Les EPI phytosanitaires sont-ils vraiment protecteurs et obligatoires ?
De la manipulation des produits phytosanitaires au traitement des cultures, la prévention des risques chimiques passe par plusieurs réflexes dont le port des équipements de protection individuels.
Nécessaires car réduisant significativement l’exposition, les EPI phytosanitaires évoluent. Ceux de la nouvelle génération proposent un meilleur équilibre entre protection, acceptabilité et confort. Le point sur leur rôle et leurs conditions d’emploi.
Comment le cadre de la prévention des risques considère-t-il les EPI phytosanitaires ?
Julien Durand-Réville : Les équipements de protection individuels sont nécessaires et protecteurs. Raison pour laquelle, ils figurent dans la boîte à outils, en complément du principe de base : la prévention primaire. Dans ce cas, il s’agit de ne traiter que si nécessaire et avec les produits les moins dangereux possibles. En France, la formation obligatoire Certiphyto rappelle l’ensemble des bonnes pratiques et conditions d’emploi des produits phytosanitaires.
Par ailleurs, le traitement d’une culture demande une organisation préalable du travail. Elle implique de choisir un matériel de pulvérisation adapté. En complément, les travaux s’effectuent dans le respect de règles d’hygiène et de l’utilisation d’équipements de protection collectifs. Par exemple : la cabine de pulvérisateur filtrée, les systèmes de transfert fermés (STF)…
Enfin, les étiquettes indiquent systématiquement l’obligation du port d’équipements de protection individuels. Ces informations apparaissent parmi les conditions d’emploi des produits. Ce sont les décisions d’Autorisation de mise sur le marché (AMM) qui déterminent ces dernières. De plus, chaque catégorie d’EPI phytosanitaires, gants, masques, lunettes, combinaisons…, répond à des normes. Elles aussi se repèrent sur les étiquettes des emballages. Toutes ces informations sont disponibles sous forme de tableaux didactiques standardisés, plus faciles à lire.
Systématiquement indispensables et protecteurs, les EPI s’inscrivent dans un ensemble de règles complémentaires pour prévenir efficacement le risque chimique.
Le port d’EPI est-il obligatoire en France?
J D-R. Le cadre réglementaire français est clair. L’application des produits de protection des cultures, qu’ils soient conventionnels, de biocontrôle ou utilisables en agriculture biologique, requiert le port d’EPI adaptés. Cette obligation est indépendante des résultats des évaluations de risque qui s’effectuent pour chaque produit. En effet, la France considère que les produits de protection des cultures ne sont pas des produits anodins. Par conséquent, l’exposition et donc le risque chimique doivent se limiter au maximum. Cette exigence s’applique quelle que soit l’origine, la catégorie de produits ou le profil de danger spécifique.
Les EPI phytosanitaires évoluent-ils pour être plus protecteurs et mieux acceptés ?
J D-R. L’actuelle génération d’EPI normés, n’a plus rien à voir avec celle utilisée il y a encore une dizaine d’années. Elle s’adapte pour chaque étape du traitement phytosanitaire. Par exemple, lors du mélange chargement et du nettoyage, on propose d’enfiler un tablier de type 3. La protection qu’il procure, évite les éclaboussures et les projections en complément de l’EPI vestimentaire.
Auparavant, ces équipements suivaient les règles de normalisation des EPI chimiques généralistes. L’élaboration de ces dernières visait la protection des ouvriers dans les usines chimiques.
Peu confortables, ces équipements étaient inadéquats pour les travaux aux champs en plein air. Mal utilisés, ils pouvaient même dans certains cas se révéler plus exposants. En effet, trop épais, ils peuvent entrainer une hausse de la température corporelle ainsi que du rythme cardiaque. De telles conditions rendent difficilement supportables plusieurs heures de travaux agricoles.
Depuis 2017, grâce à la nouvelle génération de normes internationales, le cadre d’adapte aux situations et spécificités agricoles. Il émane d’un travail international collectif, sous l’impulsion du ministère de l’Agriculture français. Ce travail a mobilisé de nombreuses parties prenantes dont Phyteis et ses adhérents.
De surcroit, le programme incluait un volet expérimentation en conditions réelles. Ergonomiques, confortables, mieux « designés», réutilisables et protecteurs, ces vêtements correspondent aux attentes des agriculteurs testeurs.
Comment davantage sensibiliser les agriculteurs sur les nouveaux EPI phytosanitaires?
Pour sensibiliser le plus grand nombre, cette nouvelle gamme fait l’objet de communications nationales collectives. En relai, le site EPIPhyto décrit tous ces outils. La rubrique PhytoPratique du site de Phyteis les présente aussi. De plus, ces travaux nationaux inédits inspirent désormais d’autres pays tels que l’Allemagne et la Suisse. Nous sommes pionniers sur ce sujet de la protection individuelle.
Les EPI s’adaptent-ils selon les tâches agricoles ?
J D-R. Effectivement, selon les étapes du traitement phytosanitaire, les options ou types d’EPI diffèrent. Si des EPI phytosanitaires se requièrent toujours, le jeu d’EPI peut néanmoins varier en fonction de la tâche. Exemple, plus d’EPI sont nécessaires lors du mélange de la bouillie puisque l’opérateur manipule des produits concentrés à ce moment-là. En revanche, lors de la pulvérisation l’applicateur s’exposent moins aux risques si l’intervention se fait au sein d’une cabine filtrée. Par contre, une pulvérisation sans cabine exige, elle, une protection chimique lourde. Également, d’autres paramètres peuvent entrer en jeu : densité de la végétation, type d’appareillage etc.
Désormais, le jeu d’EPI, les normes de protection tout comme l’ergonomie s’adaptent bien aux différents travaux.