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Pesticides et qualité de l’eau distribuée, des analyses toujours plus exigeantes

Moins de personnes accèdent à une eau du robinet conforme, tandis que les restrictions d’usage reculent. Un paradoxe ? L’évolution des analyses sur les pesticides montre que la qualité de l’eau découle de critères de plus en plus stricts.

Verre à moitié vide ou à moitié plein ? Selon le bilan que la direction générale de la Santé (DGS) dresse chaque année, deux lectures de l’évolution de la qualité de l’eau distribuée sont possibles. Celui de l’année 2023, publié fin décembre 2024, illustre bien ce dilemme.

D’un côté, la part de la population recevant une eau respectant les seuils de concentrations en pesticides diminue depuis 2020. En effet, en 2023, 74,7 % de la population, soit 50,05 millions de personnes, sont dans ce cas. Or, ce taux de conformité s’élevait à 84,6 % en 2022 et à 94,1 % en 2020. Par conséquent, en trois ans, la part de la population exposée à des dépassements (non-conformité de niveau 1) passe de 3,3 % à 17,4 %.

De l’autre, les restrictions d’utilisation de l’eau distribuée (non-conformité de niveau 2) pour l’alimentation, se font plus rares. Elles ne touchent plus que 0,0018 % des consommateurs en 2023, contre 0,03 % en 2022. Ce ratio représente seulement sept unités de distribution sur près de 20 000 en fonctionnement, soit environ 1 200 personnes.

Pesticides et qualité de l’eau destinée à la consommation humaine : une approche scientifique affinée

Comment expliquer cet effet ciseau ? Serait-ce un changement de méthode d’analyse ou des outils de détection plus performants ?

« Les deux à la fois, répond Ronan Vigouroux, responsable environnement chez Phyteis. Globalement, il faut se méfier des comparaisons interannuelles. On ne peut pas affirmer que la qualité de l’eau se détériore. »

D’ailleurs, le rapport de la DGS souligne ce point en conclusion. « Le taux de 74,7 % de conformité doit être mis en perspective avec l’évolution des connaissances scientifiques », indique-t-il.

Aujourd’hui, les laboratoires sont capables de détecter entre 100 et 200 molécules par échantillon d’eau.

« La comparaison interannuelle sur la qualité de l’eau reflète plutôt une variation des substances analysées, souligne Ronan Vigouroux. Chaque année, les Agences régionales de santé (ARS) et les laboratoires ajoutent de nouvelles molécules, notamment des métabolites, dans les protocoles de suivi. Cette pratique modifie donc la proportion des non-conformités. »

En 2023, les principaux responsables des dépassements des limites de qualité sont le métabolite R471811 du chlorothalonil et ceux de la chloridazone. Depuis 2021, l’élargissement des contrôles sanitaires à ces substances contribue à la baisse du pourcentage de population alimentée en eau conforme en permanence. Ce facteur explique aussi le pic de 2023.

Un changement de classement des métabolites

Ainsi, depuis 2022, le métolachlore-ESA, dérivé du métolachlore, figure parmi les substances requalifiées comme non pertinentes. L’alachlore-ESA est également dans ce cas depuis 2020.

Selon ce même schéma, l’Anses reclasse en 2024 le Chlorothalonil R471811 comme « non pertinent ». Par conséquent, cela devrait conduire à une baisse significative des non-conformités pour les prochaines analyses. En outre, le rapport de la DGS indique que si l’on tenait compte de ce critère dans celles de 2023 : « La proportion de la population alimentée par une eau conforme serait alors de 82,3 % soit un chiffre comparable à 2022 ».

Enfin, un autre indicateur est à prendre en compte : les dépassements des seuils de l’atrazine et de ses métabolites. Ils ne concernent plus que 3 % des cas de non-conformité (NC1 et NC2), contre plus de 50 % en 2012. 

«Tous ces résultats doivent nous encourager à poursuivre nos efforts pour surveiller l’eau et maîtriser les pollutions, qu’elles soient ponctuelles ou diffuses », conclut Ronan Vigouroux.

La surveillance de la qualité de l’eau du robinet illustre non seulement la rigueur des normes en Europe depuis 1980 mais également l’envergure du dispositif en France.

Pesticides et qualité de l’eau : quatre catégories de conformité

La qualité de l’eau du robinet correspond à en quatre situations :  conforme (C) et 3 niveaux de non-conformité (NC). Cette répartition s’effectue selon la concentration en substances actives et métabolites. Elle prend aussi en compte la durée des dépassements.

  • C : eau toujours conforme.
  • NC0 : dépassements limités à 30 jours par an sans risque sanitaire.
  • NC1 : dépassements supérieurs à 30 jours par an, sans risque sanitaire.
  • NC2 : dépassements critiques nécessitant des restrictions d’usage en raison de risques pour la santé.

Dans les cas NC0, NC1 et NC2, l’eau est non conforme à la réglementation.

Évolution de la répartition de la population en fonction de la qualité de l’eau du robinet du consommateur vis-à-vis des pesticides entre 2013 et 2023

Source :  Bilan de la qualité de l’eau au robinet du consommateur vis-à-vis des pesticides en France en 2023.

À noter sur les pesticides et la qualité de l’eau

Dans la réglementation européenne sur la qualité de l’eau distribuée, le terme « pesticide » désigne divers produits utilisés pour protéger les plantes (phytopharmaceutiques), éliminer les nuisibles (biocides) ou traiter les parasites (médicaments antiparasitaires). Ainsi, leur usage concerne l’agriculture, l’élevage, l’industrie, l’entretien des voiries, des espaces verts et des jardins.