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Phyteis

Réinventer la lutte contre les insectes avec les phéromones et kairomones

Dans la famille biocontrôle, les phéromones et les kairomones sont les communicants ! Les produits composés de ces substances sémiochimiques miment les mécanismes d’échanges entre les insectes pour mieux les leurrer ! Malin.

Perturber, repousser ou attirer plutôt qu’éliminer ! Avec les médiateurs chimiques, l’idée est de détourner les insectes des cultures en imitant les signaux qu’ils perçoivent ou émettent !

En effet, ces arthropodes possèdent une multitude de structures sensorielles sur leur corps, chacune correspondant à un type de stimulus. Tous ces capteurs renseignent l’insecte sur son environnement afin qu’il s’adapte ! Par exemple, des récepteurs détectent le vent ou la pluie, d’autres réagissent à la lumière ou encore aux composants chimiques.

De telles caractéristiques biologiques ouvrent la voie à l’écologie sensorielle. Elle vient compléter l’écologie chimique dont les recherches débutaient dans les années 1960.

Dans ce cadre, deux familles de substances sémiochimiques retiennent particulièrement l’attention : les phéromones et les kairomones. Elles peuvent être utilisées pour maîtriser les insectes ravageurs de façon innovante.

« Les produits de biocontrôle de type médiateur chimique apportent une réponse face aux populations d’insectes résistantes aux insecticides, explique Philippe Michel, directeur des affaires réglementaires et juridiques chez Phyteis. Ils font partie des alternatives que les agriculteurs adoptent pour surmonter les impasses techniques et réduire l’usage des insecticides. Ces biosolutions s’articulent avec d’autres pratiques culturales pour diminuer la pression des bioagresseurs. »

Les phéromones pour la confusion sexuelle en verger et vignoble

Les phéromones assurent la communication entre individus d’une même espèce. Certaines de ces molécules émises par les femelles attirent les mâles pour l’accouplement. Chaque espèce possède son propre signal chimique.

Depuis plus de 30 ans, ces phéromones sexuelles sont au cœur de la méthode de protection des cultures dite « par confusion sexuelle ». Le principe est de saturer l’air avec ces substances, pour que les mâles n’arrivent plus à localiser les femelles.

La confusion sexuelle s’applique chaque année dans 80 % des vergers de pommiers pour contrôler le carpocapse des pommes. Elle se déploie également en vigne contre eudémis et cochylis et dans les cultures sous serre contre Tuta absoluta. Des dispositifs peuvent même viser simultanément deux espèces de ravageurs. Exemple, sur pommier, ils ciblent à la fois la tordeuse orientale du pêcher et le carpocapse. Désormais, la confusion sexuelle concerne principalement seize espèces de papillons ravageurs.

La pose des capsules, boîtiers, spots de gel ou tout autre technologie contenant les phéromones s’effectue au printemps avant le premier vol des adultes. L’impact sur le niveau des populations de papillons se voit dès la première année.

Les kairomones, des alliées pour perturber les insectes

Les kairomones sont des signaux chimiques émis par un organisme et perçus par une espèce différente. Elles occupent une fonction essentielle dans les interactions entre organismes, souvent au bénéfice du récepteur.

Il existe ainsi deux types de kairomones. Les allomones, qui sont défavorables au récepteur, agissent comme des répulsifs. Par exemple, une plante peut produire une allomone pour se défendre contre un insecte ravageur. En revanche, les synomones bénéficient autant à l’émetteur de l’odeur qu’à celui qui la perçoit. L’exemple le plus emblématique est le parfum des fleurs. Il attire le pollinisateur pour qu’il collecte du nectar et du pollen tout en favorisant la reproduction de la plante.

En agriculture, les kairomones offrent des perspectives intéressantes. Les allomones, en particulier, s’annoncent prometteuses pour lutter contre les pucerons. Ces substances naturelles perturbent les signaux sensoriels des insectes et empêchent leur développement. D’ailleurs, des travaux menés dans le cadre du PNRI sur la betterave révèlent le potentiel des granulés à base d’allomones. Appliqués au stade 2 à 3 feuilles, ils permettraient de contrôler une pression moyenne de pucerons vecteurs de la jaunisse pendant 28 jours. Des recherches similaires sont en cours pour cibler les altises du colza.

Enfin, des kairomones attirent aussi les insectes dans des pièges en simulant des signaux familiers.

Chronologie de la découverte des phéromones sexuelles

  • 1958 et 1959 : les premières phéromones d’insectes sont identifiées (reine d’abeille, vers à soie)
  • Dans les années 1970, la science progresse avec la caractérisation des phéromones sexuelles de papillons, grâce aux avancées de la chimie analytique.
  • 1973 : découverte de la phéromone sexuelle de l’eudémis
  • 1975 : l’Australie applique la confusion sexuelle contre la tordeuse orientale du pêcher.
  • En Europe, des recherches lancées en 1964 mènent, en 1995, à l’homologation de cette technique contre les tordeuses de la grappe.

Source Inrae

Peach aphid and powdery mildew on barley foliage.

© Tomasz Klejdysz

Les kairomones peuvent être les odeurs qui se dégagent des plantes et les insectes y sont extrêmement sensibles

vineyard Bergerac two

© Therry

Les phéromones sexuelles permettent aux membres de la même espèce d’envoyer des signaux pour la reproduction. En installant des diffuseurs de phéromones dans les vergers ou les vignes, l’objectif est de saturer l’air avec l’hormone qu’émet la femelle. Dès lors, cela empêche les mâles de la retrouver pour le vol nuptial qui se déroule à partir de la tombée de la nuit.