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Protection du colza : malgré les impasses, Quentin Le Guillous défend la culture

Secrétaire général de Jeunes Agriculteurs et exploitant en Eure-et-Loir, Quentin Le Guillous reste attaché au colza en dépit des difficultés techniques. Face aux bioagresseurs, il expérimente une combinaison de pratiques et mise sur l’innovation.

Le colza ? Quentin Le Guillous n’abandonne pas  ! « J’ai encore envie d’y croire , confie-t-il. Un peu comme on croit encore au Père Noël. Peut-être que c’est ça, la naïveté du jeune agriculteur !». Au-delà de la boutade, il attire toutefois l’attention sur la fragilité croissante de la culture, pourtant pilier de la rotation dans son secteur.

Depuis 2016, il cultive 185 hectares en Eure-et-Loir en agriculture de conservation. Malgré les difficultés notamment en désherbage et la baisse de rentabilité, malgré la tentation grandissante de développer davantage le maïs, il s’accroche.

Toutefois, le point de bascule n’est très pas loin. Le maïs, lui offre un portefeuille d’herbicides mieux fourni et pas d’impasses face aux bioagresseurs. Mais, sans irrigation sur ses terres caillouteuses, il ferait un pari risqué avec cette céréale. De surcroît, l’usage de l’eau est devenu un sujet sensible dans sa région : « Nous sommes stigmatisés alors, j’hésite », souffle-t-il.

En revanche, il sait que la demande en colza ne faiblit pas. « Il y a un marché pour l’huile, l’alimentation animale, les carburants… L’enjeu est sociétal », partage le représentant de JA. Enfin, dans la rotation, cet oléagineux reste pour lui un précieux levier agronomique : « Quand le colza s’implante bien, il structure le sol. Normalement, il aide à gérer les adventices à l’échelle de la rotation. Mais surtout, en restituant de l’azote, il booste le blé. ».

« Le colza est une culture exigeante mais elle tire tout le système cultural vers le haut », affirme Quentin Le Guillous, agriculteur (28). En quête d’efficacité face aux bioagresseurs, chaque année il doit réajuster ses pratiques.

La double impasse : désherbage et insectes

Premier mur rencontré : les insectes. Altises, grosses ou petites, charançons… tous s’invitent à l’automne sur les plantules de colza. Cependant, en face, les solutions insecticides sont réduites, avec des risques accrus de résistance.

Le premier levier agronomique réside dans la réussite de l’implantation du colza. L’idée est que la culture atteigne plus vite le stade critique de 6 feuilles au-delà duquel les altises passent leur chemin. Alors, il sème en monograine et en strip-till avec un écartement entre les rangs de 50 cm. « Avec cette méthode, une graine semée c’est une levée, assure-t-il. Mais, il faut semer de plus en plus tôt pour que le colza soit robuste. » Aussi, il ajoute un engrais starter au semis pour sécuriser le démarrage. Coût : environ 100 euros de l’hectare. Rendement ? En 2024, 30 quintaux/ha mais 35 à 38 q/ha lors des bonnes années. « Désormais, je retourne moins de colzas, partage-t-il. Avant, sans engrais, je devais semer de nouveau la moitié de la parcelle avec aucun gain économique. »

Deuxième obstacle : le désherbage qu’il estime encore plus critique que pour les insectes. « Nous sommes dans un cercle vicieux. La majorité des herbicides antigraminées d’automne n’apportent que 40 % voire 50 % d’efficacité sur une flore de ray-grass devenus très difficiles. Si je ne fais pas ces passages, c’est pire. Ensuite, je me retrouve avec un blé très sale et c’est 30 % de rendement en moins pour la céréale. »

Alors il prévient, « le propyzamide reste mon dernier produit efficace. Si on me le retire, j’arrête le colza. Clairement. »

Un dilemme mécanique et économique

Le désherbage mécanique ? « J’y pense, répond-t-il. Herse, bineuse, voire acheter une charrue pour détruire le stock semencier. Mais à la fin, je fais le calcul : matériel, usure, gasoil, main d’œuvre… Je pollue plus et je dépense plus. Quel est l’intérêt, si en plus économiquement, c’est intenable ? »

Il regarde plutôt du côté de la recherche en restant prudent. En attendant les innovations, les nouvelles combinaisons de molécules herbicides sont également une piste.« Cela fonctionne bien sur les parcelles tests. Toutefois, avec un semis positionné en octobre dans notre région, le vent, la pluie et des températures sous les 15 °C rendent la mise en œuvre compliquée », observe-t-il.

La voie étroite de la génétique

En complément des leviers agronomiques, Quentin Le Guillous fonde ses espoirs sur l’innovation variétale notamment pour lutter contre les insectes. « Je mise de plus en plus sur des colzas robustes, capables de démarrer vite, de résister mieux. Peut-être des variétés plus résilientes, qui captent mieux l’azote, qui encaissent mieux les attaques des altises et du charançon ? »

Pour autant, il reste prudent. « La génétique ne changera pas tout, même si c’est un levier prometteur, conclut-il. Maïs, colza, blé… je persévère, mais j’ai besoin plus rapidement de solutions. »

Un colza vigoureux dès l’automne limite l’attractivité pour les altises et réduit l’impact des larves. C’est le premier rempart agronomique face à la pression des insectes d’automne.

Pour en savoir plus, consultez la fiche Engagés pour nos cultures sur le colza