Engagés pour nos cultures – la filière carotte

Deuxième producteur européen de carottes, la France dispose d’une filière Carotte qui se situe aujourd’hui à un tournant. Face aux incertitudes et aux impasses techniques, elle cherche de nouvelles solutions en approche combinatoire.

Carotte : le temps des incertitudes
Des incertitudes climatiques, économiques et juridiques
En premier lieu, le changement climatique modifie la répartition et la pression des bioagresseurs dans les zones de production. Cela complexifie l’anticipation des attaques et leur intensité tandis que de nouveaux bioagresseurs émergent sur les bassins de production français.
Ensuite, ces dernières années, la carotte a souffert de la sécheresse, des vagues de chaleur (2022) et de la pluviométrie exceptionnellement élevée (2023 et 2024). Ces conditions météorologiques « chaotiques » ont affecté les rendements. Par exemple, en 2022, la production avait diminué de 10,4 % par rapport à 2021.
Enfin, les évolutions législatives bousculent la filière carotte. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire et le règlement européen PPWR « emballages » constituent de grands défis. Malgré les investissements et la recherche, la filière carotte n’a pas trouvé d’alternative techniquement et économiquement viable au sachet plastique 100 % recyclable pour le marché du frais.
Une fluctuation croissante selon les facteurs climatiques et économiques
Le défi de maintenir la production de carottes françaises
L’approche combinatoire comme horizon pour la filière carotte
Plusieurs alternatives aux produits phytopharmaceutiques sont actuellement mises en œuvre dans une approche combinatoire :
– La rotation des cultures. Il s’agit d’allonger la rotation pour réduire la pression des maladies et des ravageurs spécifiques aux carottes ;
– Le choix variétal, en utilisant des variétés résistantes aux maladies pour diminuer la nécessité de traitements chimiques ;
– Le désherbage mécanique avec des outils de désherbage mécanique ou thermique pour contrôler les mauvaises herbes. En cas d’impasse technique, les producteurs ont recours au désherbage manuel (40h/ha en moyenne sur les parcelles concernées, jusqu’à 200h/ha), selon l’AOP Carottes de France ;
– Des outils d’aide à la décision afin de piloter l’utilisation des produits phytopharmaceutiques de la manière la plus précise possible : modélisation (permettant de traiter uniquement en cas de besoin), pièges connectés (mouche de la carotte) ;
– Des plantes de service comme les semis de couverts végétaux en interculture de façon à limiter la présence des bioagresseurs (sorgho nématicide) ou l’utilisation d’une carotte piège pour lutter contre le nématode Heterodera caroae.
Le projet Altercarot, un pas vers l’avenir de la carotte française
Lancé en 2019 pour une durée de 6 ans, le projet Altercarot vise à tester des systèmes de culture agroécologiques légumiers, capables d’articuler viabilité économique et usage en dernier recours des produits phytopharmaceutiques.
Porté par Carottes de France et quatre autres partenaires (INRAE, INVENIO, SILEBAN, UNILET), le projet a été mené dans deux régions représentatives de la production : la Nouvelle-Aquitaine et la Normandie. Les résultats ont montré la possibilité d’une baisse significative de l’IFT (Indice de fréquence de traitements) de –38 % à –70 % selon les cas.
Toutefois, cette baisse d’IFT s’accompagne de baisses de rendements (jusqu’à 35%) et d’une baisse des résultats économiques pouvant aller jusqu’à une perte économique. (Source : bilan du projet AlterCarot, septembre 2024).
Par ailleurs, Carottes de France a rédigé un plan de recherche et d’expérimentation sur 10 ans (2020-2030) afin d’identifier des méthodes innovantes de production (désherbage de précision par exemple).
« Face à des enjeux techniques complexes, seule une approche combinatoire peut nous permettre de conjuguer rendements et viabilité économique. Notre filière française est mobilisée depuis de nombreuses années en matière de recherche et d’expérimentation pour trouver de nouvelles solutions, en partenariat avec un écosystème complet allant des producteurs à l’institut technique : INVENIO, SILEBAN, UNILET, CTIFL, INRAE… Toutefois, les moyens de lutte aujourd’hui disponibles, qu’ils soient alternatifs ou chimiques, ne permettent pas de lever les impasses techniques et fragilisent fortement la filière française. »
Christian Letierce, président de l’AOPn Carottes de France
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