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Parole d'expert

Mieux comprendre le sujet des PFAS dans les produits phytopharmaceutiques

Julien Durand-Réville, responsable santé chez Phyteis, décrypte les travaux européens en cours sur les PFAS et le TFA, même si la réglementation concernant l’évaluation des produits phytopharmaceutiques est déjà très stricte.

Qu’appelle-t-on PFAS et TFA, et quels sont les usages concernés ?

Julien Durand-Réville : Les PFAS regroupent plusieurs milliers de composés chimiques contenant des liaisons carbone-fluor. On les utilise depuis les années 1950 dans des secteurs très variés : textiles, emballages alimentaires, mousses anti-incendie, cosmétiques, médicaments, dispositifs médicaux… et aussi dans la protection des cultures. Ces molécules sont recherchées pour leurs propriétés uniques : elles résistent à la chaleur, restent stables dans le temps et offrent des performances particulières comme l’imperméabilité ou l’effet antiadhésif. Le TFA, ou acide trifluoroacétique, est une substance fluorée simple, qui peut aussi se former lors de la dégradation de certains PFAS.

Existe-t-il des substances actives phytopharmaceutiques répondant aux critères structurels des PFAS ?

J. D.-R. : Oui, mais la comparaison s’arrête là. Certaines substances actives phytopharmaceutiques contiennent bien une à trois liaisons carbone-fluor. Mais elles sont très différentes des PFAS à longue chaîne souvent qualifiés de « polluants éternels ». D’abord, leurs structures sont plus simples, avec rarement des carbones fluorés consécutifs. Ensuite, leur persistance dans l’environnement n’a rien à voir avec celle des molécules PFAS les plus problématiques. De plus, ces fonctions fluorées améliorent la sélectivité des produits, renforcent leur stabilité et optimisent leur efficacité. Enfin, ces produits représentent environ 2 % de l’ensemble des PFAS utilisés en Europe.

Une réflexion est-elle engagée au niveau européen ?

J. D.-R. : L’Agence européenne des produits chimiques travaille actuellement sur un projet de restriction globale. Toutefois, le secteur de la protection des cultures bénéficie d’un cadre réglementaire déjà robuste, ce qui justifie son exclusion, pour l’instant, de cette démarche. Le règlement (UE) 1107/2009 impose déjà une évaluation stricte, exigeant la dégradation rapide de ces substances et l’absence de risque de bioaccumulation.

Parallèlement, un autre chantier est ouvert sur le TFA. L’Autorité européenne de sécurité des aliments réexamine actuellement sa toxicité. Elle doit définir de nouvelles valeurs de référence, notamment pour l’eau. Les résultats sont attendus en 2026. D’ici là, il est important que les États membres, dont la France, participent activement aux discussions pour garantir une harmonisation des règles et éviter toute distorsion entre pays européens.

Combien de modes d’action seraient touchés par cette réévaluation et quel impact cela aurait-il sur l’agriculture ?

J. D.-R. : C’est ici que l’enjeu devient majeur. Si les substances concernées venaient à disparaître, dix modes d’action phytopharmaceutiques essentiels seraient perdus. Quatre concernent les insecticides, cinq les fongicides et le dernier est mode d’action herbicide. Ce retrait provoquerait des impasses agronomiques supplémentaires et accélérerait l’apparition de résistances sur les derniers leviers disponibles. De nombreuses productions seraient affectées, des céréales aux betteraves, du maïs aux pommes de terre, sans oublier les légumes, les fruits, les oléoprotéagineux et la vigne.

Comment le secteur se prépare-t-il à ces évolutions ?

J. D.-R. : La filière de la protection des cultures se mobilise pleinement. Elle fournit toutes les données nécessaires pour évaluer précisément les substances et collabore pour répondre aux autorités. L’objectif est de garantir des décisions européennes homogènes, fondées sur des bases scientifiques solides, partagées et reconnues. Ainsi, nous éviterons toutes distorsions de concurrences. Pour l’agriculture, préserver ces modes d’action reste indispensable afin de maintenir la compétitivité des exploitations et de continuer à répondre aux défis de la production et de la souveraineté agricole.

Julien Durand-Réville, responsable santé chez Phyteis.