La cercosporiose de la betterave
Maladie estivale au développement rapide, la cercosporiose de la betterave altère le rendement et le taux de sucre des racines. Elle appelle une haute-surveillance pour mobiliser les solutions de protection adéquates.
Face au changement climatique, la cercosporiose de la betterave, Cercospora beticola, devient un problème sanitaire majeur pour les planteurs. Elle frappe particulièrement le Bassin parisien, le Centre, la Champagne, l’Alsace et les Hauts-de-France.
Les symptômes
- Des taches rondes et grises de 3 à 5 mm entourées d’un filet brun-rouge apparaissent d’abord sur le dessus des feuilles.
- De minuscules granulations noires sont ensuite visibles à la loupe au centre des cercles.
- Au fur et à mesure du développement de la maladie, la multiplication des cercles brunit la feuille.
Remarque : les points noirs permettent de la distinguer des taches de ramulariose ou de bactériose à Pseudomonas.
Le cycle biologique de la cercosporiose de la betterave
Après la récolte, l’inoculum se concentre dans les résidus de betterave. Les conidies, c’est-à-dire les spores, survivent jusqu’à huit mois sur les feuilles et les collets. Le champignon se conserve même jusqu’à trois ans sous forme de pseudostromate.
Par conséquent, si la rotation des cultures n’est pas assez longue, la maladie se manifeste près des anciennes zones de stockage des silos de betteraves.
Contaminations primaires
En premier lieu, la propagation des spores repose sur le vent et la pluie. Par effet splashing, la pluie les projette sous la face inférieure des feuilles. Lorsque le taux d’humidité relative est de 60 % et la température de 15° C, les spores commencent à germer.
Ensuite, le mycélium se développe très rapidement. Dès 5 jours après l’infection, les premières lésions sur les feuilles sont visibles. Appelées conidiophores, les fructifications qui se forment au centre des tâches produisent alors des spores en 3 à 4 jours. Le pic de production des spores intervient environ 10 jours après la lésion.
Contaminations secondaires
Pendant l’été, la cercosporiose réalise plusieurs cycles qui durent de 15 à 25 jours. Néanmoins, pour cela, des températures supérieures à 25° C et une hygrométrie relative dépassant 80 % sont nécessaires. Au-delà de 35° C, la sporulation s’arrête.
Plantes hôtes
Parmi les hôtes de la cercosporiose de la betterave se trouvent notamment le céleri, les blettes, les épinards et les adventices, comme les chénopodes.
La nuisibilité de la cercosporiose de la betterave
D’une part, le brunissement des feuilles affaiblit les betteraves avec jusqu’à 30 % de pertes de poids de la racine. Le risque de baisse de rendement dépasse alors les 20 tonnes par hectare.
D’autre part, avec la diminution de la photosynthèse, la richesse en sucre décroît de 1 à 2 points.
La stratégie combinatoire pour protéger contre la cercosporiose de la betterave
La protection combinatoire vise à préserver la betterave d’un développement exponentiel de la cercosporiose pendant l’été.
D’abord, les pratiques culturales diminuent le potentiel infectieux. Les outils d’aide à la décision permettent de signaler le risque à l’échelle de la parcelle. Le cas échéant, la protection phytopharmaceutique devient nécessaire.
Les pratiques culturales
Choix des variétés
Des variétés tolérantes à la cercosporiose de la betterave freinent le développement de la maladie. C’est un levier agronomique d’une grande efficacité qui doit être privilégié pour les parcelles avec un historique de contamination élevé.
De plus, ces variétés constituent une option pour les récoltes après le 15 octobre, en évitant des pertes de feuilles de fin de cycle.
Élimination de l’inoculum
Pour réduire la viabilité de l’inoculum dans le sol, il est possible de procéder à l’enfouissement profond des résidus de betteraves que sont les feuilles et les collets. Cette mesure s’applique aussi pour les cordons de déterrage.
Par ailleurs, un allongement de la rotation au-delà de trois ans assure l’inactivité du mycélium pour la betterave suivante.
Piloter l’irrigation
L’irrigation avec une rampe ou un pivot augmente fortement les contaminations et le développement du champignon.
Cependant, si les arroseurs fonctionnent uniquement en journée, l’eau s’évapore plus vite et le risque diminue en conséquence. L’irrigation doit être réalisée avant le traitement avec un fongicide de contact pour éviter le lessivage.
L’agronomie digitale
La carte interactive “Alerte maladies” de l’Institut technique de la betterave (ITB) présente l’Intensité de pression maladies (IPM) de plus de 200 sites.
La sucrerie Cristal Union possède également depuis 2019 son propre Outil d’aide à la décision (OAD) : Cristal Cerc’OAD.
Enfin, l’OAD xarvio FIELD MANAGER intègre un modèle mécanistique de pilotage de la protection fongique de la betterave contre la cercosporiose.
La phytopharmacie
Compte tenu du délai très court entre l’apparition des taches et la sporulation, de 3 à 4 jours, le positionnement de la protection fongicide est stratégique. Ainsi, il doit intervenir dans les 48 heures après les premiers symptômes ou l’atteinte des seuils de risques identifiés par les OAD.
Pour éviter l’apparition de résistances des souches de cercosporiose, les programmes fongicides alternent les modes d’action.
Ensuite, pour des raisons similaires de gestion des résistances et d’efficacité, les fongicides s’emploient à pleine dose, la « dose efficace homologuée ».
Les signalements de résistance des souches de cercosporiose concernent d’abord les triazoles et les strobilurines. Par conséquent, ces deux familles chimiques ne s’utilisent jamais seules. Le cuivre possédant un mode d’action multisite, permet donc de gérer ce risque. Par exemple, des programmes fongicides associent le cuivre aux autres substances actives.
Plus largement, il existe des fongicides ciblant la cercosporiose qui protègent des autres maladies foliaires : rouille, oïdium, ramulariose …
Familles chimiques (substances actives) : SDHI (isopropanol-azole, fluopyram), strobilurines (azoxystrobines), triazoles (difénoconazole, tetraconazole, difénoconazole), morpholines (fenpropidine) et triazolinthione (prothioconazole).
Les biosolutions
Le cuivre, seul produit utilisable en agriculture biologique, est sous dérogation 120 jours.
Importance de la protection combinatoire contre la cercosporiose de la betterave
Face aux risques propres à la cercosporiose, seule l’approche combinatoire permet une protection efficace. Dans les zones à risque élevé, un premier pilier de l’approche correspond aux variétés tolérantes.
Ensuite, face développement très rapide de la maladie, l’agronomie digitale assure la réactivité de la réponse. Dès lors, en fonction de la pression et des dates d’arrachage, deux à trois applications fongicides sont nécessaires. Enfin, ces programmes fongicides combinés recherchent en priorité les synergies entre les substances actives pour gérer les résistances.
La protection combinatoire contre la cercosporiose de la betterave en 2030
La résistance variétale
L’objectif des semenciers est d’obtenir une résistance totale à la cercosporiose. Cette résistance doit alors se combiner avec la tolérance à d’autres bioagresseurs et maladies, comme les nématodes ou la jaunisse, ainsi qu’au stress hydrique.
Les biosolutions
Les biostimulants et produits de biocontrôle, comme les éliciteurs, font partie des solutions étudiées par l’ITB pour renforcer la protection de manière préventive.
Phytopharmacie
Pour faire face aux résistances des souches, l’enjeu est le développement de substances présentant de nouveaux modes d’action. La recherche devrait permettre la mise sur le marché de nouveaux fongicides.
Agronomie digitale
Les délais d’alerte continueront de s’améliorer. Avec la mutualisation des observations, la surveillance pourra garantir un positionnement optimal des fongicides au moment clé, avant les sporulations.