Apiluz démontre tous les bienfaits de la luzerne pour l’apiculture
La démarche Apiluz repose sur un principe simple : laisser fleurir des bandes de luzerne de trois mètres de large dans les parcelles pour offrir de la ressource mellifère aux abeilles butineuses et autres pollinisateurs pendant la période de disette estivale. Soutenu par toute la filière de la luzerne de déshydration, ce programme dépasse les enjeux apicoles.
« Pour nourrir les abeilles en été, il faudrait que 0,5 % de la surface agricole utile (SAU) globale soit cultivé avec des plantes mellifères, indique Benoit Collard, agriculteur marnais et secrétaire général de l’association Symbiose. En 2022, la Marne, grâce au projet Apiluz, a laissé fleurir 568 hectares de luzerne, soit près de 1 % de la SAU du département. » L’intérêt du programme Apiluz est une évidence. Il permet aux apiculteurs de découvrir les bienfaits de cette plante, très mellifère à cycle long, pour les abeilles.
En 2020, l’association Symbiose s’est entourée de nombreux partenaires locaux de l’ex-région Champagne-Ardenne, dont la filière luzerne, pour impulser la démarche Apiluz. Aujourd’hui, huit départements sont engagés dans cette initiative.
Des bandes non fauchées de trois mètres de large
« La démarche Apiluz fait suite à de nombreuses expérimentations menées en 2012 par la filière luzerne qui, à l’époque, réfléchissait déjà à laisser en place des bandes de luzerne non fauchées », se souvient Benoit Collard. Deux ans plus tard, confrontés à une pénurie alimentaire de leurs ruches sur la période estivale, certains apiculteurs professionnels se sont inspirés de ces expérimentations pour relancer une dynamique en perte de vitesse. Durant plusieurs années, apiculteurs et agriculteurs ont testé divers protocoles. Celui retenu et prévu dans le cadre de la démarche Apiluz prévoit de laisser des bandes non fauchées (BNF) de trois mètres de large au milieu de la parcelle pour éviter les salissements via des adventices de bordure. Seule la première coupe des luzernes des deuxièmes et troisièmes années de production sont concernées par ce protocole. Grâce aux coupes décalées durant la campagne de fauchage, les BNF doublent la période de floraison de la luzerne qui s’étend de juin à mi-septembre. Elles offrent des jeunes fleurs de manière régulière.
Mutualiser les initiatives
L’expérience des BNF se poursuit pour l’année 2023. D’après les comptages réalisés, Coop de France Déshydratation indique que les BNF attirent davantage les insectes pollinisateurs (près de 3 500 individus observés dans les BNF (dont papillons et abeilles domestiques) contre plus de 2 000 dans les bandes conduites classiquement). Ces résultats restent encore à approfondir. « Idéalement, il faudrait fédérer d’autres filières agricoles pour que l’impact sur les insectes pollinisateurs, et plus largement sur la biodiversité, soit davantage considérable, convient Benoit Collard. Ces insectes doivent pouvoir se reproduire et se nourrir. Nous avons besoin de financements pour accompagner ces projets afin de créer un système cohérent et reconnaissant pour l’agriculteur. Nous encourageons toutes les initiatives ainsi que leur répartition à l’échelle du territoire pour qu’elles soient efficaces. » Ces actions, Benoit Collard ne les voit pas bénéfiques que pour la nature. Il les considère comme un levier à part entière dans la boite à outils des agriculteurs : « Demain, la biodiversité sera un de nos moyens de production », conclut-il.
- 2 422 agriculteurs
- 1800 km de bandes de luzerne non fauchées
- 8 départements impliqués : Aisne, Ardennes, Aube, Haute-Marne, Marne, Seine et Marne, Val de Marne et Yonne
- Structures partenaires : Cristal Union, Tereos, Sun Deshy, Luzeal, Prodeva, Capdea, Cérésia, la chambre d’agriculture de la Marne, Réseau biodiversité pour les abeilles, mais aussi Lidl, la fondation du crédit agricole Nord-Est, la fondation Avril, la Région Grand-est, le département de la Marne, les syndicats apicoles (FGSAM et La Champagne apicole)
Agriculture et apiculture savent cohabiter
Agriculteur à Somme Tourbe dans la Marne, Benoit Collard et son fils Jean-Baptiste cultivent 200 hectares de grandes cultures. Sensibles à l’environnement, ils pratiquent l’agriculture de conservation des sols et mettent en place des mesures écologiques (plantation de haies, découpe des parcelles, etc.). Sur leur exploitation, tous les ans, deux bandes non fauchées de 600 mètres linéaires chacune sont laissées dans leur parcelle de luzerne. A la demande d’une apicultrice, ils accueillent deux à trois ruchers par an qu’ils installent à proximité d’une culture mellifère comme la luzerne et la phacélie. « Ce partenariat entre agriculteur et apiculteur est vertueux à partir du moment où nous savons communiquer entre nous », indique Benoit Collard.