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Phyteis

Pesticides et maladies professionnelles, quelles sont les tendances ?

Deux études épidémiologiques font référence pour évaluer le lien entre les maladies professionnelles agricoles et le risque chimique : Agrican et celle de l’expertise collective Inserm. Décodage des résultats et projections en lien avec les évolutions réglementaires et les pratiques.

Les agriculteurs sont, en moyenne, en meilleure santé que les Français avec 25% de décès de moins que la population générale à âge égal. Moins touchés par les maladies chroniques, les agriculteurs ont globalement sur le plan statistique moins de cancers selon l’étude épidémiologique Agrican. Cette étude considère les facteurs protecteurs et ceux à risque en agriculture.  Réputée la plus complète au monde, elle analyse depuis 2005 une cohorte de plus de 180 000 agriculteurs affiliés de la Mutualité sociale agricole (MSA). Répartis sur onze départements français métropolitains, ces agriculteurs sont suivis en termes de santé et notamment sur le volet cancers.

Sur-représentation des cancers de la peau, baisse de la prévalence du cancer de la prostate

Agrican révèle une plus importante représentation de certains cancers tels ceux des lèvres ou de la peau compte tenu de la plus grande exposition des agriculteurs au soleil. D’autres, comme les cancers du sang sont sans doute liés en partie à l’exposition aux produits phytosanitaires. « Si des maladies chroniques se sont développées en trente ans, les 200 cas de maladies professionnelles en 2021 reflètent l’usage de produits et de pratiques désormais obsolètes », explique Julien Durand-Réville, responsable santé Phyteis.

Parmi les maladies chroniques, Agrican témoigne aussi d’une baisse des cas de cancer de la prostate. « Alors que sur le cancer de la prostate on observait un excès de 7 % chez les premiers cas inclus dans l’étude par rapport au reste de la population française, cet excès de risque semble avoir disparu à mesure de l’inclusion de nouveaux cas dans l’étude selon les dernières statistiques publiées par Agrican », partage Julien Durand-Réville.

La prise de conscience du risque chimique se renforce grâce aux campagnes de prévention telles celles du contrat de solutions.

Six pathologies identifiées par l’étude Inserm

Établie à partir de 5 300 études sur les usages agricoles et domestiques des pesticides dans le monde, l’expertise collective de l’Inserm sur les pesticides a été publiée le 30 juin 2021. Elle identifie une présomption forte entre six pathologies et l’usage de pesticides (agricoles, domestiques et/ou en médicaments vétérinaires). Ces maladies concernent des troubles cognitifs, la maladie de Parkinson, le lymphome non Hodgkinien, les myélomes multiples, le cancer de la prostate et la bronchite pulmonaire obstructive chronique. Néanmoins, les molécules reliées à ces maladies dans la littérature scientifique internationale ont pour leur large majorité déjà été retirées du marché, souvent depuis plusieurs décennies. C’est le cas par exemple du paraquat et de la roténone, deux molécules fréquemment citées dans la littérature sur le risque lié à la maladie de Parkinson.

 

Vers une réduction des pathologies professionnelles liées au risque chimique ?

Pour le docteur Gérard Bernadac, médecin conseiller technique national chargé du risque chimique à la MSA, suite à ces évolutions réglementaires, il semble peu probable que le bruit de fond portant sur le risque lié à ces produits chimiques soit en augmentation : « Toutes les grandes catégories de produits cités dans l’étude Inserm ont été retirées du marché comme le paraquat, les organochlorés, certains carbamates et organophosphorés, les arsenics », complète-t-il. Ajoutant que les études épidémiologiques se font sur une longue période et analysent les décennies d’expositions passées : « On ne saura exactement que dans quelques années. »

Si l’exposition à des produits moins dangereux participe à ce repli de certaines maladies chroniques, l’amélioration des pratiques agricoles entre aussi en ligne de compte. La prise de conscience du risque chimique se renforce grâce aux campagnes de prévention. Parmi celles-ci : celles portées par le Contrat de solutions, la formation dispensée dans le cadre du Certiphyto, le programme d’évaluation des risques en entreprises mis en place par la MSA ainsi que les innovations en matière de protection de l’utilisateur. « À priori, nous allons dans le bon sens et certainement vers une réduction des pathologies professionnelle », conclut Julien Durand-Réville.

Maladies inscrites au tableau des maladies professionnelles en lien avec des produits phytopharmaceutiques et fonds d’indemnisation

Les tableaux des maladies professionnelles présents sur  le site de l’INRS, élaboré en collaboration avec la MSA, facilitent la prise en charge et la réparation. En 2020, les pouvoirs publics ont par ailleurs mis en place un fonds d’indemnisation destiné à faciliter les démarches de réparation des dommages subis lors d’une exposition professionnelle à des pesticides.

Parmi les 60 risques inscrits au tableau des maladies professionnelles, 4 concernent principalement des associations avec des expositions à des pesticides.

  • Affections provoquées par l’arsenic et ses composés minéraux
  • Maladie de Parkinson provoquée par les pesticides
  • Hémopathies malignes provoquées par les pesticides
  • Cancer de la prostate provoqué par les pesticides
  • Affections provoquées par les phosphates, pyrophosphates et thiophosphates d’alcoyle, d’aryle ou d’alcoylaryle et autres organo-phosphorés anticholinestérasiques, ainsi que par les phosphoramides anticholinestérasiques et les carbamates anticholinestérasiques.

Les données de phytopharmacovigilance, base essentielle pour améliorer la prévention des risques

Le dispositif de phytopharmacovigilance est un dispositif de vigilance national mis en place en 2015 afin de collecter, centraliser et analyser des données de surveillance sur les produits phytopharmaceutiques. L’objectif est d’identifier au plus tôt d'éventuels effets indésirables liés à l’utilisation des produits phytosanitaires, que ce soit pour la santé ou l’environnement.
Coordonné par l’ANSES, il permet aux autorités sanitaires de s’assurer que l’usage en situation réelle des produits ne conduit pas à des effets non identifiés lors de la procédure de mise sur le marché du produit. La phytopharmacovigilance intègre notamment le programme Phyt’attitude, développé par la MSA dès 1991, qui facilite les signalements de la part des utilisateurs. Il s’agit d’un réseau animé par des médecins du travail, des conseillers en prévention et des experts toxicologues. Il recense, analyse et valide les informations sur les accidents ou incidents survenus lors de l’utilisation de produits phytosanitaires.

En cas de signal d’alerte, la phytopharmacovigilance permet :

  • D’adapter les conditions d’autorisation : réduction des doses, modification des conditions
    d’application ou le retrait d’une autorisation de mise sur le marché.
  • D’engager des mesures de gestion pour réduire les expositions à risque, par exemple pour la protection des personnes à proximité des zones traitées.
  • De faire évoluer les méthodes d’évaluation des risques avant mise sur le marché au niveau européen.

Ces données orientent également les actions de sensibilisation des agriculteurs et des applicateurs sur le terrain, afin de les aider à réduire encore leur exposition.