Noisettes, sécuriser la transition avant qu’il ne soit trop tard !
La punaise diabolique et le balanin, véritables casse-noisettes biologiques, menacent toute une filière ! Grégory Bordes, producteur (47), réclame l’autorisation de l’acétamipride en même temps que la recherche sur les alternatives se poursuit.
Depuis l’arrêt des insecticides de la famille des néonicotinoïdes en 2018, les producteurs de noisettes alertent sur la menace pesant sur leur filière. Deux insectes compromettent leur durabilité : la bien nommée punaise diabolique venue d’Asie et le balanin, lui, endémique.
Aussi, avec d’autres filières, ils demandent aux députés de pouvoir utiliser l’acétamipride. Ré-autorisé en Europe jusqu’en 2033, ce néonicotinoïde reste proscrit en France. Le projet de loi « Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » porté par les sénateurs Duplomb et Menonville, adopté par le Sénat, vise la correction de cette distorsion de concurrence. Depuis le 25 janvier, le texte est à l’Assemblée, en attente de son examen.
L’appel des producteurs à réintroduire l’acétamipride
Grégory Bordes est producteur de noisettes sur 90 ha dans le Lot-et-Garonne et membre du bureau de la coopérative Unicoque. Rencontré sur le stand de Phyteis lors du Salon de l’Agriculture, il revient sur cet enjeu « vital pour notre filière et nos territoires (…) Je n’ose pas envisager que nous allons à nouveau avoir une campagne sans solution efficace », confie-t-il.
En 2024, la filière a produit 6 500 tonnes de noisettes sur un potentiel de 13 000 tonnes. De plus, 2 000 tonnes s’avéraient inconsommables à cause des attaques de la punaise diabolique. Cette catastrophe économique dépasse la viabilité des exploitations agricoles. D’ores et déjà, la France importe 95 % de sa consommation, principalement de Turquie. Paradoxe, la plus grande usine de fabrication de nutella au monde se situe à Rouen. « Les débouchés sont bien là, rappelle l’arboriculteur. L’Europe consomme la moitié des noisettes produites dans le monde. »
Depuis cinq ans, les producteurs ne disposent que de deux solutions chimiques : la lambda-cyhalothrine et la deltaméthrine. Cette dernière dépend du dispositif de dérogation 120 jours. « Ces produits de contact posent un problème majeur : leur efficacité reste très limitée. Les pluies printanières les lessivent rapidement, réduisant leur action. De fait, ils présentent une très faible rémanence », explique Grégory Bordes. Leur nécessaire application fréquente augmente alors le risque d’apparition de résistances. « En plus, c’est un non-sens vis-à-vis du bilan carbone », ajoute-t-il. La marge de manœuvre se restreint. « Le bon compromis à court et moyen terme, c’est l’acétamipride, tout en continuant à développer les alternatives biologiques », assure-t-il.
Grégory Bordes, producteur de noisettes dans le Lot-et-Garonne : « Nous sommes pleinement engagés dans la recherche d’alternatives. Depuis l’arrivée de la punaise diabolique sur le territoire, il y a près de dix ans, nous avons mis en place un programme visant à identifier cet insecte. Ainsi, nous étudions son cycle de vie avec une évaluation précise des dégâts et nous explorons les solutions de biocontrôle. »
Des solutions biologiques en cours d’expérimentation
Face à l’urgence, la recherche s’organise. Ainsi, l’introduction de parasitoïdes, des micro-guêpes est l’une des pistes explorées. Celles du genre Trissolcus pourraient être un moyen de réduire les populations. En effet, ces insectes pondent leurs œufs dans ceux de la punaise diabolique, limitant ainsi leur reproduction. « En 2024, nous avons procédé à cinq lâchers sur cinq vergers sur plus de 2 000 que compte la coopérative, précise Grégory Bordes. Mais les premiers résultats ne seront analysés qu’en 2025 et, pour l’instant, ces lâchers restent expérimentaux. »
Autre alternative, la technologie Attract and Kill qui fait partie du projet de recherche PAUPFL. Ainsi, elle combine des phéromones et des plantes attractives pour piéger les punaises dans des bandes. « Le sorgho semble la plante la plus efficace, témoigne Émilie Gomes, ingénieure expérimentation à l’Association nationale des producteurs de noisettes (ANPN), lors d’une conférence organisée au Sival, en janvier à Angers. Les premiers tests montrent une réduction des dégâts. Néanmoins, nous devons affiner notre stratégie. » En outre, l’efficacité des pièges selon l’environnement reste à évaluer. Par exemple, si un verger de noisettes est proche d’une parcelle de soja, la punaise risque d’ignorer les bandes pièges au profit du protéagineux.
Le balanin, autre fléau
Le balanin est également un ravageur majeur. En effet, ce coléoptère pond dans les noisettes en formation. Dès lors, les larves se nourrissent de l’amandon, vidant les fruits. Cela engendre pour le producteur une perte quantitative pure et simple. Actuellement, seules les pyréthrinoïdes permettent de limiter sa propagation. Cependant, comme pour la punaise diabolique, leur efficacité reste très limitée. Les producteurs de noisettes estiment que l’acétamipride apporterait une réponse en attendant que d’autres méthodes émergent. L’ANPN travaille également sur des pièges à kairomones, imitant les signaux chimiques des insectes pour les attirer et les capturer. Là encore, la recherche requiert plusieurs années.
Pour en savoir plus consultez la fiche engagés pour nos cultures sur la filière noisettes