La PAC face à la stratégie « de la ferme à la table », les conclusions du rapport du JRC
Le texte sur le Pacte Vert, adopté en séance plénière du Parlement européen le 19 octobre, intègre désormais la référence à l’étude d’impacts du Centre commun de recherche (JRC), branche scientifique de la Commission européenne. Il a évalué les impacts environnementaux et économiques de trois scenarios de la PAC ciblant quatre objectifs chiffrés de la stratégie européenne « de la ferme à la table » (Farm to Fork) et celle relative à la biodiversité (Biodiversity Strategy).
Obtenus à partir du modèle CAPRI (Common Agricultural Policy Regionalised Impact), les résultats de l’étude du Centre commun de recherche (JRC) ont été présentés en juillet. La référence à cette étude sur les conséquences potentielles de la stratégie De la ferme à la table pour la production agricole a été introduite dans le texte du Pacte Vert, voté le 19 octobre en séance plénière par le Parlement européen. Elle prévoit un recul de la production agricole européenne d’au moins 10 %.
Selon les auteurs, une attention particulière doit être accordée à la manière dont les objectifs du Pacte Vert sont mis en œuvre ainsi que l’accompagnement de la PAC par d’autres mesures. « Cette étude – avec toutes ses limites – montre l’ampleur du défi, indiquent-ils. Nos résultats montrent que le secteur agricole peut atteindre les objectifs des stratégies « de la Fourche à la fourchette » et « biodiversité » sélectionnés, mais ils suggèrent qu’il peut y avoir des compromis, notamment en termes de niveaux de production. »
Des scenarios de la PAC ciblent les objectifs des stratégies De la ferme à la table et Biodiversité
Trois scenarios PAC post 2022 sont confrontés aux réductions d’intrants tels que ciblés dans la stratégie de la Ferme à la table. Celle-ci ambitionne une réduction de 50 % des produits phytosanitaires à horizon 2030.
- Dans le premier scenario, la PAC reste similaire à celle de 2014-2020.
- Dans le deuxième, le PAC correspond aux propositions législatives de la Commission (juin 2018), laquelle introduit notamment les Eco-schemes et vise à accélérer la transition vers une agriculture plus durable.
- Le troisième scenario propose que la PAC soit mise en œuvre avec des aides supplémentaires.
Le modèle prévoit notamment une hausse de 25 % de la surface en bio et 10 % de la SAU convertie en surface à haute valeur paysagère.
Le modèle n’intègre pas les évolutions de comportement comme la lutte contre le gaspillage, le changement de régime alimentaire, ni d’autres plans européens.
Dans le détail, qu’indique l’étude du JRC ?
- 28,9 % de baisse des émissions de GES avec l’actuel scenario PAC post-2022
L’atteinte des quatre cibles sélectionnées conduirait à des impacts environnementaux positifs sur l’excédent et les pertes d’azote, les émissions GES. Ainsi, les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur agricole européen diminueraient de 28,4 % d’ici à 2030 pour le scenario 2 de la PAC post 2022 calé sur la proposition de 2018. La baisse des émissions autres que celle de CO2 serait de 17,4 %, mais la moitié de cette baisse « fuiteraient » hors de l’UE. Le scénario 3 montre une réduction voisine des GES, de 28,9 %, alors que le scenario 1 livre une réduction des GES de 20,3 %.
- Baisse de la production européenne dans les trois scénarios PAC post-2022
Le modèle CAPRI montre une hausse de SAU de 2,6 % dans le scenario 2 de la PAC. Elle est principalement due à l’augmentation des pâturages et des cultures de fruits et légumes en mobilisant des terres abandonnées.
Les prix à la production augmentent de 10 % dans les scénarios 2 et 3. Ils ressortent nettement plus élevés pour les produits animaux.
Une baisse de la production européenne est signalée dès le premier scénario de la PAC : -15 % pour les céréales et oléagineux, -12 % pour les légumes et les cultures permanentes, -14 % pour la viande et -10 % pour le lait. Cet impact sur la production peut être réduit d’environ 1/5 avec le scénario 2 de la PAC, soit – 12 % pour les céréales et près de -10 % pour les autres cultures. Cependant, même dans le cadre d’une mise en œuvre ambitieuse de la nouvelle PAC, les impacts ne sont pas négligeables : l’atteinte des objectifs en matière de terres en agriculture biologique et de réduction de l’excédent brut d’éléments nutritifs sont les principaux facteurs à l’origine des réductions de la production.
Les importations et les exportations sont aussi concernées avec comme conséquence des variations de prix et de revenus pour les agriculteurs. Les exportations nettes de céréales reculent de 7 % avec le deuxième scenario de la PAC. Une aggravation du déficit commercial de l’UE pour les oléagineux, les fruits et légumes, la viande bovine et ovine et caprine est signalée.