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Propriété intellectuelle et NGT : maintenir l’innovation ouverte en sélection variétale

En sélection variétale dans un contexte NGT, brevet et COV se complètent. Les semenciers assurent cette coexistence par des dispositifs qui favorisent l’innovation tout en garantissant l’accès à la propriété intellectuelle.

Alors que l’Europe peaufine depuis juin 2025 sa réglementation sur les NGT dans le cadre du trilogue, la question de la propriété intellectuelle demeure.

Comment protéger toutes les formes d’innovation, y compris pour des caractères obtenus par NGT avec les brevets, tout en maintenant l’accès à ces innovations protégées pour tous les sélectionneurs ?»

«Nous avons besoin de disposer de tous les outils de propriété intellectuelle nécessaires au soutien de l’innovation variétale, souligne Hervé Monconduit, responsable brevets pour la France chez Bayer. Mais, notre souhait est également de conserver le modèle d’innovation ouverte propre au secteur semencier. Par conséquent, nos entreprises soutiennent les propositions législatives et les initiatives professionnelles qui sécurisent cet équilibre.  »

L’expert rappelle que développer un caractère par NGT coûte plusieurs millions d’euros. Cela nécessite une protection solide. « Pour autant, cette protection doit être couplée à des outils qui favorisent l’accès à ces innovations, insiste-t-il. Ainsi, nous maintenons une dynamique qui profite à tous. » Le brevet et le Certificat d’obtention végétale créent alors un cadre fiable qui sécurise les investissements de recherche.

Le COV, pilier historique de la sélection végétale

Le COV constitue l’outil historique de protection des variétés en Europe. Il s’applique à chaque nouvelle variété constituée d’un assemblage spécifique de caractères : taille, rendement, résistance aux maladies, couleur… « Le COV protège la variété mais pas les caractères eux-mêmes », précise Hervé Monconduit. Surtout, une fois commercialisée, cette variété protégée peut être utilisée par un autre obtenteur pour qu’il crée les siennes. C’est « l’exemption du sélectionneur » qui est un principe de base pour le COV. De fait, ce droit stimule la création variétale tout en maintenant un accès collectif à la diversité génétique.

Le brevet, pour protéger les inventions techniques

Le brevet couvre un autre champ : celui de l’invention technique, par exemple un caractère obtenu par NGT. Mais, la délivrance d’un brevet est loin d’être automatique : « Les modifications génétiques doivent être nouvelles et inventives, insiste Hervé Monconduit. Elles ne peuvent pas être déjà connues, ni être des alternatives évidentes. Enfin, elles doivent apporter un avantage biologique démontré. Alors, dire qu’avec les NGT on assistera à une explosion de brevets est vraisemblablement erroné. » Par ailleurs, l’accroissement permanent des publications sur les gènes et leurs modifications génétiques limite leur capacité à être protégés par des brevets.

COV et brevets : des droits de propriété intellectuelle complémentaires avec des exemptions similaires

En aucun cas, le brevet ne doit remplacer le COV. De plus, les variétés doivent bien rester exclues de la protection par brevet. « En somme, le COV et le brevet sont deux dispositifs qui se complètent, résume Hervé Monconduit. Un semencier peut protéger une variété par un COV et y introduire un caractère brevetéToutefois, ce sélectionneur a besoin de ces deux outils pour protéger efficacement ces deux innovations. »

Bien que cette cohabitation puisse être possiblement délicate, elle est rendue possible grâce à l’exemption du sélectionneur dans le droit des brevets, ainsi que par d’autres initiatives de l’industrie. Dans ce cadre, l’ exemption existe en France depuis 20 ans. Ainsi, comme pour une variété protégée par COV, un obtenteur peut utiliser dans son programme de recherche une variété commerciale contenant un caractère breveté. Ensuite, une licence est requise lors de la commercialisation quand la nouvelle variété porte ce caractère et que le brevet est encore en vigueur. « C’est le meilleur équilibre. Les semenciers de toute taille accèdent à l’innovation et le développeur valorise sa recherche », résume-t-il.

Faciliter la transparence et l’accès

Pour faciliter l’accès aux brevets, des bases de données et des plateformes de licences sont déjà en place. D’un côté, elles centralisent les informations sur les variétés contenant des caractères brevetés. Ainsi, ces bases aident les semenciers à faire des choix éclairés de variétés à utiliser dans le cadre de l’exemption du sélectionneur. De l’autre, ces dispositifs simplifient et sécurisent les démarches, notamment lors de la transaction. En outre, tous les membres d’une plateforme comme l’ACLP prennent l’engagement de donner une licence sur leurs caractères brevetés aux autres membres qui en font la demande. Un contrat de licence standard et un mécanisme dissuasif de conditions financières déraisonnables encadrent la procédure.

Innovation et coût des semences : une logique de valeur ajoutée

Selon Hervé Monconduit, le brevet appliqué aux plantes NGT ne devrait pas alourdir le coût des semences pour l’agriculteur. « Ce n’est pas le titre de propriété intellectuelle qui influe sur le prix mais la valeur de l’innovation », précise-t-il. Si une semence génère un vrai gain de rendement ou de robustesse, l’agriculteur y trouve son compte. « Il est alors prêt à payer pour la valeur ajoutée de l’innovation », estime Hervé Monconduit. Ainsi, pour répondre aux besoins des agriculteurs, la recherche cible en priorité la résistance variétale aux maladies cryptogamiques et la tolérance à la sécheresse.

Enfin, le droit des brevets autorise l’agriculteur d’utiliser ses semences de ferme, tout comme celui des COV.

Photo Hervé Monconduit : Responsable des brevets pour la France chez Bayer et biologiste de formation, Hervé Monconduit défend une approche équilibrée entre protection de la propriété intellectuelle et partage de l’innovation. Il participe également aux comités propriété intellectuelle de l’Union française des semenciers, d’Euroseeds et de Croplife Europe.