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Parole d'expert

Création d’un tabac, fabrique à phéromones

En Angleterre, une équipe de l’Institut Earlham de Norwich a conçu une lignée de tabac pour produire les phéromones sexuelles des papillons de nuit. Ils ont aussi eu l’idée de réguler le processus de fabrication des phéromones au champ en utilisant une solution de bioprotection. Explications. 

Plantes modèles de laboratoire car faciles à cultiver dans ces conditions, des variétés de tabac ont déjà été créées au Canada pour fabriquer des composants naturels pour les vaccins. Par exemple, ils entrent dans la composition de ceux contre les virus de l’Ebola ou du Covid-19. Désormais, toujours grâce au génie génétique, une lignée de Nicotiana benthamiana possède dans son génome les instructions pour synthétiser des phéromones contrôlant les papillons de nuit, dont ceux ravageurs des cultures. Cette découverte de l’équipe de Biologie synthétique de l’Institut Earlham de Norwich dirigée par le docteur Nicola Patron offre une alternative moins onéreuse à la synthèse chimique de ces substances. Une grande partie de l’usine se trouve au champ !

Avec l’aide de l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire végétale de Valence, l’équipe a conçu un premier tabac produisant des phéromones sexuelles contre les mites.

Alliance de la biologie moléculaire et de la bioprotection

Les chercheurs ont construit des séquences d’ADN en laboratoire pour imiter les gènes qui sollicitent la synthèse des phéromones des papillons de nuit puis ils les ont introduits dans le génome du tabac. Ensuite, un des points-clés de ces travaux a été de trouver les bons compromis entre la croissance de la plante et l’intensité de production des phéromones. « Au fur et à mesure que nous augmentions l’efficacité dans la fabrication des composants par la plante, trop d’énergie était détournée aux dépens de sa croissance et de son développement», explique Nicola Patron. Pour répondre à cette problématique, ils ont introduit dans le brin d’ADN quelques commutateurs moléculaires qui régulent précisément l’expression des gènes. Ces commutateurs sont « allumés » au champ grâce à l’application d’une solution de bioprotection : le sulfate de cuivre. Ainsi, grâce à cette interaction, l’activité des gènes peut être ajustée plus finement dans le temps comme en intensité. « Ceci est particulièrement important car le sulfate de cuivre est un composé peu cher, facilement disponible et déjà approuvé pour une utilisation en agriculture », indique l’équipe de l’Institut Earlham de Norwich.

Les chercheurs espèrent que leurs travaux ouvriront la voie à une autre utilisation de plantes, pensée dans le cadre d’un cercle vertueux : synthétiser dans les champs les composants naturels nécessaires à la protection des cultures.

 

Comment fonctionnent les phéromones ?

Les phéromones sont des médiateurs chimiques complexes, produits et libérés par un organisme pour communiquer. Ils permettent aux membres de la même espèce d’envoyer des signaux pour la reproduction. En installant des diffuseurs de phéromones dans les vergers ou les vignes, l’objectif est de saturer l’air avec l’hormone qu’émet la femelle, empêchant les mâles de la retrouver.