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Phyteis

Loi Entrave : manque d’ambition pour déployer l’approche combinatoire de la protection des plantes

Dérogations, redéfinition du conseil, statut des alternatives, reconnaissance mutuelle : la loi Entrave ou Duplomb adoptée le 8 juillet acte des avancées. Mais, elle ne créée pas toutes les conditions au déploiement de l’innovation et maintient les distorsions de concurrence.

Le compromis de la loi visant à lever les contraintes pesant sur le métier d’agriculteur a été adopté définitivement le 8 juillet par l’Assemblée nationale. Phyteis note des avancées majeures obtenues pour le monde agricole. Néanmoins, des blocages franco-français n’ont pas pu être levés au cours des discussions parlementaires.

« Cette loi était attendue depuis de très nombreux mois par les agriculteurs. Ce vote montre que le monde agricole reste au cœur des préoccupations des décideurs politiques, déclare Yves Picquet, président de Phyteis. Désormais, nous appelons les parlementaires à persévérer dans leur démarche : simplifier et lever les contraintes franco-françaises dans une logique de bon sens. Notre souhait est de continuer à mettre à disposition des agriculteurs toute l’innovation dont ils ont besoin à travers des solutions combinatoires. »

Vers la résolution d’impasses techniques

Enfin, certaines filières (betterave sucrière, noisette, asperge, pomme…) peuvent sortir d’impasses techniques majeures. L’article 2 ouvre, à titre dérogatoire, la possibilité d’utiliser des substances néonicotinoïdes ou assimilées déjà homologuées en Europe. Toutefois, même si la loi apporte de la sécurité pour ces filières, Phyteis déplore une persistance de la distorsion de concurrence.
En effet, cette dérogation ne remet pas en cause l’interdiction spécifique en vigueur en France, alors que ces substances sont autorisées dans la majorité des pays de l’UE.

Pourtant, le droit européen (article 71 du règlement 1107/2009) réserve ces interdictions à des cas de risques graves pour la santé ou l’environnement. À ce jour, aucun de ces risques n’a été démontré par la France.

Exclure les fabricants du conseil freine la diffusion des alternatives

Autre mesure très attendue : l’abrogation de la séparation entre la vente et le conseil sur les produits phytopharmaceutiques. Vivement critiquée, cette scission freinait notamment l’adoption des produits de biocontrôle.

Mais Phyteis regrette que cette évolution exclue les producteurs de ces solutions. Ces acteurs maîtrisent pourtant l’usage de leurs produits, les outils numériques pour les appliquer au moment opportun et les données réglementaires. Malgré cela, ils restent écartés du conseil, ce qui empêche une complémentarité utile sur le terrain avec les distributeurs agricoles.

Si le texte prévoit une exception pour les fabricants de produits de biocontrôle, à faible risque ou utilisables en bio, sa portée reste limitée. De manière incompréhensible, cette ouverture ne s’applique qu’aux producteurs exclusivement spécialisés dans ces solutions alors que les adhérents de Phyteis en développent déjà une grande partie. En effet, les produits utilisables en agriculture biologique représentent environ 30 % de leur chiffre d’affaires total.
De telles restrictions limitent donc le rôle des entreprises généralistes dans la transition agroécologique et plus globalement dans le déploiement de l’approche combinatoire de la protection des cultures. Elles freinent aussi l’accès des agriculteurs à des solutions innovantes ou à l’agriculture de précision.

Point positif, la loi définit ce qu’est une alternative. Celle-ci doit assurer une protection équivalente des cultures à celle du produit interdit et être financièrement acceptable. Ainsi, ce cadre correspond davantage à la réalité du terrain et aux besoins des agriculteurs.

Dossiers d’AMM, un manque de bon sens

La loi devait harmoniser les procédures d’évaluation des produits. Lorsqu’une entreprise demande une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour un produit phytopharmaceutique, le dossier doit être complet. Cependant, en cas de problème technique pendant l’examen du dossier, il est actuellement impossible d’apporter des compléments après le dépôt. Une proposition dans la loi visait à assouplir cette règle pour ne pas recommencer le processus. Cela évite que le dossier soit rejeté à cause d’un point technique résoluble. Malgré tout, le Parlement ne l’a pas adoptée.

Phyteis déplore ce refus d’inscrire dans le droit français ce que l’Union européenne permet.
Le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire avait d’ailleurs identifié ce blocage en mars 2025, dans le cadre du comité des solutions.