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Jordan Charransol : pouvoir cultiver sans prise de risque face aux bioagresseurs 

En vigne comme en maraîchage, Jordan Charransol fait face à une pression des bioagresseurs grandissante et aux restrictions de produits. Seule une stratégie combinatoire permet de tenir le cap, à condition d’accéder aux innovations efficaces.

Dans l’Enclave des Papes, au nord du Vaucluse, Jordan Charransol se consacre principalement à la viticulture sur 32 avec une production certifiée Haute Valeur Environnementale. Lorsqu’il reprend la ferme en 2015, la diversification était déjà en place, facilitant son maintien. Aujourd’hui, l’assolement inclut sur 10 ha, des asperges, du melon, des courgettes, du lavandin et du blé dur.

Une vigne sous récente pression mildiou

Le vignoble de la famille Charransol fait face aux aléas du climat méditerranéen. « Nous avons la chance d’être dans une région ventée avec le mistral qui aide à lutter contre les maladies en asséchant les feuilles, explique-t-il. Mais, c’est aussi un vent froid qui favorise l’oïdium. » En effet, cette maladie est ancestrale en vallée du Rhône. Cependant, un autre pathogène se fait de plus en plus remarquer, particulièrement lors des campagnes 2023 et 2024. « Le mildiou a émergé au début des années 2000, et il revient dès que le printemps est pluvieux », observe le viticulteur. Dans la région, c’est aussi la double peine puisque les vignes atteintes par le mildiou sont moins robustes pour résister aux étés chauds et secs. Conséquence, pour ces raisons, la récolte 2024 est extrêmement basse.

Dans tous les cas, pour protéger ses vignes, Jordan ajuste ses programmes fongicides en intégrant du biocontrôle comme l’huile essentielle d’écorce d’orange et le phosphonate de potassium. Il joue aussi sur les formes de cuivre. En certification HVE, il cible la réduction de l’indice de fréquence de traitement (IFT). « Le biocontrôle est une solution, mais il ne pourra pas tout remplacer », admet-il, redoutant que les alternatives moins efficaces ne se substituent aux produits retirés. D’autant qu’après le mildiou, le black rot gagne du terrain dans le Vaucluse.

Lutte complexe contre l’oïdium de la vigne et la flavescence dorée

L’oïdium pose un autre problème : la résistance aux fongicides de la famille des IBS. Jordan renforce donc leur action avec du soufre ou de l’huile essentielle d’écorce d’orange avant la fermeture de la grappe. Enfin, pour limiter les contaminations, il effeuille les pieds trop denses. Ainsi, les UV assainissent la vigne. Mais, en cas de fortes attaques, cette stratégie peut s’avérer insuffisante.

Côté insecte, la cicadelle dorée est le risque majeur. Elle propage le phytoplasme responsable de la maladie de la flavescence dorée. En cas de menaces, un arrêté préfectoral impose des traitements. « Mais, avec l’abandon de certaines vignes, les foyers se multiplient, rendant la lutte plus difficile », déplore-t-il.

Jordan Charransol, installé en Gaec avec ses parents à Valréas (84) est aussi président de Jeunes Agriculteurs du Vaucluse.

« Avec la crise viticole, la diversification est nécessaire, partage-t-il. Cependant, l’implantation de l’asperge sur d’anciennes parcelles de vigne rend le désherbage difficile. » 

Le maraîchage : maladies persistantes et désherbage contraignant

Sur ses parcelles d’asperges, les défis sont d’un autre ordre même si cette culture est également pérenne. « Après la récolte en mai-juin, l’asperge repousse et devient vulnérable en formant ses tiges et feuilles. Cette croissance se fait en plusieurs vagues successives. Résultat : une maladie installée revient chaque année, et ce pendant les quinze ans que dure le plant ! » explique le producteur.

Parmi les maladies redoutées : la stemphyliose contre laquelle il n’existe qu’un seul fongicide. Dès lors, la prophylaxie est essentielle : retrait et broyage des rames en juin et juillet, arrosage par goutte-à-goutte pour limiter l’humidité. « Ce n’est pas une solution miracle, mais cela réduit le risque. En effet, une asperge bien développée et retombante garde trop l’humidité sous son feuillage », précise-t-il.

Par ailleurs, le désherbage est un autre casse-tête, notamment avec la prolifération des morelles. La parcelle d’asperges hérite des adventices présentes autrefois dans les vignes. « Les herbicides imposent un délai de rentrée énorme. Un mois avant la récolte, c’est ingérable », souligne Jordan. En conséquence, il alterne les interventions mécaniques et l’arrachage manuel. Un robot pour arracher les mauvaises herbes dans les asperges serait-il une solution ? « Peut-être… mais ce n’est pas si simple compte tenu de la configuration de cette culture », tempère-t-il.

L’avenir passe par la recherche et l’adaptation

Jordan Charransol suit de près les innovations, notamment les cépages résistants testés par la Chambre d’agriculture du Vaucluse. « Il faut explorer ces pistes. Ce sera peut-être l’agriculture de demain », estime-t-il. En revanche, il s’intéresse moins au numérique pour conduire sa vigne et prédire le risque maladies : « Je me fie aux alertes de la chambre d’agriculture », précise-t-il.

Pour lui, l’avenir de la protection des cultures repose sur une approche globale : combiner plusieurs leviers, adapter ses pratiques et surtout tester de nouvelles solutions, sous conditions. « On martèle : pas d’interdiction sans solution. Mais, il faut aussi trouver des alternatives viables », conclut-il.

Pour en savoir plus, consultez les fiches Engagés pour nos cultures : vigne et asperge