Sécurité alimentaire : l’Europe redonne du sens à la protection des cultures

CropLife Europe et Phyteis saluent la reconnaissance par la Commission européenne du rôle de l’approche combinatoire de la protection des cultures pour renforcer la sécurité alimentaire. Et la restauration du dialogue !
La Commission européenne reconsidère-t-elle sa stratégie de réduction des produits phytopharmaceutiques à l’aune des enjeux agricoles ?
Pour Olivier de Matos, directeur général de CropLife Europe, le changement est clair : « Pas d’interdiction sans alternative devient une ligne directrice alors qu’on était jusqu’ici dans une logique d’interdiction immédiate, même sans solution de remplacement », partage-t-il lors de Phyteis Campus, le 13 mai à Paris.
En effet, les chiffres parlent d’eux-mêmes. En cinq ans, 82 substances actives ont été retirées, dont 78 en agriculture conventionnelle sans qu’aucune nouvelle autorisation n’ait été accordée ! « On se rend compte que certaines cultures sont sous tension, faute de solutions », avertit Olivier de Matos.
Par conséquent, le controversé projet de règlement sur l’utilisation durable des pesticides (SUR) ne devrait pas revenir en tant que tel. Olivier De Matos anticipe plutôt des initiatives de la Commission axées sur la simplification réglementaire et le soutien à l’innovation. En particulier, il identifie des textes sur les biopesticides avec notamment la définition du biocontrôle, sur les nouvelles techniques génomiques (NGT) ou les outils digitaux en agriculture.
Parce que désormais, la Commission mise sur un assemblage de ces solutions afin qu’elles s’adaptent à chaque modèle agricole.
Sécurité alimentaire, un pilier géopolitique pour l’Europe
Ce basculement tient beaucoup du durcissement du contexte géopolitique et économique. Les manifestations agricoles, la guerre en Ukraine, les tensions sur les marchés replacent l’agriculture dans les priorités européennes. D’ailleurs, Bruxelles parle de la sécurité alimentaire comme du troisième pilier de son autonomie stratégique, aux côtés de la défense militaire et de la souveraineté technologique.
De fait, la reconnaissance du rôle essentiel de l’agriculture dans la société marque un tournant. « Le commissaire à l’agriculture et l’alimentation, Christophe Hansen, est plus pragmatique, plus investi et plus à l’écoute », souligne Olivier de Matos.
En outre, il observe un signe fort en faveur du dialogue. Dorénavant, CropLife Europe siège au Conseil européen pour l’agriculture et l’alimentation (EBAF) parmi 30 membres. Cette instance se charge de définir les grandes orientations agricoles des cinq prochaines années. « Le commissaire préside ce Conseil, c’est une première. »
Pour Olivier de Matos de CropLife Europe et Ronan Goff de Phyteis : « À Bruxelles comme sur le terrain, l’approche combinatoire de la protection des cultures s’impose pour répondre aux impasses techniques. »
Une nouvelle légitimité pour les acteurs de la protection des cultures et les filières
En France, Ronan Goff, vice-président de Phyteis, constate également une évolution du regard sur le secteur de la protection des cultures. « Avec l’approche combinatoire, nous retrouvons une certaine légitimité auprès des filières concernant notre expertise technique, nos connaissances réglementaires et notre capacité d’innovation. »
Longtemps discrètes, les filières prennent aussi leur place dans le débat public pour développer des solutions concrètes. « Même les plus petites se sont structurées, note Ronan Goff. Elles défendent leurs intérêts et dialoguent avec les pouvoirs publics. »
Par ailleurs, une enquête Ipsos réalisée pour CropLife Europe et Euronews divulguée fin mai identifie trois attentes majeures pour les agriculteurs européens. Ainsi, 82 % des interrogés réclament un soutien financier renforcé. Ils plaident pour une répartition plus équitable des aides. Ensuite, 57 % d’entre eux demandent un allègement des contraintes administratives.
Enfin, un tiers des répondants souhaite un meilleur accès aux solutions innovantes afin d’exercer pleinement leur métier. Des chiffres qui, selon Olivier de Matos, « confortent la pertinence de l’approche combinatoire de la protection des cultures pour renforcer la boite à outils. Ils valident notre ligne de travail à l’image du projet AgriGuide d’étiquette numérique. Celui-ci ne contribue-t-il pas à la demande de simplification ? ».
CropLife et Phyteis, réseaux d’expertise sur l’approche combinatoire de la protection des cultures
CropLife Europe est l’association européenne du secteur de la protection des cultures. Avec Phyteis, ces structures forment un réseau d’expertise et de collaboration technique au service de l’agriculture.
CropLife Europe regroupe 25 entreprises et 32 associations nationales, couvrant largement le continent. De son côté, Phyteis fédère 18 acteurs majeurs de la protection des cultures en France, représentant 90 % du marché des produits de protection des cultures à usage agricole.
Les deux organisations fonctionnent en miroir : commissions communes, relais réglementaires et actions collectives. L’un des exemples concrets est AgriGuide, le projet de digitalisation des étiquettes des produits phytopharmaceutiques. Son objectif est de rendre l’information réglementaire lisible, accessible et compatible avec la transition numérique des exploitations.
D’envergure européenne, il s’adapte au contexte de chaque pays. En France, il s’appuie sur la base PhytoData, devenu PhytoStimData depuis le 2 juin.
Encore en test, AgriGuide se déploiera en 2026.