La jaunisse de la betterave
La jaunisse de la betterave est une maladie virale transmise par des pucerons.
La protection des plantes contre ce bioagresseur est possible grâce à des produits phytosanitaires ou par l’adoption de stratégies de lutte combinée.
Toutefois, leur mise en œuvre demeure complexe à ce jour, et leur efficacité reste limitée en cas de forte pression.
Quatre virus sont impliqués dans la jaunisse de la betterave, appartenant à trois familles virales distinctes :
- le BYV (jaunisse grave),
- les BMYV et BChV (jaunisse modérée)
- le BtMV (mosaïque).
Ces virus sont transmis par des pucerons vecteurs. Pour la betterave, le principal vecteur est le puceron vert du pêcher (Myzus persicae). Celui-ci transmet les virus de la jaunisse modérée (BChV et BMYV) et grave (BYV), sans toutefois causer de dégâts par lui-même.
Le puceron noir de la fève (Aphis fabae) est quant à lui vecteur secondaire du BYV. Il ne transmet pas le BChV et BMYV.
D’autres espèces de pucerons verts, telles que Macrosiphum euphorbiae, Acyrtosiphon pisum, Myzus ascalonicus ou Aulacorthum solani, peuvent également être vectrices. Néanmoins, elles sont peu fréquentes en culture et présentent une capacité de transmission nettement inférieure à celle de Myzus persicae.
Les pucerons piquent les feuilles de betterave pour en extraire la sève, ce qui permet la transmission des virus.
Cycle biologique du puceron vert
Le développement du puceron vert du pêcher (Myzus persicae) est complexe, avec plusieurs étapes et des hôtes successifs selon la saison.
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Myzus persicae, communément appelé puceron vert du pêcher
Dans les climats tempérés comme en France, les adultes et les larves peuvent survivre en hiver. Leurs hôtes secondaires sont alors les crucifères, les épinards d’hiver, diverses adventices, ainsi que les silos de betteraves fourragères et sucrières.
Transmission et progression de la jaunisse de la betterave
La période à risque débute avec l’arrivée des premiers pucerons, généralement entre fin avril et début mai, et dure jusqu’à fin juin.
Les virus sont acquis par les pucerons sur des plantes réservoirs en interculture : repousses de betteraves hivernantes dans des céréales ou oléagineux, cordons de déterrage, etc.
Une fois infectés, les pucerons peuvent transmettre les virus en piquant des plantes saines.
Pour les virus de la jaunisse modérée (BChV et BMYV), dits « persistants », le temps d’acquisition sur une plante infectée est d’environ 48h à 72h. Le puceron reste ensuite infectieux à vie.
En revanche, pour le virus de la jaunisse grave (BYV), dit « semi-persistant », le temps d’acquisition est plus court (de quelques minutes à plusieurs heures), mais il est perdu dans les 24h à 48h.
Aucun de ces virus ne peut être transmis à la descendance des pucerons.
Symptômes et nuisibilité
Une fois dans la plante, les virus se multiplient dans les cellules, provoquant des symptômes sur les feuilles. Cela perturbe la photosynthèse et freine la croissance du pivot, où le sucre est stocké.
Les virus provoquent un jaunissement diffus des feuilles, à partir de leur sommet, qui finissent par prendre une teinte orangée caractéristique. Les feuilles peuvent également s’épaissir et devenir cassantes.
Pour la jaunisse grave, les premiers symptômes sont l’apparition de minuscules points clairs sur le limbe. Les nervures secondaires éclaircissent ensuite. Enfin des taches jaune citron apparaissent. Elles peuvent, à un stade plus avancé, virer au rouge-brun et fusionner, laissant la teinte rougeâtre devenir dominante.
©ITB
Symptômes de la jaunisse modérée et de la jaunisse grave.
Impact selon le stade de développement de la plante
La nuisibilité est d’autant plus élevée que la contamination a lieu sur des plantes jeunes.
Les betteraves à plus de 12 feuilles développent une “résistance à maturité” : leur physiologie limite la capacité des pucerons à se nourrir et à se reproduire.
Pertes de rendement
D’après les données de l’Institut Technique de la Betterave (ITB) en 2017 et 2019 :
- La jaunisse modérée peut entrainer une perte de 25 % de rendement à l’intérieur des foyers.
- La jaunisse grave, peu fréquente en France, peut générer jusqu’à 40 ou 50 % de pertes dans les foyers.
- A l’échelle d’une parcelle, 10 % de surface infectée représentent une perte de rendement racine d’environ 3 tonnes par hectares.
Stratégie de protection combinatoire
La lutte cible le puceron en tant que vecteur des virus responsables de la jaunisse.
Il n’existe pas de solution unique : les betteraviers doivent associer plusieurs leviers pour espérer une protection efficace.
Anticipation et surveillance
L’ITB a développé plusieurs outils :
- Un prévisionnel de risque (publié chaque printemps) estime la date d’arrivée et l’abondance des pucerons d’après un modèle développé par INRAE.
- L’Outil d’Aide à la Décision “Alerte Pucerons” (carte interactive) permet de suivre le risque à proximité de chaque exploitation et d’optimiser les traitements aphicides.
Mesures prophylactiques
- Destruction des repousses de betterave avant semis : elles constituent réservoir viral.
- Semis de plantes compagnes : elles perturbent l’atterrissage des pucerons sur les parcelles de betteraves.
Les résultats sont prometteurs, mais nécessitent encore des ajustements pour proposer aux agriculteurs un itinéraire technique précis et efficace.
Leviers biologiques
- Les coccinelles, syrphes, chrysopes, punaises, parasitoïdes… sont des prédateurs naturels du puceron. Des stratégies de lutte biologique par augmentation sont étudiées, mais leur efficacité est aujourd’hui insuffisante.
Moyens curatifs
Le panel d’alternatives aux néonicotinoïdes (NNI), identifié par l’Anses, s’est révélé insuffisant en année de forte pression (ex. 2020). De nouvelles solutions aphicides, conventionnelles ou de biocontrôle, sont en cours d’étude.
Recherche en cours : le PNRI et le PNRI-C
En 2020, un Plan national de recherche et innovation (PNRI) a été lancé pour trois ans. Ce plan visait à développer des alternatives aux NNI, opérationnelles pour les semis 2024.
Le PNRI s’articule autour de trois axes :
- améliorer la compréhension de la situation sanitaire,
- identifier et démontrer des solutions à l’échelle de la culture, des solutions de régulation à l’échelle de l’environnement des plantes, des cultures et des paysages
- opérer une transition vers un modèle économique durable.
De nombreux projets ont été menés par l’ITB et les partenaires du PNRI dans ce cadre. Le temps imparti n’a pas permis d’aboutir à des combinaisons de leviers pleinement efficaces et opérationnelles. Le plan a donc été prolongé jusqu’en 2026 sous la forme du PNRI-C (consolidé).
La protection combinatoire contre la jaunisse en 2030
D’ici 2030, les producteurs de betteraves espèrent disposer de solutions durables contre le puceron, vecteur de la jaunisse.
Cinq projets sont actuellement portés par l’ITB dans le cadre du PNRI-C :
- ABOS : enrobage de semences avec des composés organiques volatils (COV) biorégulateurs du comportement des pucerons. Tests prévus en serre puis en plein champ.
- Fermes Pilotes d’Expérimentation : réseau d’une soixantaine de parcelles, réparties sur tout le territoire betteravier pour évaluer l’efficacité des combinaisons de leviers en conditions réelles de production.
- BEET-SAT : utilisation de la télédétection satellitaire pour suivre la progression de la jaunisse et améliorer la compréhension de la maladie.
- REDIVIBE : étude des réservoirs de virus et des vecteurs de transmission pour mieux comprendre la dissémination de la maladie.
Biocontrôle-C : optimisation de produits de biocontrôle aphicides et biostimulants contre la jaunisse et ses vecteurs.
Article rédigé en partenariat avec l’ITB.