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ARNi : quelles applications en bioprotection ?

La pulvérisation de solutions d’ARNi est identifiée comme une nouvelle méthode de bioprotection des cultures. Le point avec Laurent Oger de CropLife Europe sur cette technologie, les utilisations et l’évaluation de ces solutions.

La pulvérisation de solutions d’ARN interférent (dit ARNi) est-elle une innovation technologique et biologique ? Assurément. Appliquée sur les cultures, elle constitue l’une des voies prometteuses pour contrôler tous les bioagresseurs afin de réduire le recours aux produits phytopharmaceutiques.

Pour Laurent Oger, directeur général adjoint de CropLife Europe, il s’agit d’une voie prometteuse : « La technologie des ARNi intéresse nos adhérents, elle est explorée en complémentarité des autres méthodes de protection des cultures, partage-t-il. Comme toute substance de bioprotection avec un mode d’action biologique, les solutions qui seront formulées avec des ARNi devront être évaluées en Europe par les États membres et l’EFSA dans le cadre d’un processus d’évaluation adapté à leurs spécificités. »

Les ARNi perturbent les consignes dans la fabrication de protéines

Les ARN messagers (ARNm) se définissent comme intermédiaire entre l’ADN et la production des protéines correspondantes. La découverte des petits ARN, dont l’ARNi, se révèle plus tardive, alors que leur rôle est très important. Agissant comme des régulateurs, ils constituent un moyen de protection naturel contre l’introduction de gènes étrangers dans la cellule.

L’ARN interférent bloque la lecture de l’ARN messager. Ce dernier contient les consignes de fabrication des protéines. Son action est rendue possible par des protéines présentes dans la cellule. En effet, elles permettent la reconnaissance puis l’appariement avec l’ARN messager ciblé. Celui-ci ne peut plus être traduit en protéines. Appliquée à la santé des plantes, une pulvérisation d’une solution d’ARNi spécifique à un ARNm clé dans la vie d’un bioagresseur peut éradiquer le bioagresseur.

Toutefois, les chercheurs doivent connaître la séquence de l’ARN messager ciblé. Ensuite, ils peuvent construire l’ARN interférent efficace et le synthétiser. La durée du mode d’action de la solution d’ARNi est relativement courte. Ainsi, elle ne dépasse pas 48 heures. Puis, le produit est dégradé par des mécanismes naturels de la cellule.

Essais aboutis contre le doryphore de la pomme de terre

Commun à tous les organismes cellulaires, le champ d’application de ce mode d’action est considérable en protection des cultures. Exemple, il est testé chez Arabidposis, plante modèle de laboratoire. Parmi les projets de recherche les plus aboutis, figure celui de la société Greenlight.Il met n avant une solution d’ARNi contre le doryphore de la pomme de terre. Des essais sont en cours, notamment en Espagne. La preuve de concept devrait permettre d’envisager d’autres utilisations, contre l’altise du colza, la punaise, le varroa…

ARNi, une évaluation spécifique à mettre en place en Europe

Aucune demande de mise sur le marché de ces solutions n’est déposée en Europe. En revanche, une solution d’ARNi est commercialisée aux États-Unis (chrysomèle du maïs). Toutefois, le système d’évaluation est spécifique. De même, ce sera le cas en Europe dès le dépôt de premiers dossiers auprès de l’autorité européenne.

Alors, quels pays pourraient devenir « rapporteurs » dans le cadre du processus d’homologation  ? « C’est sur la table des discussions de nombreux pays tels que le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas.  Ils sont très à l’écoute, répond Laurent Oger. Dans tous les cas, l’examen s’effectuera avec les mêmes rigueurs et exigences réglementaires en termes de risques pour la santé et l’environnement que pour tout produit de protection des plantes. Ces études se mènent en complément de l’évaluation agronomique. Si les critères de sécurité ne sont pas remplis, en aucun cas ces produits ne pourront être mis sur le marché. »

 

Laurent Ogier, directeur adjoint CropLife Europe : « Les solutions qui seront formulées avec des ARNi devront être évaluées en Europe par les États membres et l’EFSA dans le cadre d’un processus d’évaluation adapté à leurs spécificités.  »