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Vigne

Le black-rot de la vigne

Le black-rot (Guignardia bidwellii) est une maladie fongique dont les conséquences peuvent être importantes tant sur le rendement que sur la qualité du vin.

Touchant initialement les régions atlantiques, le black-rot sévit désormais dans tous les vignobles français.

Le black-rot, ou pourriture noire, est une maladie cryptogamique de la vigne causée par le champignon Guignardia bidwellii. Originaire de l’Amérique du Nord, cette maladie a été introduite en France à la fin du XIXᵉ siècle, probablement via des boutures de vignes américaines.

Le développement du black-rot est favorisé par des conditions climatiques chaudes et humides. En France, le sud-ouest et l’ouest sont davantage touchées que les régions méridionales.

Pour lutter efficacement contre cette maladie, il est recommandé d’adopter des mesures dîtes combinatoires.

Le développement du black-rot de la vigne

Le cycle de développement du black-rot suit plusieurs étapes clés. Il est fortement influencé par les conditions climatiques, notamment l’humidité prolongée (pluies fréquentes, rosée abondante) et la température (température optimale : 24 à 28°C). La présence de débris infectés dans la vigne peut aussi être sources de spores.

Période de dormance hivernale

Le champignon survit sous forme de périthèces (structures contenant des spores sexuelles) ou de pycnides (contenant des spores asexuées) sur les baies momifiées, les bois infectés et les feuilles tombées au sol. Ces structures permettent au pathogène de passer l’hiver et de résister aux conditions défavorables.

Contamination primaire (printemps)

Lorsque la température atteint 10 à 12°C et qu’une pluie prolongée survient, les périthèces libèrent des ascospores. Celles-ci sont transportées par le vent et la pluie vers les jeunes organes de la vigne.

Ces spores germent et pénètrent ensuite les feuilles, les jeunes pousses et les grappes en formation. L’incubation dure environ 9 à 14 jours, selon les conditions climatiques (humidité et chaleur accélèrent le processus).

Contaminations secondaires (été, en conditions humides) :

En cas de pluie, les conidies issues des pycnides (spores assurant la multiplication asexuée du champignon) sont disséminées par les éclaboussures d’eau. Ils provoquent de nouvelles infections.

Plusieurs cycles de contaminations secondaires peuvent se produire en fonction des conditions climatiques, aggravant l’épidémie.

Fin du cycle (automne – hiver)

Avec la chute des feuilles et la fin de la saison végétative, le champignon se prépare pour la dormance hivernale. Les baies momifiées et les organes infectés restent alors une source d’inoculum pour l’année suivante.

Les symptômes du black-rot de la vigne

Le black-rot touche tous les organes de la vigne dans leur phase de croissance active.

Sur les feuilles, tout d’abord, des petites taches brun-rouge avec un contour brun foncé peuvent apparaître. Elles s’agrandissent et deviennent plus sombres avec de petits points noirs au centre. Ceux-ci contiennent les spores du champignon.

Avec le temps, les taches peuvent fusionner et entraîner le dessèchement des zones touchées.

Sur les rameaux et les pétioles, des stries brunâtres ou noires se forment. Ces lésions affaiblissent la croissance des jeunes rameaux et peuvent rendre la vigne plus vulnérable.

©IStock

Symptômes du Black Rot sur feuilles et fruits

Sur les grappes, les baies infectées brunissent puis noircissent. Elles se dessèchent progressivement et prennent un aspect de baies momifiées. Sur leur surface apparaissent de petits points noirs correspondant aux pycnides.

Le champignon peut aussi affecter les vrilles et les inflorescences en provoquant l’apparition de lésions sombres. Celles-ci peuvent entraîner le dessèchement et la chute prématurée des jeunes organes.

La nuisibilité du black-rot de la vigne

Le black-rot de la vigne est une maladie particulièrement nuisible. Il a la capacité de détruire une grande partie de la récolte

En cas de forte attaque, la totalité de la grappe peut être détruite.

Même les grappes partiellement touchées deviennent impropres à la vinification, les baies infectées modifiant la composition du moût.

Les infections sur les feuilles et les rameaux réduisent la capacité de la vigne à assurer une bonne photosynthèse. La plante est donc affaiblie sur le long terme.

Enfin, en absence de lutte efficace, la maladie peut se propager d’une année sur l’autre via les baies momifiées et les organes infectés. Ceux-ci constituent un réservoir de spores pour les campagnes suivantes.

Stratégie de protection combinatoire contre le black-rot

Pour lutter efficacement contre le black-rot de la vigne, il est essentiel de mettre en place une stratégie combinatoire.

Cette approche intègre des mesures prophylactiques, une gestion culturale adaptée et une protection chimique raisonnée. Il s’agit en effet de limiter la propagation de la maladie tout en préservant l’environnement et la durabilité des pratiques viticoles.

Adopter des mesures prophylactiques pour limiter l’inoculum

Il est indispensable d’éliminer les organes contaminés qui sont autant de réservoirs d’inoculum pour la saison suivante : grappes momifiées, feuilles, bois de taille, etc.

De la même manière, il convient de ramasser et de détruire les feuilles et les bois infectés après la taille.

Par ailleurs, une taille aérée et un ébourgeonnage (suppression des bourgeons superflus du pied de vigne) adapté permettent d’améliorer la circulation de l’air dans la vigne. L’humidité favorable au développement du champignon s’en trouve réduite.

De plus, il est important d’éviter une fertilisation excessive en azote. Une croissance végétative trop dense favorise la sensibilité des plants et augmente les risques d’infection.

©IStock

Un vignoble bordelais

Optimiser la gestion culturale et la surveillance du risque

En complément des pratiques prophylactiques, il est recommandé de choisir des cépages moins sensibles au black-rot lorsque cela est possible.

En outre, un palissage adapté contribue à mieux exposer les feuilles et les grappes au soleil. Leur séchage s’en trouve accéléré après les pluies limitant ainsi les conditions favorables à la germination des spores.

Une surveillance attentive des conditions climatiques est également essentielle pour anticiper les périodes de risque élevé. En effet, le black-rot se développe particulièrement lorsque humidité et chaleur sont réunies.

Ainsi, l’utilisation d’outils d’aide à la décision (OAD), basés sur des modèles épidémiologiques, permet de prévoir les moments critiques d’infection. Les interventions sont ajustées en conséquence.

Mettre en place une protection chimique raisonnée

Lorsque les conditions sont favorables au développement du black-rot, il est nécessaire de recourir à des traitements fongicides, mais de manière raisonnée. Il est recommandé d’intervenir aux stades clés du développement de la vigne, notamment :

  • avant et après la floraison (période où les jeunes grappes sont particulièrement sensibles),
  • au stade de fermeture de la grappe si les conditions climatiques restent propices à la maladie.

Les fongicides préventifs sont souvent utilisés en début de saison pour limiter les premières contaminations. En cas de forte pression, des produits curatifs, appartenant aux familles des triazoles ou des SDHI, peuvent être appliqués pour bloquer l’infection en cours.

Toutefois, afin de prévenir l’apparition de résistances, il est primordial d’alterner les substances actives et de respecter les doses et les délais d’application recommandés.

Intégrer le biocontrôle

Il n’existe pas de solution de biocontrôle à ce jour, mais des recherches sont en cours.

La protection combinatoire contre le Black-rot de la vigne en 2030

Plusieurs axes de recherche se développent afin d’améliorer et de pérenniser la lutte contre cette maladie.

Tout d’abord, des recherches importantes sont menées autour de la résistance variétale.

Certaines espèces de vignes américaines (Vitis labrusca, Vitis riparia) présentent une résistance naturelle au black rot. Ces caractères intéressent particulièrement les chercheurs. L’objectif est de les transférer aux cépages européens (Vitis vinifera) via des croisements ou la sélection assistée par marqueurs.

Par exemple, le programme ResDur mené par l’INRAE a pour objectif de créer des cépages résistants aux principales maladies cryptogamiques, dont le black rot. Ces travaux reposent sur l’identification de gènes de résistance et leur introduction dans des génotypes adaptés aux contraintes œnologiques françaises.

Parallèlement, la recherche explore des solutions de biocontrôle.

Celles-ci-consistent à utiliser des micro-organismes ou des substances naturelles pour limiter le développement du champignon.

Des bactéries comme Bacillus subtilis ou des champignons antagonistes comme Trichoderma harzianum sont actuellement testés pour leur capacité à inhiber Guignardia bidwellii.

D’autres études s’intéressent à l’efficacité antifongique d’extraits de plantes (thym, origan, eucalyptus) ou d’huiles essentielles. Ces études sont menées notamment dans le cadre de projets portés par des instituts comme l’IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin).

Ensuite, dans un contexte de transition agroécologique, le recours aux modèles prédictifs se généralise.

Ces outils permettent d’évaluer le risque d’infection en fonction des conditions climatiques locales (température, humidité, durée de mouillure des feuilles). Ceci favorise un positionnement raisonné des traitements.

Des outils d’aide à la décision (OAD), intégrés dans des plateformes de viticulture de précision, sont actuellement développés dans le cadre de projets comme VITIREV en Nouvelle-Aquitaine. Ce projet vise à accompagner les viticulteurs vers une réduction de l’usage des produits phytosanitaires, notamment en s’appuyant sur les données climatiques et les alertes maladies.

Enfin, des recherches s’intéressent aux interactions entre la plante, son environnement et le microbiome. Les pratiques agroécologiques, comme les couverts végétaux, l’augmentation de la biodiversité fonctionnelle, ou encore l’utilisation d’amendements organiques, pourraient renforcer la résilience de la vigne face aux maladies fongiques.