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Phyteis

L’IA, nouveau moteur de l’innovation en phytopharmacie

L’intelligence artificielle s’impose comme un levier indispensable pour concevoir les solutions phytopharmaceutiques de demain. Elles seront à la fois efficaces, sélectives et compatibles avec les exigences écotoxicologiques.

En Europe, mettre sur le marché une nouvelle molécule phytopharmaceutique conventionnelle ou de biosolution devient de plus en plus difficile. Les critères toxicologiques et écotoxicologiques y figurent parmi les plus stricts au monde et ils continuent de se renforcer. Résultat, les possibilités de découvertes se réduisent considérablement alors qu’en parallèle, le retrait des produits s’accélère, de l’ordre de 80 substances actives sur les dernières années. De plus, certaines substances perdent parfois en efficacité face aux résistances des bioagresseurs.

Dans ces conditions, la recherche doit gagner en précision et en rapidité. En effet, l’objectif est de détecter très tôt les bons candidats à l’homologation. Les algorithmes entrent alors en jeu.

L’IA est une révolution dans la méthode de recherche phytopharmaceutique

Avec l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA), Mélanie Héroult, responsable du programme herbicide chez Bayer, parle même de révolution pour le secteur de la phytopharmacie. Elle prend pour exemple la méthode que son entreprise déploie depuis 2020.

Nommée CropKey, cette nouvelle approche combine la biologie moléculaire, la modélisation et l’IA. « Nous identifions une protéine essentielle au bioagresseur – la serrure – puis nous modélisons sa structure, explique Mélanie Héroult. L’IA nous aide ensuite à concevoir une molécule – la clé – capable de s’y fixer. »

Concevoir une molécule en quelques heures

Avant l’IA, prédire la structure tridimensionnelle d’une protéine prenait des mois. Aujourd’hui, grâce à AlphaFold, logiciel développé par Google DeepMind, cette étape ne demande que quelques heures. Cette avancée décisive permet aux chimistes de projeter des milliers de combinaisons sur écran. Ils comparent alors chaque molécule virtuelle à la cible. L’IA joue ici le rôle d’un assistant ultra-rapide. « L’algorithme recherche dans une bibliothèque virtuelle, les combinaisons qui s’ajustent à la protéine, comme dans un jeu de Lego », témoigne la chercheuse. Cette base de données recense 10 60 structures pour concevoir de nouvelles molécules !

Ensuite, le chercheur affine la configuration obtenue : il ajoute ou retire un atome, modifie une chaîne latérale. Mais surtout, les critères écotoxicologiques sont intégrés dès la conception. D’emblée, cela permet d’éliminer les molécules qui ne passeront pas les filtres réglementaires. « Ce travail en amont réduit le risque d’échec », souligne Mélanie Héroult. Il accélère aussi l’identification de solutions capables de contrer les résistances. Les chercheurs modélisent simultanément les formes sensibles et résistantes des protéines cibles. Dès lors, ils peuvent imaginer des molécules actives même face à des bioagresseurs résistants.

Des essais toujours nécessaires, mais mieux orientés

Dans le processus de mise au point d’un produit phytopharmaceutique, l’IA ne dispense pas de faire les essais, lesquels prennent encore du temps. Cependant, cette technologie aide à mieux exploiter les données collectées. Dans ce cas, elle relie les observations en serre et en plein champ, prédit l’activité biologique des bioagresseurs, modélise le comportement des plantes.

L’avenir passe par des bases de données enrichies

Des défis subsistent. Un pathogène peut contenir jusqu’à 25 000 protéines mais seuls quelques milliers d’entre elles présentent un réel intérêt pour la recherche. Pour aller plus loin, il faudra donc améliorer le séquençage des génomes des organismes et des végétaux et enrichir les bases de données. « Nous sommes encore dans une phase d’apprentissage et de transition », admet Mélanie Héroult.