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Phyteis

L’approche combinatoire de la protection des cultures ouvre la voie à un meilleur usage du cuivre

Pour diminuer l’emploi du cuivre, l’Anses recommande plutôt de repenser les pratiques à l’échelle des systèmes de culture. Autrement dit, de combiner les leviers et non de remplacer ce produit, utilisable en bio, uniquement par une alternative.

Substituer un produit phytopharmaceutique par une alternative à moindre impact environnemental n’est pas toujours possible. Le cuivre en est un exemple. Malgré l’expérimentation de produits de biocontrôle et de préparations naturelles pour lutter contre le mildiou de la vigne ou la tavelure du pommier, aucune des solutions autorisées n’égale l’efficacité du cuivre. Et celles qui s’en rapprochent comme les phosphonates ne disposent pas d’AMM pour ces usages en bio.

D’ailleurs, l’avis de l’Anses publié en juin 2025, démontre combien une stratégie de substitution « substance par substance » s’avère insuffisante. Fruit d’une auto-saisine lancée en 2022, ce rapport détaille les conséquences économiques, agronomiques et environnementales d’une limitation ou d’un retrait du cuivre.

Stratégie zéro cuivre, vouée à l’échec sans une approche globale

L’analyse de l’Anses repose sur trois cas d’usage : vigne, pomme et pomme de terre, en agriculture biologique et conventionnelle. Par exemple, en viticulture bio, le cuivre reste un pilier de la lutte contre le mildiou.

Dans la simulation, l’objectif de rendement des vignes est de 50 hl/ha et le prix de vente de 5€/bouteille avec une pression parasitaire moyenne. Ainsi, en bio, le scénario « zéro cuivre » peut faire chuter les rendements en moyenne de 40 % en zone Atlantique. Ils reculent de 34 % en zone méditerranéenne. Quant aux pertes de marge en bio, elles ne sont pas supportables puisqu’elles atteignent 14 000 €/ha pour les vignobles de la façade Atlantique. Elles représentent 11 000 €/ha pour ceux du pourtour méditerranéen. Pour compenser, il faudrait augmenter le prix de vente du vin de 63 % à 87 % selon les régions.

Le scénario « demi cuivre » (dose maximale de 2 kg/ha/an) induit également des pertes conséquentes. En conventionnel, l’écart de marge représente tout de même plus de 6000 €/ha sur la zone Atlantique. Il est de plus de 3000 €/ha en zone méditerranéenne. Seul le scénario « zéro cuivre avec fongicides de synthèse » en conventionnel n’entraîne pas de différence économique.

Enfin, l’Anses rappelle que les impacts ne sont pas que technico-économiques. Si certaines alternatives présentent un meilleur profil environnemental, leur efficacité partielle impose des interventions plus fréquentes. In fine, cette stratégie est non seulement plus coûteuse mais également plus énergivore. Elle a également un impact sur la structure des sols, toujours en raison des passages répétés des engins.

© gpagomenos

Les scénarios « zéro cuivre » entraînent des pertes de rendement majeures en vigne et une diminution de la marge brute. Ce constat est d’autant plus marqué en agriculture biologique, qui n’accède pas aux fongicides de synthèse.

Construire la transition avec la recherche, l’accompagnement et la biosurveillance

Face aux limites d’efficacité des substituts appliqués seuls ou associés, l’avenir réside dans une approche combinatoire plus ouverte. Dans ce cas, les produits phytopharmaceutiques s’emploient de manière graduelle. « L’usage du cuivre doit être intégré dans une stratégie de protection de la culture, là où il apporte un surplus d’efficacité et si la situation l’exige, explique Ronan Vigouroux, responsable environnement chez Phyteis. Ainsi, le produit casse la dynamique du champignon. De plus, comme son mode d’action est multisite, il ne génère pas de résistance chez les bioagresseurs. Il sert également de bouclier pour les autres fongicides. »

De son côté, l’Anses insiste sur la nécessité d’assembler des leviers — variétés résistantes, prophylaxie, stimulation des défenses des plantes, biocontrôle, outils de pilotage — pour construire des systèmes résilients. Par conséquent, l’agence préconise de sortir de la logique du « produit de remplacement ».

L’Agence recommande également de soutenir la recherche sur les systèmes intégrés et de renforcer les dispositifs de surveillance. Elle appelle à faciliter l’accès aux produits de biocontrôle et à accompagner les agriculteurs dans les transitions.

« Face à la complexité des agroécosystèmes, l’innovation n’est qu’une partie de la solution, rappelle Ronan Vigouroux. En croisant les techniques, l’approche combinatoire de la protection des cultures permet une réduction pragmatique et maîtrisée des produits phytopharmaceutiques. »

Les principales recommandations de l’Anses pour utiliser le cuivre

Si le cuivre n’est pas remis en cause, des mesures sont prises par l’Anses.

 Au niveau des autorisations de mise sur le marché :

  • Retrait de l’usage pour les tomates sous serre.
  • Retrait d’AMM pour les produits en poudre mouillable (WP) car cela expose davantage l’opérateur.
  • Dans certains cas, des données supplémentaires devront être fournies par les industriels pour statuer sur des risques particuliers s’agissant des oiseaux et des mammifères.

Pour l’application des produits :

  • Port de gants en rentrée (déjà largement recommandé pour tous les produits).
  • Élargissement des dispositifs végétalisés permanents à proximité des cours d’eau.