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Phyteis

Mieux connaître le microbiote pour améliorer la santé des plantes

Les interactions entre les plantes et leurs microbiotes sont longtemps restées méconnues. En analysant la composante biologique des sols, les chercheurs ont ouvert de nouvelles pistes dans le cadre du développement de stratégies de lutte intégratives pour la protection des cultures.

Pour se défendre contre les bioagresseurs, les plantes ne sont jamais seules ! Elles recrutent une armée invisible ! Et les talents ne se trouvent pas dans les laboratoires, mais dans le sol. Là, où fourmillent des communautés microbiennes composées de bactéries, champignons, virus ou levures. Ces communautés forment un écosystème fonctionnel associé à la plante : le microbiote. Nourri, sélectionné et régulé par les racines, ce collectif contribue à la santé des plantes.

L’holobionthe commence dans la graine

Ces découvertes ont conduit au concept d’holobionte. Il considère la plante non plus comme un individu isolé, mais plutôt comme un organisme co-construit avec ses micro-organismes. « Si on ne prend pas en compte de concept, on passe à côté d’une partie importante du fonctionnement des végétaux », explique Thierry Langin, directeur de recherche au CNRS et président de l’AFBV.

En effet, des fonctions importantes de la plante (santé, développement, adaptation aux stress, etc…) ne sont pas seulement contrôlées par ses gènes mais le sont également par ceux de ses microbes associés.

Des micro-organismes vivent déjà à l’intérieur des tissus, ce sont les endophytes. « Ils ne sont pas là par hasard. Souvent, ils contribuent à des fonctions vitales pour la plante », indique Thierry Langin. Certains d’entre eux sont déjà présents dans les semences. Dès la germination et tout au long de leur croissance, les racines sécrètent des exsudats. Ces substances chimiques participent au recrutement des microorganismes bénéfiques. Ainsi, elles contribuent non seulement au bon développement de la plante, mais également, au contrôle des agents pathogènes. Par ce dialogue moléculaire subtile, la plante façonne progressivement ses microbiotes.

Acquisition de connaissances sur les interactions entre les plantes et le microbiote

Cependant, la caractérisation de ces communautés microbiennes, et surtout l’analyse de leur organisation fonctionnelle reste encore très partielle.  À ce jour, les chercheurs savent identifier la composition de ces communautés grâce aux outils de métagénomique. Ces outils permettent de caractériser finement les espèces bactériennes et fongiques présentes dans un environnement donné.

Désormais, des outils récents offrent un accès à l’organisation fonctionnelle de ces communautés. Ils identifient notamment les réseaux d’interactions, qu’elles soient positives ou négatives, entre les micro-organismes eux-mêmes et avec la plante. Le recours à l’intelligence artificielle devrait permettre d’accélérer l’acquisition de ces données et faciliter leur interprétation.

« Même si des progrès significatifs ont été obtenus ces dernières années, nous ne sommes encore qu’au début de l’histoire, témoigne Thierry Langin. Grâce aux nouvelles plateformes, on arrive à cultiver un peu plus d’espèces microbiennes qu’avant. En revanche, on commence à peine à comprendre comment ces communautés fonctionnent réellement »

Toutefois, certains génotypes ou variétés semblent « recruter » plus efficacement que d’autres les micro-organismes bénéfiques du sol. Des projets comme Protéger Cultiver Autrement ont en particulier comme objectif d’identifier les gènes et allèles permettant aux plantes de constituer un microbiote protecteur. « Si on les identifie, on pourra alors sélectionner les bons génotypes, avec les bons allèles. Et la plante se chargera de trouver ce qu’il lui faut dans le sol », précise Thierry Langin.

De premières pistes de recherche grâce aux NGT

À terme, avec les outils d’édition du génome (New Genomic Techniques), tels que CRISPR-Cas9, les sélectionneurs peuvent espérer transférer les bons gènes dans les variétés élites. Côté microbiotes, ces techniques ouvrent la voie à la possibilité d’effectuer des mutations ciblées dans certaines bactéries de façon à optimiser la composition fonctionnelle de ces communautés. « Ce n’est pas une vue de l’esprit. Des recherches commencent à utiliser l’édition du génome pour modifier directement des fonctions microbiennes », ajoute Thierry Langin.

Mais attention aux mirages ! « Une communauté microbienne bénéfique implantée fonctionne une année, pas plus. Elle n’est pas compétitive face à la microflore indigène », prévient le chercheur. Pour un effet durable, il faut reconstruire l’équilibre du sol et laisser la plante agir comme un architecte. « C’est comme pour le microbiote intestinal : restaurer un équilibre vaut mieux que multiplier les apports. »