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Plan sortie du Phosmet, premier bilan dressé par le CGAAER

Prévu dans sa mission d’accompagnement du plan « sortie du Phosmet », le retour d’expérience élaboré par le CGAAER souligne un point central : la nécessaire anticipation. Entre points de vigilance et premiers résultats, le rapport disponible depuis fin juin pose les défis à relever lorsqu’une solution phytopharmaceutique essentielle à une culture est retirée du marché.

Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) vient de publier ses observations sur le Plan « sortie du phosmet » lancé en janvier 2022. Impliqué dans l’élaboration du projet puis dans l’accompagnement de l’animation, l’une de ses missions est de prendre du recul pour identifier les leviers efficaces et les points de vigilances. Quant à l’animation du plan, elle a été confiée, par convention, à Terres Inovia, l’Inrae et Sofiprotéol.

La fin de l’utilisation en Europe du phosmet à l’automne 2022 a laissé la filière colza sans solution efficace pour contrôler, en début de cycle végétatif, les insectes ravageurs altises et charançon du bourgeon terminal. Après diagnostic, cette situation a conduit le ministre de l’Agriculture à allouer un financement Casdar à hauteur de 2,5 M€ en 2022 pour trouver des méthodes alternatives. Outre le personnel de l’Inrae, le budget total du Plan de sortie phosmet est de 5,7 M€, en ajoutant les financements de l’interprofession des oléagineux ainsi que les fonds propres des principaux acteurs.

Suite à un appel à projet lancé en janvier 2022, sept dossiers ont été retenus, comptabilisant 18 projets. La priorité est donnée aux pistes les plus proches d’une mise en œuvre opérationnelle.

Les quatre axes du Plan de sortie du phosmet  

  • La connaissance des ravageurs
  • Les solutions à l’échelle de la plante
  • Les solutions à l’échelle de parcelle et du paysage
  • Le transfert et le déploiement auprès des agriculteurs.

Pour la mission du CGAAER, le retrait du phosmet fait obstacle aux objectifs fixés par le plan sur les protéines végétales. Elle estime nécessaire d’anticiper les décisions de retrait de substances actives présentant une grande valeur pour la souveraineté de la France

Anticiper les retraits de substances actives et prévenir les résistances des bioagresseurs 

Fort de cette expérience, le CGAAER a identifié sept points de vigilance. Le premier mis en exergue par la mission est la nécessaire anticipation des retraits de produits phytopharmaceutiques et des impasses techniques qui en découlent.

L’approbation du phosmet au niveau communautaire avait une date d’expiration initialement fixée au 31 juillet 2017. La mission souligne aussi l’enjeu de la gestion des résistances pour éviter de précipiter la diminution de l’offre en produits phytopharmaceutiques efficaces.

La réalisation d’un diagnostic avec une vision à 360° de la situation phytosanitaire s’est révélée un point-clé dans la conception du plan d’action. Idem pour l’intégration des spécificités relatives aux alternatives non chimiques. Leur logique d’emploi est très éloignée de celle des produits phytopharmaceutiques.

Partage du risque et création de valeur pour l’agriculteur à mieux prendre en compte

Quant à l’utilisation des solutions alternatives par l’agriculteur, la mission signale un point de vigilance sur l’impact économique en agriculture conventionnelle. Elle souligne la nécessité de conduire des travaux de recherche méthodologiques et d’évaluation afin d’estimer le coût du changement. Intervient alors la question du partage du risque et de la nécessaire création de valeur. L’enjeu est de « valoriser sur le plan socio-économique les nouveaux itinéraires culturaux réduisant le recours à l’agrochimie mis en place à l’issue du retrait du phosmet », indique le rapport.

Dans la conception du plan d’action « sortie du phosmet », la prise en compte des
particularités des alternatives non chimiques, dont la logique d’emploi est sensiblement différente de
celle des produits phytopharmaceutiques chimiques s’est révélée efficace.

Un plan « sortie du phosmet » fédérateur

L’expérience du projet de « sortie du phosmet » montre cependant la pertinence d’un plan d’action conçu « en bloc ». Fédérateur, il mobilise les principaux acteurs de la filière concernée, la recherche et les administrations centrales du ministère. La concertation doit alors favoriser une vision aussi intégrative que possible des acteurs et des différentes échelles de temps et d’espace. Sur la gouvernance, la mission estime nécessaire d’effectuer un travail d’écoute avant d’arbitrer le rapport des forces entre les instances, en fonction des objectifs à atteindre et des urgences à gérer. Mais dans tous les cas, confier la présidence du Conseil scientifique à une personne expérimentée de l’Inrae semble un principe à retenir.

Sur le volet financement, faire appel à plusieurs sources est aussi identifié comme un point clé pour réussir un tel programme de recherche. Là encore de l’anticipation se révèle indispensable.

De plus, compte tenu de la charge de travail préparatoire, la mission estime que si ce type de plan doit se multiplier, des solutions sont à trouver afin que le ministère accompagne les acteurs impliqués. Elle souligne l’efficacité de la convention d’animation transversale pour coordonner l’ensemble des acteurs et des projets, dans une logique d’ingénierie de projet.

Le plan d’action doit articuler les solutions à déployer à court terme tel le renforcement de la robustesse des colzas en début de cycle et les méthodes non-chimiques à moyen ou long terme, surtout si elles nécessitent une modification sensible des itinéraires techniques ou des modes de production.

À la recherche de solutions agronomiques intégratives à court et moyen terme

En complément de ces observations, le rapport du GGAAER décrit de premières solutions plus ou moins opérationnelles pour contrôler les altises et les charançons.  « À moyen terme, l’objectif est de trouver des solutions intégratives pour combiner des méthodes à efficacité partielle, dans une logique d’agroécologie », prévient-elle.

  • À court terme, miser en priorité sur la robustesse des colzas

Obtenir vite des colzas robustes avant le stade 4 vraies feuilles (B4), les rend moins sensibles aux attaques des altises. Cela suppose de choisir les bonnes variétés, de jouer selon les territoires sur les dates de semis, d’avoir une bonne implantation de la culture, de soigner la fertilisation et le désherbage. « Cette méthode apparaît nécessaire, mais non suffisante dans les contextes de forte pression des ravageurs », précise le rapport. En complément, une dérogation 120 jours du cyantraniliprole permet de contrôler les niveaux de population d’insectes trop élevés. Déjà accordée en septembre 2022 cette piste « peut être examinée comme solution transitoire », est-il précisé.

  • Mobiliser les plantes de services et les biosolutions

Pas de solution miracle mais une pluralité de méthodes agronomiques sont attendues. Parmi, les axes de recherche prioritaires : l’amélioration des connaissances sur les plantes de service attractives ou répulsives pour les ravageurs. Des plantes peuvent aussi être favorables au développement des auxiliaires. Les biostimulants ainsi que les produits de biocontrôle et les médiateurs chimiques (phéromones et kairomones) sont étudiés dans plusieurs projets auxquels participent des adhérents de Phyteis.

Les projets Plan sortie du Phosmet 

  • Adaptacol2 – Terres Inovia (biocontrôle, biostimulants, plantes compagnes attractives ou répulsives, variétés de colza plus robustes, implantation de la culture…).
  • VELCO-A – BASF
  • Biocontrôle combinatoire – Certis Belchim
  • COLZACTISE – De Sangosse
  • AltisOr iESS – Inrae
  • RESALT IGEPP – Inrae
  • Alt IGEPP – Inrae

 

Les mesures efficaces dans la conception du plan à retenir :

  • Une construction « en bloc » selon trois principes : un projet fédérateur, un financement significatif (État et autres acteurs), et un délai fixé pour trouver des solutions ;
  • La prise en compte des particularités des alternatives non chimiques, dont la logique d’emploi est sensiblement différente de celle des produits phytopharmaceutiques chimiques.
  • La construction d’une vision commune dès le début du projet afin de prévenir les principaux sujets de conflits.
  • La validité d’un projet structuré en quatre étapes pour chercher par anticipation des solutions à un retrait de substance active (diagnostic 360° de la situation et des solutions avec priorisation, plan d’action fondé sur les alternatives non chimiques, un dispositif de gouvernance, un suivi de la mise en œuvre par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire).
  • Une organisation de la gouvernance veillant à une composition équilibrée (présidence du Conseil scientifique confiée à une personnalité de l’Inrae)
  • Un dispositif de prise de décision fondé sur la recherche de consensus au sein du Comité de pilotage
  • Une convention d’animation transversale pour coordonner efficacement l’ensemble des acteurs dans une logique d’ingénierie de projets.