Partager ce contenu

L’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia L.)

Plante invasive d’Amérique du Nord, l’ambroisie s’est propagée en Europe ces dernières décennies.

Sa prolifération constitue une menace pour l’agriculture, en affectant les rendements de certaines productions, ainsi que pour la biodiversité.

Parmi la quarantaine d’espèces d’ambroisie recensées dans le monde, trois font l’objet d’une surveillance particulière en France : l’Ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia), l’Ambroisie trifide (Ambrosia trifida) et l’Ambroisie à épis lisses (Ambrosia psilostachya).

La présence de cette plante envahissante ne cesse de s’étendre et de se densifier. On observe désormais son implantation sur l’ensemble du territoire, bien que le niveau d’infestation varie selon les régions.

On distingue trois grandes catégories de zones d’infestation :

  • Les zones fortement infestées, comme le Rhône, l’Isère, la Drôme, mais aussi la Nièvre, le Cher, les Charentes et le Tarn-et-Garonne.
  • Les zones en expansion, situées en bordure des régions les plus touchées, à l’image de l’Yonne, du nord de la Côte-d’Or ou encore de l’ouest du Gard.
  • Les zones encore peu ou pas concernées, telles que la Bretagne, la Normandie et les Hauts-de-France, où l’ambroisie reste peu présente.

L’ambroisie à feuilles d’armoise colonise rapidement divers milieux, tels que les parcelles agricoles, les bords de route, les chantiers et les friches. Une fois installée, son éradication devient particulièrement complexe.

Pour limiter sa prolifération, il est essentiel d’agir dès sa détection, en combinant plusieurs actions et solutions. Le Code de la santé publique encadre ces mesures, qui peuvent devenir obligatoires dans certains départements sur décision du préfet.

Le développement de l’ambroisie à feuilles d’armoise

L’ambroisie suit un cycle de développement bien distinct, influencé par les conditions environnementales et les activités humaines. Son expansion repose sur plusieurs étapes clés, de la germination à la dispersion des graines, rendant son éradication particulièrement complexe.

Après avoir passé l’hiver sous forme de graines enfouies dans le sol, l’ambroisie commence à germer lorsque les températures atteignent environ 10 à 15 °C. Cette phase, qui s’étend d’avril à juin, se développe davantage sur des sols perturbés, bien exposés au soleil et peu couverts par d’autres végétaux.

Une fois germée, l’ambroisie croît rapidement et peut atteindre entre 30 cm et 1,5 m de hauteur. Son système racinaire profond lui confère une bonne résistance à la sécheresse. Sa tige, souvent poilue et rougeâtre, supporte un feuillage très découpé.

Sa capacité à coloniser différents milieux, comme les bords de route, les chantiers ou les cultures agricoles, est un atout majeur dans son expansion.

À partir de juillet et jusqu’en septembre, l’ambroisie produit des fleurs en épis situées à l’extrémité des tiges. À ce stade, elle devient particulièrement problématique pour la santé publique. Son pollen, extrêmement allergisant, se libère en grande quantité et se transporte par le vent sur de longues distances.

Après la floraison, un pied d’ambroisie peut produire jusqu’à 3 000 graines. Une fois tombées au sol, celles-ci possèdent une longévité remarquable, restant viables jusqu’à dix ans. Ce réservoir contribue fortement à la persistance de la plante et complique les efforts de lutte contre sa propagation.

Les activités humaines et certaines conditions environnementales favorisent largement le développement de l’ambroisie.
  • Le transport de terre et de lots de semences contaminées, qui facilitent son introduction dans de nouvelles zones.
  • L’utilisation de machines agricoles et de fauchage, qui contribue à la dissémination des graines.
  • L’absence de concurrence végétale, qui lui permet de coloniser rapidement les terrains dénudés.
  • Les milieux ouverts, tels que les cultures de tournesol, de soja ou de maïs, et les sols remués.

© BASF

Infestation d’ambroisie dans une parcelle de tournesol

La nuisibilité de l’ambroisie à feuilles d’armoise

L’ambroisie à feuilles d’armoise est particulièrement nuisible en raison de son impact sur la santé publique, l’agriculture et la biodiversité.

Sur le plan sanitaire, cette plante représente une menace majeure en raison de son pollen extrêmement allergisant. À la fin de l’été, lors de la floraison, elle libère d’importantes quantités de pollen transportées par le vent sur de longues distances.

Chez les personnes sensibles, l’inhalation de son pollen déclenche des réactions allergiques telles que des rhinites, des conjonctivites et des trachéites. De plus, elle aggrave des pathologies respiratoires comme l’asthme.

Selon l’Observatoire des ambroisies, près de 10 % de la population souffre d’allergies au pollen d’ambroisie dans les régions les plus touchées. Cela entraîne des coûts de santé publique conséquents liés aux traitements médicaux et aux arrêts de travail.

En 2020, l’Anses a estimé les coûts de l’impact sanitaire associé à l’ambroisie à l’échelle nationale :

  • La prise de charge médicale (les médicaments et les consultations par exemple) coûterait entre 59 millions et 186 millions d’euros chaque année ;
  • Les pertes de production, basés sur les arrêts de travail, coûteraient entre 10 millions et 30 millions d’euros par an.

L’ambroisie, comme toute adventice, a également un impact économique important sur l’agriculture. Elle concurrence les cultures telles que le tournesol, le maïs et le soja.

Sa présence peut engendrer des pertes de rendement allant jusqu’à 30 % dans certaines cultures si elle n’est pas contrôlée. De plus, les agriculteurs doivent engager des moyens supplémentaires pour sa gestion, notamment en herbicides et en interventions mécaniques.

D’un point de vue environnemental, l’ambroisie constitue une menace pour la biodiversité. Elle concurrence la flore locale et altère les habitats naturels, pouvant par conséquent fragiliser les écosystèmes, en particulier en bordure des cours d’eau.

Stratégie de protection combinatoire pour lutter contre l’ambroisie

En France, un dispositif réglementaire national encadre la lutte contre l’ambroisie.

Un décret de 2017 définit les actions à entreprendre. De même, un arrêté interdit l’introduction intentionnelle, le transport et l’utilisation de l’ambroisie sur le territoire. Les propriétaires, locataires, exploitants et gestionnaires de terrains sont tenus de mettre en œuvre ces mesures, sous peine de sanctions.

La coordination des actions est assurée par l’Observatoire des ambroisies, créé en 2011 et piloté depuis 2017 par FREDON France. Cet organisme communique et informe sur les ambroisies, favorise les actions de prévention, de lutte et de formation. Il appuie également les actions du ministère de la Santé relatives aux plantes nuisibles à la santé humaine.

La lutte contre l’ambroisie nécessite donc une approche intégrée combinant prévention, interventions mécaniques et lutte biologique, voire chimique dans certaines situations. La mobilisation de tous les acteurs concernés est essentielle pour limiter l’impact de cette plante invasive.

Prophylaxie

La prévention est essentielle pour limiter la propagation de l’ambroisie. Cela implique de maintenir une couverture végétale dense sur les sols nus car l’ambroisie ne supporte pas la concurrence d’autres plantes.  Dès lors, ensemencer des plantes couvre-sol, comme le sarrasin, le pâturin ou le trèfle, peut prévenir son installation.)

De plus, il est crucial de surveiller les zones à risque (chantiers, bords de route et terrains en friche), pour détecter et intervenir rapidement en cas d’apparition de la plante.

Techniques culturales

Les méthodes mécaniques, telles que l’arrachage manuel ou le fauchage, sont efficaces. Mais elles doivent être réalisées avant la floraison, généralement avant le mois d’août. Ces méthodes empêchent la production de pollen et de graines.

  • L’arrachage est particulièrement adapté aux petites infestations ou aux zones sensibles ;
  • Le fauchage peut être utilisé sur des surfaces plus étendues.

Il est important de répéter ces interventions pour épuiser le stock de graines présent dans le sol.

Agronomie digitale

Aujourd’hui, les drones jouent un rôle croissant dans la lutte contre l’ambroisie. Leur utilisation permet une surveillance efficace et ciblée des zones infestées, facilitant ainsi les interventions appropriées.

Biosolutions

La lutte biologique constitue une approche prometteuse. Par exemple, l’introduction du coléoptère Ophraella communa en Italie a entraîné une défoliation complète des plants d’ambroisie en fin de saison. La production de pollen et de semences en a été fortement réduite.

Phytopharmacie

La lutte chimique contre l’ambroisie repose sur l’application d’herbicides adaptés, en fonction du stade de développement de la plante et du type de culture concerné. Les herbicides de post-levée sont efficaces lorsque l’ambroisie est encore jeune (2 à 4 feuilles).

L’application doit être réalisée avant la floraison pour éviter la dissémination des pollens allergisants et des graines. L’usage des herbicides doit être raisonné et intégré dans une stratégie globale de lutte.

Biotechnologies

Les biotechnologies offrent aux agriculteurs de nouvelles solutions pour lutter efficacement contre l’ambroisie.

L’utilisation de variétés tolérantes aux herbicides permet d’appliquer des herbicides non sélectifs sans endommager la culture, optimisant ainsi la gestion des parcelles.

Le tournesol en est un exemple significatif. Laissant beaucoup d’espace entre les plants, cette culture favorise le développement de l’ambroisie. L’utilisation de variétés résistantes aux herbicides à large spectre permet alors de limiter sa présence.

Cependant, il convient de noter que certaines mauvaises herbes, comme l’ambroisie, peuvent ne pas être suffisamment contrôlées par certains herbicides. Cela peut entraîner un développement de ces espèces nuisibles, posant des problèmes économiques et sanitaires à long terme.”

Prospectives horizon 2030

D’ici 2030, plusieurs innovations pourraient améliorer la lutte contre l’ambroisie.

Sur le plan chimique, la recherche travaille à l’optimisation des herbicides existants et au développement de nouvelles molécules plus efficaces et sélectives. Néanmoins, l’impératif reste de limiter les risques de résistance.

En parallèle, le développement des cultures tolérantes aux herbicides, comme les variétés améliorées de tournesol, pourrait offrir aux agriculteurs des solutions mieux adaptées.

Cependant, persiste aujourd’hui la question juridique (plus que technique) de l’usage de ces variétés.

Dans l’avenir, l’agriculture de précision jouera un rôle clé dans la lutte contre cette plante envahissante. Les drones et aux équipés de capteurs permettront un désherbage ciblé et une pulvérisation ultra-localisée, réduisant ainsi la consommation d’herbicides.

Se développe par exemple les robots sarcleurs, capables d’intervenir dans les cultures de maïs, tournesol et soja, grâce à la reconnaissance des plantes par intelligence artificielle.

Enfin, un renforcement des réglementations pourrait imposer une gestion plus stricte des zones infestées, notamment en obligeant les propriétaires fonciers à intervenir.