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TFA : PRESENCE NE VEUT PAS DIRE RISQUE

On parle beaucoup des PFAS, souvent sous le terme de « polluants éternels ». Et dans ce flot d’informations, une molécule revient régulièrement : le TFA, ou acide trifluoroacétique. On le retrouve dans l’eau, parfois dans les aliments. Alors faut-il s’inquiéter ?
Les données scientifiques les plus récentes montrent pourtant une réalité beaucoup plus nuancée — et largement moins alarmante

PFAS : un sujet large… où l’agriculture pèse peu

Les PFAS regroupent des centaines de composés très différents les uns des autres.
Le secteur de la protection des cultures ne représente que 2 % du total des PFAS recensés en Europe. Et les substances phytopharmaceutiques concernées ne ressemblent en rien aux PFAS dits « à longue chaîne » : elles n’ont généralement qu’un à trois carbones fluorés, et ne se comportent pas comme des « polluants éternels ».
Le TFA, lui, est un produit de dégradation commun à une multitude de substances fluorées utiles dans notre quotidien : matériaux et revêtements fluorés, gaz réfrigérants, mousses anti-incendie, produits ménagers, certaines molécules pharmaceutiques… et également pour certains produits phytopharmaceutiques.
Bref : il n’a pas une seule origine.

Dans l’eau, des niveaux très bas et aucune alerte sanitaire

C’est sans doute dans l’eau potable que le sujet préoccupe le plus. Pourtant, les résultats de l’ANSES récemment publiés sont clairs.

  • 98 % des échantillons analysés présentent des niveaux de PFAS très faibles.
  • La somme des 20 PFAS réglementés n’a jamais été dépassée dans les eaux brutes.
  • Dans l’eau distribuée, les dépassements sont extrêmement rares (9 cas sur 627 analyses).
  • Le TFA est présent dans 90 % des échantillons, oui, mais avec une médiane à 0,81 µg/L — loin, très loin de la valeur sanitaire indicative de 60 µg/L retenue par le ministère de la Santé en attendant l’avis final des experts européens de l’EFSA.

« En l’état actuel de nos connaissances, il n’y a pas lieu de lancer d’alerte », résume Françoise Lardy-Fontan, directrice du laboratoire d’hydrologie de l’ANSES.

Pourquoi en trouve-t-on partout ?
Parce que les retombées atmosphériques transportent le TFA et l’amènent directement vers les eaux de surface. C’est ce que rappelle Xavier Dauchy, hydrologue à l’ANSES.

Dans les aliments, une présence généralisée… mais un risque très faible

L’ONG PAN Europe a récemment publié un rapport alarmiste sur le TFA dans les produits céréaliers. Mais même leurs chiffres confirment que les niveaux observés ne représentent qu’une infime fraction de l’apport tolérable proposé par l’EFSA.
Petit calcul :

  • La Dose journalière admissible (DJA) proposée par l’EFSA (et actuellement en discussion) est de 30 µg/jour/kg de poids corporel. C’est la quantité qui pourrait être consommée tous les jours de la vie sans qu’elle présente de risque pour la santé.
  • Un enfant de 20 kg pourrait donc consommer 600 µg de TFA par jour
  • La concentration moyenne retrouvée par PAN est de 75,7 µg/kg d’aliments. Il faudrait consommer près de 8 kg de produits céréaliers… par jour pour atteindre la limite.

Certes il y a du TFA potentiellement dans les eaux de consommation et dans d’autres aliments, mais l’ordre de grandeur serait de consommer ces aliments boissons à hauteur de 8kg par jour. Autrement dit, il ne semble pas que ces teneurs, même généralisées dans l’eau et l’alimentation présenteraient de risque sanitaire.

Bio, non-bio ? Le TFA ne fait pas la différence

Plusieurs études ont étudié la présence de TFA dans des aliments issus d’agriculture conventionnelle ou d’agriculture biologique. Des données fiables allemandes récentes sur les fruits et légumes, comme les données sur le vin issues de PAN Europe, montrent que le TFA est bien présent dans ces deux modes de productions et à des niveaux souvent similaires (bio/vs non bio avec des valeurs proches), à des niveaux plus importants parfois (les fruits les plus contaminés dans l’étude allemande sont des kiwis bio et conventionnels) et moins importants parfois, selon les cas. Ceci pourrait clairement indiquer que la présence de TFA dans ces matrices n’est pas majoritairement due à l’usage de produits phytopharmaceutiques conventionnels. Les données allemandes concluent que les valeurs en TFA retrouvées sont indépendantes du mode de culture ou du pays d’origine des denrées testées et qu’il n’existe pas de corrélation directe entre les concentrations de TFA et en résidus de pesticides conventionnels fluorés (possédant des liaisons C-F3) dans les échantillons.

Pourquoi un tel discours alarmiste alors ?

Le réseau PAN Europe porte une vision militante et utilise régulièrement l’angle PFAS/TFA pour cibler le secteur agricole.
Pourtant, les entreprises qui innovent dans les solutions de protection des plantes — conventionnelles ou utilisables en agriculture biologique — sont souvent les mêmes.
Et elles investissent massivement dans les biosolutions, comme le montrent les chiffres récents de Phyteis.

Un cadre européen déjà très strict

L’Union européenne applique l’un des systèmes d’évaluation des pesticides les plus rigoureux au monde (règlement 1107/2009).
Chaque substance active, mais aussi chacun de ses métabolites — TFA compris — est évalué dans le cadre des autorisations.
Un retrait brutal des substances susceptibles de produire du TFA aurait des conséquences considérables :

  • 4 modes d’action insecticides entièrement concernés
  • 5 modes d’action fongicides
  • 1 mode d’action herbicide

Avec à la clé : pertes de solutions, impasses agronomiques, et montée des résistances en agriculture… y compris en agriculture biologique.

Ce qui va se passer maintenant

La balle est désormais dans le camp de l’EFSA, chargée par la Commission européenne de définir :

  • des valeurs sanitaires officielles pour le TFA,
  • et une évaluation précise des contributions de chaque source dans la genèse du TFA.

Pour éviter des distorsions entre États membres, il est essentiel que la France, et les autres pays Européens, s’alignent sur ces futurs seuils et décisions européennes.

En résumé

Oui, le TFA est présent et c’est un vrai sujet.
Non, cela ne semble pas signifier qu’il existe un risque sanitaire au regard des données actuelles.
Les sources de TFA sont vraisemblablement multiples, l’agriculture ne semble pas être la principale contributrice. Notre secteur est régi par le cadre réglementaire le plus strict au monde.

L’industrie de la protection des plantes est mobilisée pour contribuer au débat, sans alarmisme, et à fournir aux autorités toutes les données nécessaires pour évaluer au mieux les substances actives éventuellement concernées.