Les résidus de pesticides dans les aliments sont à 1 % de notre crédit toxicologique
Une étude d’UFC-Que Choisir publiée dans son édition d’avril suggère qu’un aliment sur deux, en France, contient des résidus de produits phytosanitaires potentiellement dangereux. Détectés dans les limites des seuils de quantification, ils sont à un niveau 100 fois moins élevé que celui de notre « crédit toxicologique », un compte sécurisé tout au long de la vie, et 10 000 fois moins élevé que la Dose sans effet (DES) toxique.
La peur dans l’assiette revient avec la dernière étude d’UFC Que-Choisir. L’association a croisé les résultats d’analyses officielles sur la recherche de résidus de pesticides dans plus de 5 000 aliments d’origine végétale réalisées par les autorités françaises en 2019* avec la liste des substances actives qu’elle considère dangereuses. Laquelle est plus large que la liste établie par les experts européens et du cadre réglementaire.
Sur les 14 000 échantillons de produits bio et conventionnels analysés, l’étude indique que 51 % d’entre eux révèlent la présence de ces substances actives. Le seuil de quantification est pris pour référence dans ce calcul. Phyteis rappelle que quantification ne signifie pas danger. Le risque dépend de l’exposition, le danger est un potentiel.
Par ailleurs, « cela signifie donc que 50 % des échantillons sont déjà, tels quels, en mesure de réclamer une allégation de type “zéro résidu de pesticides”, comme on les voit se multiplier », relève Julien Durand-Réville, responsable santé Phyteis.
Résidus pesticides détectés et crédit toxicologique, une marge sécuritaire de 100
Au-delà du débat de la quantification, la question est de savoir si la consommation de produits alimentaires avec ces niveaux de résidus de pesticides, y compris ceux présumés dangereux, approche, voire dépasse nos crédits toxicologiques ? Cette valeur correspond à la quantité de traces que chacun peut consommer tous les jours, tout au long de sa vie, sans conséquence sur la santé. « Non spécifique aux produits phytopharmaceutiques, la détermination de ce plafond s’effectue avec des marges de sécurité considérables, complète Julien Durand-Réville. Elles prennent notamment en compte les incertitudes liées à toutes démarches scientifiques, aussi exigeantes soient-elles, mais également la possibilité dans une population d’avoir des personnes plus ou moins sensibles. »
L’Efsa (Agence européenne de sécurité des aliments) calcule chaque année, sur la base des analyses de résidus et du régime alimentaire des citoyens, le niveau réel d’exposition. Ainsi, en 2019, les résultats montrent un niveau d’exposition des européens correspondant en moyenne à une consommation de 1,033 % de notre crédit toxicologique pour les 187 substances actives quantifiées. Ce résultat est constant puisqu’en 2018, il s’établissait à 1,024 %. « Entre ce que l’on consomme et ce que le cadre réglementaire fixe, c’est 100 fois moins. Comparé à ce qui doit être consommé pour montrer le premier effet sanitaire néfaste, c’est 10 000 fois moindre », explique Julien Durand-Réville.
Effets cocktails pris en compte avec le crédit toxicologique par effet
Pour répondre aux interrogations sur de potentiels effets cumulatifs ou effets cocktails, une nouvelle dimension au crédit toxicologique des substances est ajoutée : le crédit toxicologique par effet. Cette approche vérifie l’impact sur la santé de groupes de substances qui agissent sur un même organe ou un même mécanisme toxicologique précis. L’Efsa donne la priorité aux effets les plus susceptibles de conduire à un risque de dépassement. De premières évaluations de risque ont été réalisées sur la thyroïde et le cerveau. « Ces travaux montrent que même en cumulant les substances ayant des effets comparables, nous sommes très loin d’utiliser tout notre crédit toxicologique en raison du faible niveau d’exposition », conclut Julien Durand-Réville.
*Analyses réalisées dans le cadre de l’étude européenne de l’Efsa sur la conformité des aliments.
Comment calculer le crédit toxicologique ?
À partir d’études toxicologiques, la plus grosse Dose sans effet (DES) est établie. C’est la dose à laquelle apparait le premier effet sanitaire significatif, toutes études toxicologiques confondues. Compte tenu des incertitudes et de la diversité potentielle des individus dans une population (certains sont plus sensibles que d’autres…) la règle est de diviser par 100 cette quantité. Elle donne la Dose journalière admissible (DJA). Cette dose réglementaire permet de déterminer le crédit toxicologique acceptable en fonction du poids de l’individu.