour protéger la vigne contre le botrytis
Dans les vignobles sensibles ou à risques des régions humides, la protection fongicide complète les mesures prophylactiques pour éviter que le botrytis n’affecte la qualité des moults.
L’enjeu est de limiter le recours à la phytopharmacie tout en évitant l’apparition de souches de botrytis résistantes.
Avec les Outils d’aide à la décision, l’intervention fongicide ne se réalise qu’en cas de nécessité. De plus, la précision du positionnement des produits améliore leur efficacité.
Ainsi, la qualité de la pulvérisation participe à la réussite du traitement. Elle suppose à la fois le respect des doses recommandées, le bon volume de la bouillie, le réglage du pulvérisateur et l’utilisation de systèmes limitant la dérive.
Par ailleurs, lorsque le risque de maladie se montre faible ou modéré, les produits de biocontrôle peuvent suffire. Employés seuls ou en association avec des fongicides, ils font baisser l’Indicateur de fréquence de traitement (IFT).
La protection combinatoire contre le botrytis de la vigne en 2030
Agronomie digitale
Avec le changement climatique, le traitement à date fixe perd sa pertinence. Le suivi de la maladie grâce à l’agronomie digitale devient fondamental.
Phytopharmacie
Face au risque de développement de souches de botrytis résistantes, l’efficacité des fongicides devra être pérennisée. Pour cela, les produits de biocontrôle jouent un rôle « barrière » en réduisant le recours à la phytopharmacie.
Agroéquipements
La qualité de la pulvérisation s’améliore avec le déploiement sur le terrain de matériels performants possédant la mention Performance Pulvé.
Génétique
Autre voie de progrès : la création de cépages résistants à la fois au mildiou, à l’oïdium et au botrytis.