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Phyteis

Fongicides multisites : un levier stratégique pour ralentir l’adaptation des pathogènes

Alors que les champignons s’adaptent rapidement, les fongicides multisites participent à la gestion des résistances. Le point sur les substances actives qui sont autorisées et le suivi de l’évolution résistances en France.

Un produit phytopharmaceutique à mode d’action multisite agit sur plusieurs cibles biochimiques ou physiologiques au sein des bioagresseurs. Contrairement aux produits à mode d’action uni-site, il rend l’adaptation des pathogènes beaucoup plus complexe. En effet, les champignons doivent surmonter plusieurs obstacles pour développer une résistance.

Les modes d’action uni site représentent près de 60 % des fongicides et leur usage répété sans alternance des modes d’action accroît les risques de résistance. Près de la moitié d’entre eux ciblent la respiration cellulaire (24 %) ou la biosynthèse des stérols membranaires (15 %).

De plus, la diminution des substances autorisées en Europe et en France accentue la pression de sélection sur celles qui restent.

« Dans les programmes fongicides, les substances multisites agissent alors comme un bouclier, explique Philippe Michel, directeur des affaires juridiques et réglementaires chez Phyteis. En complément, pour limiter les résistances, il est indispensable d’alterner les familles chimiques, les substances actives. Par ailleurs, cette stratégie s’inscrit dans le cadre d’une approche combinatoire des techniques et méthodes de lutte contre les bioagresseurs. »

Répartition des modes d’action fongicides autorisés en Europe

Source BASF – mai 2025

Les différents types de substances fongicides multisites

Selon la classification internationale du comité FRAC (Fungicide Resistance Action Committee), quatre substances actives conventionnelles possédant un mode d’action multisite sont autorisées en France. De plus, deux substances utilisables en agriculture biologique présentent également cette caractéristique.

  • Substances actives multisites conventionnelles

Les fongicides multisites conventionnels agissent par contact. Dans ce cas, ils sont efficaces lors d’attaques sévères et limitent les résistances aux fongicides unisites.

Les principales substances :

  • Folpel. Il inhibe la germination des spores et le développement du mycélium en agissant à trois niveaux cellulaires. Concrètement, il perturbe la division cellulaire (noyau), empêche la production d’énergie (mitochondries) et stoppe le développement de la cellule (membrane). Son autorisation est accordée notamment pour lutter contre le mildiou de la vigne, le black rot, l’excoriose, le rougeot parasitaire et la septoriose du blé.
  • Dithianon. Il affecte la respiration cellulaire, le métabolisme de certaines enzymes et provoque un stress oxydatif. En viticulture, le dithianon permet de cibler le mildiou, l’excoriose et le black rot. Les arboriculteurs peuvent l’utiliser contre la tavelure des fruits à pépins et les maladies du feuillage. Parmi les autres usages : l’anthracnose du cerisier, les maladies du feuillage des cassissiers…
  • Captane. Il perturbe plusieurs étapes de la respiration des champignons. Les principaux usages en arboriculture concernent la tavelure et les autres maladies foliaires.
  • Dodine. Cette substance active interfère sur la cohésion de la membrane cellulaire. Ainsi, elle permet de gérer la tavelure, la cloque du pêcher et certaines maladies de l’olivier. En outre, la dodine cible les cercosporioses de la banane.

Produits multisites, utilisables en agriculture biologique ou de biocontrôle

Ces solutions fongicides multisites, qui sont majoritairement préventives, s’appliquent de préférence en début de cycle. Du reste, certains produits stimulant également les défenses naturelles des plantes nécessitent un tel positionnement précoce.

Substances minérales :

  • Soufre. Il altère la respiration cellulaire et modifie la structure des cellules. Il permet de contrôler l’oïdium de toutes les cultures, la tavelure, la septoriose et les maladies foliaires de betteraves. En outre, les fongicides à base de soufre figurent sur la liste des produits de biocontrôle et sont également utilisables en agriculture biologique (UAB).
  • Cuivre. Son mode d’action vise les bactéries et les champignons. Ainsi, il empêche les fonctions enzymatiques essentielles (respiration, synthèse de stérol, formation de la membrane cellulaire). Le cuivre est historiquement utilisé contre le mildiou de la vigne. De surcroît, il permet de gérer les résistances de la cercosporiose de la betterave et de la tavelure des pommes. Il possède une autorisation en agriculture biologique (UAB).
Micro-organismes, extraits de plantes

Des bactéries et des extraits de plantes possèdent de multiples modes d’action sur les pathogènes. Les substances d’origine végétale comprennent des polypeptides, des phénols, des terpènes, etc. De leur côté, les micro-organismes rassemblent de nombreuses espèces et souches. Par exemple, le genre Bacillus comprend des espèces comme Bacillus amyloliquefaciens qui ont un effet antagoniste sur les pathogènes et un mode d’action stimulateur des défenses naturelles.

Suivi de l’évolution des résistances aux fongicides

L’ANSES, INRAE et les instituts techniques publient chaque année une note technique commune.
Arvalis coordonne celle relative aux fongicides des céréales à paille . L’Institut de la vigne et du vin (IFV) suit les fongicides de la vigne et Terres Inovia, ceux pour le colza.

Ces notes renseignent sur l’évolution des résistances et détaillent les mesures prophylactiques. Ainsi, la note 2025 sur la vigne signale une situation préoccupante pour le mildiou.

Pour prévenir les résistances, les rédacteurs recommandent d’élaborer les programmes fongicides selon trois principes :

  • Limiter le nombre d’applications par substance.
  • Alterner les modes d’action dans le programme.
  • Associer les modes d’action dont les multisites.

Enfin, le réseau R4P partage les connaissances et méthodologies sur la résistance des bioagresseurs aux produits phytopharmaceutiques.

Afin d’améliorer la connaissance et la mise en œuvre des mesures de gestion des risques de résistance, l’organisation de protection des plantes CropLife international recommande à ses entreprises membres de faire figurer sur les étiquettes des produits les codes des modes d’action tels que définis par les comités RAC (Resistance Action Committee).