Betteraves : renforcer la protection combinatoire face aux maladies et virus

Sans protection rapidement efficace contre les bioagresseurs, dont le puceron vert, la filière betterave se fragilise. À terme, il faudra combiner plus de leviers. Échanges sur le stand Phyteis lors du Salon international de l’Agriculture.
Plusieurs dizaines de tonnes de betteraves en moins par hectare suivant les régions en 2020 ! Autant dire que depuis le retrait des néonicotinoïdes en 2018, les planteurs vivent chaque année la menace du puceron vert comme une épée de Damoclès. Il transmet les virus responsables de la jaunisse.
D’ailleurs, Alexis Hache, président de l’Institut technique de la betterave (ITB) et agriculteur dans l’Oise, considère cet insecte comme la priorité absolue. « Notre bénéfice ne se fait que sur les dernières tonnes, explique-t-il. Or, si la perte s’aggrave, les agriculteurs risquent de privilégier des cultures de printemps plus rentables. »
En plus du puceron vert, d’autres menaces pèsent de plus en plus sur la culture. D’abord, Alexis Hache cite la cercosporiose des feuilles, maladie dont le champignon développe, depuis 2010, des résistances aux principaux fongicides. Puis, il évoque les difficultés de désherbage avec une offre en herbicides qui diminue et des problèmes de résistance.
Attractivité de la betterave et impact sur les usines
Dès lors, le risque de désengagement dans cette culture touche également les industriels : « Menacer l’attractivité de cette production c’est mettre en jeu la viabilité des sucreries, rappelle Alain Carré, président de l’Association interprofessionnelle de la betterave et du sucre (AIBS) et planteurs dans l’Aube. En France, il nous faut quand même un niveau de surface de betteraves pour les conserver ». En parallèle, la pression du marché international, les importations d’Ukraine et les accords de libre-échange du Mercosur fragilisent le secteur.
« Un juste équilibre est à trouver pour rémunérer toute la chaîne de production », alerte-t-il. Cependant, la filière doit aussi agir sur sa propre compétitivité. « Dans ce cadre, c’est aussi à nous d’optimiser la production betteravière », ajoute-t-il.
PNRI et pistes de solutions contre la jaunisse de la betterave
Face à la perte de moyens de protection, le Plan national de recherche et d’innovation (PNRI) engagé de 2021 à 2023 et son successeur, le PNRI-C, offriront-ils une réponse pour maîtriser les pucerons verts ? Jusqu’en 2026, le PNRI-C doit d’ailleurs confirmer les résultats des travaux les plus probants. Ce programme de recherche et d’expérimentation impliquent notamment Inrae, des entreprises, l’ITB, les sucreries et les planteurs. Ainsi, pour être retenues, les solutions doivent allier efficacité et maîtrise des coûts de production. « Malgré tout, nous ne disposons pas encore de techniques totalement fiables, reconnait Alexis Hache. Toutefois, la recherche, engagée depuis 2021 et même avant avec le dispositif Aker, se poursuit activement. » Néanmoins, pour Alain Carré, le PNRI a aussi permis de reconstruire des bases de connaissances perdues. « Avant 2020, on ne disposait plus de données précises sur le comportement des pucerons : leur déplacement ou leur survie en hiver, partage-t-il. On ne savait pas non plus que quatre virus et non un seul transmettent la jaunisse. De plus, certaines viroses persistent moins longtemps que d’autres en hiver. Cependant, malgré ces années de recherche, briser la chaîne de transmission reste complexe. » Parmi les pistes explorées, les deux agriculteurs citent les composés volatils qui perturbent le comportement des pucerons.
Débat lors du Salon international de l’agriculture sur l’approche combinatoire pour protéger la betterave avec de gauche à droite : Ronan Vigouroux (Phyteis), Jean-Jacques Pons (BASF), Cédric Royer (ITB), Alexis Hache (ITB) et Alain Carré (AIBS).
Approche combinatoire de la protection de la betterave pour maximiser les efficacités des solutions
Face à ces défis, Jean-Jacques Pons, vice-président de Phyteis et directeur général de BASF France, estime que la clé réside dans une approche combinatoire de la protection de la betterave n’écartant aucune solution. « Il ne s’agit pas d’opposer chimie et alternatives, mais de trouver un équilibre entre semences résistantes, solutions phytosanitaires, biosolutions et outils numériques, explique-t-il. Ces quatre piliers doivent être combinés pour une protection efficace de la betterave. Cependant, c’est la complexité de la combinaison qui aujourd’hui est la réalité. »
Le raisonnement s’avère identique contre la cercosporiose. « Avec le changement climatique, cette maladie devient plus problématique, relève Cédric Royer responsable de la protection des cultures à l’ITB. Elle nécessite une approche combinée, qui s’appuie sur des variétés tolérantes, des traitements adaptés et une application au bon moment.
La réponse est également réglementaire puisqu’une dérogation a permis en 2024 l’usage d’un produit à base de cuivre pour compléter l’action des triazoles. « De plus, pour optimiser la protection, l’ITB propose des outils comme Alerte Maladie, une carte interactive, indique-t-il. Un outil d’aide à la décision prévoyant le risque selon le climat et la variété est en cours de finalisation cette année. »
En effet, la précision est essentielle pour limiter l’impact de la cercosporiose et préserver les rendements.
De leur côté, les sucreries, en tant que prescripteurs, s’impliquent davantage en agronomie. « Par exemple, elles encouragent des rotations plus longues pour limiter maladies et ravageurs, explique Alain Carré. Autrefois courante, la succession betterave-blé cède la place à un cycle de quatre à cinq ans. Cette approche réduit les risques et améliore l’efficacité des phytosanitaires. Elle rend la culture plus durable pour les planteurs et l’industrie sucrière. »
La rentabilité comme critère d’adoption d’une combinaison de solutions
Toutefois, Alexis Hache rappelle une réalité incontournable : sans rentabilité, aucune solution ne pourra être adoptée durablement. L’agriculteur prend pour exemple la lutte biologique étudiée dans le cadre du PNRI. « Un lâcher de chrysopes coûte 220 €/ha soit l’équivalent de 7 à 9 tonnes de betteraves, précise-t-il. C’est mon revenu pour un résultat qui est tout à fait aléatoire. »
Néanmoins, pour Jean-Jacques Pons, la diminution des solutions chimiques est inévitable. En effet, la capacité d’innovation se réduit tandis que la durée d’homologation s’allonge, rendant le développement de solutions plus complexe. « En tant qu’entreprises de la chimie, nous travaillons sur l’ensemble des piliers de la protection des cultures. À cette condition, nous assurerons la pérennité des production agricoles », conclut-il.
Pour en savoir plus retrouvez la Fiche de Phyteis, Engagés pour nos cultures sur la betterave.