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Banane

La Fusariose Race Tropicale 4 du bananier (FOC TR4)

La Fusariose Race Tropicale 4 du bananier (FOC TR4) est à l’origine de la maladie de Panama, une grave maladie du bananier.

Très résistante, elle menace la banane Cavendish, principale variété cultivée mondialement.

Le champignon Fusarium oxysporum est catégorisé en 4 sous-espèces :

  • La FOC TR1, découverte au Panama, qui a fait des ravages au début du 20ème siècle. Elle a alors presque décimé l’industrie mondiale de la banane composée essentiellement de la variété «Gros Michel». Le variété Cavendish, résistant à la FOC TR1, s’est ensuite largement répandue.
  • La FOC TR2 s’est quant à elle attaquée aux bananiers de type Bluggoe (type ABB) et à certaines variétés plantain. Elle s’est moins répandue.
  • Rarement considérée comme affectant les bananiers, la FOC TR3 s’attaque plutôt à d’autres espèces de la famille des Musaceae.
  • Enfin, la FOC TR4 (« Fusarium oxysporum f. sp. Cubense, Tropical Race ») est la sous-espèce la plus préoccupante aujourd’hui.

La Race Tropicale 4 du bananier a été découverte en 1960 à Taïwan. Son impact a pris de l’ampleur dès les années 1990. Elle s’est depuis disséminée sur trois continents et dans 21 pays. Le Vénézuéla, pays frontalier avec l’arc des Antilles, est le dernier pays à avoir été contaminé par cette maladie, en 2022-2023.

A ce jour, la FOC TR4 n’a pas été détectée de manière officielle en Guadeloupe ni en Martinique. Elle fait toutefois l’objet d’une surveillance étroite aux Antilles. Car si la FOC TR4 n’est pas contenue, l’arrêt de la plantation de variété Cavendish au niveau mondial n’est pas exclu.

Le cycle de développement de la fusariose

La fusariose est causée par un champignon du sol qui infecte les racines puis les tissus du bulbe et du pseudotronc. En réaction à cette infection, la plante produit une substance gélatineuse qui obstrue les vaisseaux conducteurs, bloquant ainsi la circulation de la sève.

Le champignon produit des formes de conservation. Même en l’absence de la plante hôte, celles-ci assurent son maintien dans le sol pendant de longues périodes (plus de 10 ans).

Il existe plusieurs facteurs de propagation de la maladie :

  • Les plants (rejets) prélevés sur des plants infectés par la fusariose.
  • Les opérations d’entretien (effeuillage, œilletonnage) pratiquées sans mesure de désinfection des outils.
  • Les particules de terre transportées (par exemple sous les semelles de chaussures) entre les parcelles.
  • L’eau d’irrigation ou de ruissellement, les canaux et cours d’eau.
La nuisibilité de la fusariose

La FOC TR4 est particulièrement nuisible pour le bananier en provoquant un flétrissement vasculaire irréversible. Elle s’attaque en effet à plusieurs organes essentiels de la plante : les racines, les tiges (pseudotronc) et les feuilles.

Les premiers symptômes apparaissent par un jaunissement progressif des feuilles, en commençant par les plus âgées à la base, puis en remontant. Ce jaunissement est suivi du dessèchement des feuilles. Celles-ci se replient le long du pseudotronc, formant une « jupe » caractéristique, appelée jupage.

Le champignon colonise ensuite le système vasculaire. Il provoque un brunissement des gaines foliaires, visible notamment par une coupe transversale ou l’ouverture d’une fenêtre dans le pseudotronc. Ce brunissement peut s’accompagner d’un éclatement à la base du pseudotronc et mène inéluctablement à la mort du bananier.

Certains symptômes (jaunissement, jupage) peuvent prêter à confusion :

  • Causes abiotiques, comme des carences en potassium (jaunissement) ou en magnésium (jupage), voire des stress hydriques.
  • Autres maladies comme la maladie de Moko. Cette dernière provoque aussi un dépérissement par brunissement interne.

Il est donc crucial d’observer attentivement la chronologie d’apparition des signes, en particulier le brunissement du système vasculaire.

Stratégie de protection combinatoire contre la fusariose

Face à la menace que représente la Fusariose Race Tropicale 4, la priorité repose sur la prévention. Il n’existe en effet actuellement aucun traitement curatif efficace une fois que le champignon s’est installé dans une parcelle.

Protection chimique

Théoriquement, en l’absence d’infection aux Antilles à ce jour, il n’y a aucun traitement chimique nécessaire contre cette maladie.

Méthodes préventives

La prévention repose sur des mesures rigoureuses de biosécurité et de prophylaxie :

  • Former et sensibiliser tous les intervenants (ouvriers agricoles, techniciens, visiteurs) aux bonnes pratiques sanitaires.
  • Utiliser exclusivement des plants sains, issus de culture in vitro et produits en pépinières agréées.
  • Éviter les transferts de terre ou de matériel végétal entre parcelles, qui pourraient propager les spores du champignon.
  • En cas de suspicion ou d’infection, intervenir d’abord dans les parcelles saines, et réserver un matériel spécifique (outils, vêtements, chaussures) aux zones contaminées.
  • Désinfecter systématiquement les roues des véhicules et les bottes après toute entrée dans une parcelle infectée.

Ces mesures visent à empêcher l’introduction et la dissémination du pathogène, dont les spores peuvent survivre plusieurs décennies dans le sol.

Aux Antilles, un PISU (Plan d’Intervention Sanitaire d’Urgence) est en place.

Méthodes curatives, en cas d’infection :

Si la maladie est avérée, il faut procéder à l’arrachage et à la destruction complète des touffes infectées. Ces mesures doivent s’étendre aux plants voisins, dans un rayon de sécurité adapté à la race du champignon (TR4 étant la plus envahissante) et au mode de culture.

Le champignon étant très persistant dans le sol, la mise en jachère longue (plus de 10 ans) des parcelles contaminées est souvent indispensable. Dans certains cas extrêmes, l’abandon définitif de la parcelle est recommandé pour éviter tout risque de propagation.

©  IStock

bananes en croissance sur un arbre

Prospectives horizon 2030

D’ici 2030, des avancées notables devraient renforcer la lutte contre la FOC TR4. Les producteurs comptent en particulier sur les efforts conjoints de la recherche génétique et de l’expérimentation sur le terrain.

Des plants de bananiers résistants à la TR4 ont déjà été mis au point, notamment par croisement avec la variété Cavendish. Fruits de modifications génétiques mineures, ces premiers hybrides montrent des résultats prometteurs.

Aux Philippines, des parcelles expérimentales ont été établies pour tester ces nouvelles variétés. Celles-ci sont également en cours de test à la Martinique et en Guadeloupe afin d’évaluer leur adaptation aux conditions locales de production. L’évolution rapide du champignon et la faible diversité génétique des variétés de bananes cultivées rendent indispensable la diversification des sources de résistance.

À plus long terme, si le champignon évolue, il n’est pas exclu qu’une “Race 5” (TR5) émerge. Il est donc essentiel de maintenir une veille phytosanitaire active. De même, le soutien à la recherche appliquée et à l’accès aux innovations est indispensable pour sécuriser durablement la filière banane.