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La cercosporiose noire du bananier

La cercosporiose noire du bananier est causée par des champignons microscopiques du genre Pseudocercospora.

Considérée comme l’une des maladies les plus graves pour la filière banane, elle a profondément marqué l’histoire de cette culture à l’échelle mondiale.

Il existe deux types de cercosporiose :

  • la cercosporiose jaune, causée par Pseudocercospora musae (anciennement Mycosphaerella musicola),
  • la cercosporiose noire, due à Pseudocercospora fijiensis, un champignon particulièrement virulent.

La cercosporiose jaune est apparue au début du 20ème siècle aux Fidji. Elle s’est ensuite répandue dans la plupart des régions bananières du monde. A partir du milieu du XXème siècle, elle a progressivement été supplantée par la cercosporiose noire, plus agressive.

Cette dernière s’est propagée rapidement en Amérique latine, en Afrique, en Asie et dans les Caraïbes. Elle est aujourd’hui présente dans la quasi-totalité des zones tropicales productrices de bananes.

En Martinique, l’évolution des conditions climatiques combinée à un encadrement plus strict des pratiques phytosanitaires (réduction du nombre de substances autorisées, fin des traitements aériens systématiques, etc.) a contribué à accentuer sa prévalence. Ce phénomène s’est accéléré ces cinq dernières années.

La cercosporiose noire du bananier représente aujourd’hui un véritable probléme pour la filière. Les producteurs tentent d’y faire face en mettant en œuvre une combinaison de solutions agronomiques, variétales et phytosanitaires.

Le cycle de développement du pathogène

Pseudocercospora fijiensis est un champignon ascomycète. Il possède deux modes de reproduction : asexuée (par conidies) et sexuée (par ascospores).

Son cycle de vie débute par le dépôt d’une spore sur une feuille saine. Si les conditions environnementales sont favorables – humidité élevée et une température optimale avoisinant 27 °C – la spore germe. Elle émet ensuite un filament mycélien, qui pénètre dans le tissu foliaire pour s’y développer.

À l’intérieur de la feuille, le champignon poursuit sa croissance, causant l’apparition de lésions et de nécroses visibles à partir des stades 5-6. Il produit alors de nouvelles spores qui assurent sa dissémination dans l’environnement.

Le champignon se propage principalement à partir de plantes déjà infectées. Les conidies, spores asexuées, sont transportées par les éclaboussures d’eau (pluie ou irrigation). Elles contaminent dans la foulée les bananiers voisins. Elles survivent peu de temps dans l’air, ce qui limite leur rayon d’action.

En revanche, les ascospores, issues de la reproduction sexuée, sont émises à partir des lésions nécrotiques. Elles peuvent être dispersées par le vent sur plusieurs centaines de mètres, voire d’une parcelle à l’autre.

La nuisibilité de la cercosporiose noire du bananier

Les symptômes de la cercosporiose noire apparaissent exclusivement sur les feuilles du bananier. La maladie évolue en plusieurs stades :

  • Stade 1 : infection latente, invisible à l’œil nu.
  • Stades 2 à 4 : apparition de taches brunes, correspondant à la production de conidies (spores asexuées).

Stades 5 et 6 : développement de lésions nécrotiques visibles, responsables de la libération des ascospores (spores sexuées) et de la forte contagiosité.

© Banamart

Nécroses sur bananier provoquées par la cercosporiose noire

L’apparition de nécroses entraîne une réduction de la surface foliaire fonctionnelle, ce qui perturbe le métabolisme de la plante. Il en résulte :

  • Une baisse des rendements (les fruits grossissent moins),
  • Une détérioration de la qualité (mûrissement prématuré, fragilité des fruits),
  • Une diminution des défenses naturelles : les feuilles participent à la production de composés protecteurs pour les fruits. Moins il y a de feuilles, plus les fruits sont exposés aux maladies de conservation.

Enfin, la nuisibilité de la cercosporiose noire ne se limite pas au champ. Elle pèse aussi lourdement sur la rentabilité économique des exploitations. Le coût de production explose, entre :

  • La multiplication des traitements chimiques (avec moins de molécules autorisées et plus de passages nécessaires),
  • Et l’augmentation des besoins en main-d’œuvre pour réaliser l’effeuillage (cf. ci-dessous) et les traitements.
Stratégie de protection combinatoire contre la cercosporiose noire du bananier

Face à la forte nuisibilité de la cercosporiose noire, la lutte repose sur une approche combinatoire et agroécologique. Celle-ci intègre des pratiques culturales, sanitaires et phytopharmaceutiques adaptées aux contraintes tropicales.

 Méthodes de lutte agroécologiques

Le maintien d’un nombre suffisant de feuilles vertes et saines est essentiel.  Il vise à assurer une photosynthèse efficace et à garantir la qualité des régimes jusqu’à la récolte. Pour cela, plusieurs leviers agroécologiques peuvent être mobilisés :

  • État sanitaire et aménagement de la parcelle : un sol bien drainé, une densité de plantation maîtrisée et un agencement favorisant la circulation de l’air (création de couloirs de vent) limitent l’humidité stagnante.
  • Fertilisation raisonnée : une nutrition équilibrée rend les plants plus vigoureux. Ils sont ainsi plus aptes à produire de nouvelles feuilles à un rythme suffisant pour compenser les pertes liées à la maladie.
  • Effeuillage sanitaire : c’est un levier central de la lutte. Il consiste à supprimer les feuilles les plus atteintes afin de réduire l’inoculum (réservoir de spores). Au-delà de 20 % de nécroses sur une feuille, celle-ci peut être retirée. Un rythme d’intervention hebdomadaire est recommandé.
    • En cas de régime en formation, l’effeuillage doit être chirurgical et limité aux zones nécrosées. Il est indispensable de conserver au moins 7-8 feuilles à l’apparition de la fleur par plant pour préserver la qualité du fruit.
  • Gestion des déchets végétaux : si les feuilles malades ne peuvent pas être évacuées, elles doivent être regroupées et plaquées au sol les unes sur les autres. Cette action limite la dispersion des ascospores par le vent.
Traitements phytopharmaceutiques

Malgré une large palette de fongicides disponibles, leur efficacité reste limitée. La virulence du champignon, l’apparition potentielle de résistances et des contraintes d’application en sont les principales raisons. La réduction du nombre de molécules autorisées complexifie davantage la protection chimique.

Par ailleurs, jusqu’en 2014, en Martinique, la gestion de cette maladie se faisait par voie aérienne de manière collective. Cette simultanéité était gage d’efficacité. Cette approche collective a été depuis été interdite, contraignant chaque producteur à gérer de manière différenciée la maladie.

Actuellement, les traitements sont donc le plus souvent réalisés à l’aide d’atomiseurs portés à dos (environ 35 kg). Cette pratique expose les opérateurs à des conditions de travail pénible, et à des risques liés à la chaleur. Cette méthode est peu soutenable à long terme.

© IStock

Régimes de bananes

Prospectives horizon 2030

Revenir à un traitement généralisé par drone permettrait de réduire la pression de la maladie et d’éviter toute recontamination dite croisée.

Les drones permettent une application ciblée, réduisant la quantité de produits utilisés et limitant la dérive vers les zones non concernées.​ Ils peuvent par ailleurs intervenir dans des zones difficiles d’accès pour les engins terrestres. Ils diminuent enfin l’exposition directe des travailleurs aux produits chimiques.

Le 24 avril 2025, la loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés a été promulguée. Celle-ci autorise l’utilisation des drones pour l’application de produits de biocontrôle, « de produits autorisés en agriculture biologique et de produits à faible risque. »

L’évolution de la règlementation européenne sur les Nouvelles Techniques Génomiques (NGT) offrent également des perspectives prometteuses. Elle permettrait de développer plus rapidement des variétés résistantes aux maladies telles que la cercosporiose noire.