Comment les EPI sont-ils pris en compte dans l’évaluation réglementaire du risque phytopharmaceutique ?
Gants, équipements vestimentaires…, les Équipements de protection individuels réduisent jusqu’à plus de 90 % l’exposition des applicateurs au risque phytopharmaceutique.
Comment les dossiers d’autorisation de mise sur le marché les considèrent-ils ? Les études d’exposition intègrent-elles le processus réglementaire en vue de la délivrance des autorisations de mise sur le marché ? Le point avec Julien Durand-Réville, responsable prévention santé chez Phyteis.
L’Union européenne dispose d’un cadre réglementaire robuste, conservateur et évolutif pour la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. De plus, ce cadre précise les conditions d’emploi spécifiques obligatoires. Elles garantissent un niveau élevé de sécurité pour les utilisateurs.
Le port des Équipements de protection individuels (EPI) fait partie de ces conditions d’emploi et du processus d’évaluation.
Sur quelle base s’effectue l’évaluation réglementaire du risque phytopharmaceutique ?
Julien Durand-Réville : l’EFSA, l’agence européenne en charge de ces sujets et les États membres mènent l’évaluation du risque phytopharmaceutique pour les applicateurs. Ces instances utilisent le modèle d’exposition AOEM (Agricultural Operator Exposure Model). Ainsi, celui-ci sert à estimer le risque lors d’une demande de mise en marché.
Ces 48 études d’exposition, reflètent-elles les pratiques agricoles réelles et le comportement des agriculteurs ?
J D-R. Oui, ces études s’effectuent selon les pratiques usuelles des agriculteurs participants. Aussi, elles se conduisent avec des volumes et conditionnements de produits adéquats. Les agriculteurs agissent de façon habituelle. Des analyses prennent en compte les morphologies, sexes et âges variés. Enfin, les applicateurs ne disposent d’aucune instruction spécifique, hormis celles qui figurent sur l’étiquette du produit.
En complément, ces études européennes font porter des vêtements de travail (non EPI) et quelques EPI usuels (gants, protections oculaires). Un large panel de comportements reflète des scénarios d’exposition réelle, avec parfois des inattentions ou des gestes inappropriés. Exemple, pendant une journée, des agriculteurs épandent une poudre mouillable avec un pulvérisateur à rampes tracté. À l’issue des travaux, des analyses des résidus se pratiquent sur les vêtements et la peau. D’autres concernent des expositions potentielles par inhalation. Seule une structure indépendante, accréditée Bonnes pratiques de laboratoire, réalise ces mesures.
D’ailleurs, une récente publication scientifique compile et décrypte les résultats de ces études. En moyenne, les gants réduisent l’exposition de 95 % et les simples vêtements de travail de 90 %. Face au risque phytopharmaceutique, ces valeurs révèlent un haut niveau de protection en conditions réelles. Ceci, même en prenant en comptes certains incidents de manipulation.
Est-ce que la réduction du risque phytopharmaceutique avec les EPI s’intègre dans la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché d’un produit ?
J D-R. Un produit phytosanitaire s’évalue à partir de 250 études. Elles définissent son efficacité ainsi que ses risques pour l’environnement et la santé. Pour le volet santé, l’EFSA utilise notamment le modèle AOEM, intégrant un maximum de cas de figures. Par conséquent, le modèle peut ou non prendre en compte l’usage des EPI. De plus, il s’appuie sur des valeurs par défaut protectrices et sur plusieurs hypothèses très conservatrices. En outre, par défaut, on considère le poids corporel comme très faible et l’absorption cutanée importante. L’évaluation s’effectue sur des niveaux supérieurs d’exposition provenant du modèle et non sur des valeurs moyennes. En complément, des facteurs de sécurité s’appliquent. Ainsi, Il n’est pas étonnant que le cadre de l’évaluation du risque phytopharmaceutique demande le port d’EPI.
Quoi qu’il en soit, la France demande le port d’EPI systématique, indépendamment des résultats de ces évaluations de risque. Il n’est pas possible, sur la base des documents d’évaluation disponibles, de discriminer les produits pour lesquels le port de protections est strictement nécessaire pour aboutir à une modélisation du risque acceptable, de ceux qui pourraient éventuellement s’utiliser sans EPI.
Par ailleurs, notons que pour protéger le corps, le modèle européen établit le port de simples vêtements de travail couvrants. Donc, il ne s’agit pas d’EPI normés. Or, la France demande à minima et systématiquement le port d’EPI corporels. Par exemple : un EPI vestimentaire avec son tablier de protection ou une combinaison chimique. Ces EPI en lieu et place de vêtements de travail standards accroissent davantage la sécurité de nos agriculteurs face au risque phytopharmaceutique.