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Sébastien Michelas, viticulteur : « Notre vision sur les risques phytos a évolué et nos pratiques aussi ! »

Sur son exploitation de 50 ha localisée à Tain l’Hermitage dans la Drôme, Sébastien Michelas emploie 7 salariés permanents et 20 saisonniers. Pour lui, la prévention des risques chimiques a fortement évolué ces dix dernières années. Il explique les mesures mises en place sur l’exploitation et les évolutions attendues notamment avec l’usage autorisé de drones en zone très pentues.

 

Comment vous protégez-vous lors des traitements phytosanitaires ?

Pour toutes les opérations qui impliquent l’utilisation d’un produit phytosanitaire que ce soit sur les vignes en bio ou celles en conventionnel, nous nous protégeons systématiquement avec des EPI adaptés. Pour éviter tout risque de contamination, le remplissage du pulvérisateur s’effectue sur une plateforme spécifique depuis 2008 et les effluents sont gérés par un prestataire. Quant à la cabine du pulvérisateur, elle est pressurisée et équipée de filtres à charbon.

Outre le port d’EPI, quelles précautions prenez-vous pour préparer la bouillie ?

La préparation de la bouillie, s’effectue dans un mélangeur de 300 litres, indépendant de la cuve du pulvérisateur. Grâce à ce module, nous travaillons à la bonne hauteur et nous pouvons apporter la juste dose de produit. Pour remplir un pulvérisateur en direct, auparavant nous devions prendre un escabeau. Cet appareil instaure aussi une barrière physique entre le réseau d’eau et la cuve du pulvérisateur. Ainsi, la sécurité vis-à-vis du risque environnemental se renforce. De plus, les équipements de pulvérisation ne sont pas toujours adaptés pour mélanger les poudres. Avec une bouillie homogénéisée avec le mélangeur, cela évite les colmatages dans la cuve de pulvérisation ou des soucis au niveau des buses.

Pour vos salariés, quelles sont vos recommandations pour préparer la bouillie ?

Nous préparons systématiquement un bordereau des traitements avec les recommandations de dose. Néanmoins, on n’indique pas la dose par ha mais la juste quantité à mélanger pour une cuve de 1 000 litres. En effet, lorsqu’on renseigne une dose de produit dans un logiciel de traçabilité, il calcule au centième près. Pour nous, c’est trop précis. Conséquence, mon niveau de stock ressort faux en fin de campagne. Grâce à cette feuille de route, tout est préparé en amont. En fin de journée, mes salariés m’indiquent combien de cuves ont été utilisées. Ensuite, je sais quelle quantité exacte a été pulvérisée.

Est-ce qu’au cours des dernières années, le regard que vous et vos salariés avez sur le risque chimique a évolué ?

C’est certain, notre vision a évolué et nos pratiques aussi. Exemple, nous faisons attention au délai de rentrée, c’est très important par rapport aux problèmes d’allergie. Avec le soufre qui est irritant, on attend même au-delà du délai de 48 h pour accroître la marge de sécurité. Depuis 2005, grâce au logiciel de traçabilité Gestion des parcelles d’Isagri, je sais à l’heure près, quelle tâche effectuent les salariés permanents et saisonniers. Cette rigueur est essentielle en cas de problèmes.

En termes d’hygiène de la parcelle, vous avez un moyen de laver les mains ?

À la parcelle, deux véhicules contiennent tout le nécessaire pour se laver les mains : du savon, des bidons d’eau et des rouleaux de papier. Nous avons beaucoup de femmes qui se montrent plus minutieuses que les hommes.

Quelles sont les marges de progrès sur la prévention des risques au travail ?

Nous parlons santé au travail et risques chimiques, néanmoins pour moi, le problème majeur reste la pénibilité. Une partie de nos vignes sont plantées sur des côteaux extrêmement pentus en appellation Saint-Joseph. Nous favorisons au maximum les mesures prophylactiques. Lorsque le risque mildiou ou oïdium est élevé, nous n’avons pas d’autre solution que de traiter ces parcelles avec un pulvérisateur à dos pour passer une petite dose de cuivre ou un biocontrôle. Ces opérations se révèlent très physiques. La MSA a procédé à des mesures de notre rythme cardiaque, on dépasse les seuils même si nous nous organisons pour limiter les aller-retours. Nous sommes six à traiter et deux autres font les montées et descentes pour remplir les pulvérisateurs avec un tuyau.

Afin de répondre à cette problématique, avec la MSA, la Chambre d’Agriculture de l’Ardèche et l’IFV, nous avons effectué en 2020 et 2021, une opération de pilotage et de traitement par drone. Aucune différence sur la qualité de traitement n’a été observée avec le drone par la Chambre d’agriculture chargé de l’évaluation. L’appareil optimise son parcours sans dérive de la bouillie. Pour économiser son énergie et réduire l’exposition des travailleurs, il se déplace en travers de la pente, évitant comme nous de monter et descendre !

Avec des vignes en côteaux, le problème majeur reste la pénibilité pour les salariés et le vigneron. La réponse pourrait être l’application par drone des produits de protection des cultures.

D’après vous, avec un tel mode de pulvérisation par drone sur quel aspect de la prévention faudrait-il travailler ? 

La prévention est à réfléchir par rapport aux riverains. Par exemple, il peut y avoir une chute de drones. Il faut baliser la zone avec du panneautage du type : « Attention, intervention par drone entrée interdite ». Cette technique apporte beaucoup de points positifs. Nous devons aussi informer les confrères en leur communiquant les horaires de passage afin que le personnel ne soit pas dans les vignes voisines.  Néanmoins, pour l’instant, malgré des atouts pour prévenir les risques sur la santé, la pulvérisation par drone de tout produit avec AMM n’est pas autorisée. On espère qu’elle le soit prochainement notamment pour le biocontrôle ou les produits utilisables en bio dans la mesure ou nos pentes sont supérieur à 30 % et que les bénéfices pour la santé du drone sont considérables par rapport à des pulvérisateurs à dos.

Le domaine Michelas St-Jemms

50 hectares morcelés sur quatre appellations Crozes-Hermitage, Saint-Joseph, Cornas et Hermitage : michelas-st-jemms.fr

Amandine Fauriat, Chambre d’agriculture de l’Ardèche

Amandine Fauriat, Chambre d’agriculture de l’Ardèche : « Autorisation des drones pour pulvériser en zones inaccessibles aux engins : nous sommes confiants !»  

Dans le cadre de l’expérimentation Drone Viti menée en Ardèche en 2020 et 2021 sur la parcelle en forte pente de Sébastien Michelas, nous avons effectué l’évaluation biologique et mesuré l’efficacité agronomique de cette méthode. Laquelle a bénéficié d’une dérogation exceptionnelle. L’utilisation des drones pourrait par exemple remplacer des traitements manuels, très exposants pour les travailleurs portant des pulvérisateurs à dos, pour des vignes en pente ou dans les bananeraies par exemple. La pulvérisation par drone a montré une bonne qualité, qui n’a pas entrainé de reprise du mildiou ou de l’oïdium. La MSA a de son côté évalué les bénéfices pour la santé et aussi le risque pour les riverains ainsi que pour les salariés agricoles. L’IVF a également mené en parallèle une expérimentation sur vigne artificielle. Un dossier d’autorisation pour l’usage des drones a été déposé auprès de l’Anses fin 2021 avec une première réponse pour demander un complément d’information par rapport aux riverains. Présenté en début d’année, nous espérons que ce dossier, désormais enrichi, aboutisse favorablement pour la campagne 2024.

À propos de l’épandage par drone

L’épandage aérien de produits phytopharmaceutiques est interdit (article L253-8 du Code Rural et de la Pêche), sauf dérogation exceptionnelle. Hors dérogation exceptionnelle au titre de l’expérimentation, il est aujourd’hui interdit de pulvériser par drone tout produit phytopharmaceutique soumis à Autorisation de mise sur le marché (AMM). Ce n’est pas le cas des préparations naturelles non préoccupantes, des engrais foliaires ou des trichogrammes, dont l’épandage par drone est autorisé et parfois pratiqué.