Partager ce contenu
Phyteis

Pommiers : maladies émergentes et pertes de solutions, l’inquiétude grandit

Maladies émergentes, ravageurs plus agressifs, retrait de solutions et incertitudes réglementaires : l’arboriculteur Nicolas Richier alerte sur les défis croissants concernant la protection des pommiers.

Arboriculteur à Vitrolles dans les Alpes du sud, Nicolas Richier observe de nouvelles menaces dans ses 25 ha de vergers de pommiers. « Pour les dix prochaines années, le plus grave concerne l’arrivée de nouvelles maladies », affirme-t-il. Il cite notamment Ramularia mali, une maladie déjà présente dans le Piémont italien et qui sévit dans sa région depuis 2022. « Elle est en train de gagner toute la France. » Contre ce champignon, la stratégie de lutte est complexe. « Déjà, la façon dont elle se développe est peu connue. Pour compliquer l’exercice, la pomme est saine quand elle est récoltée. C’est seulement à la sortie de la chambre froide, qu’elle présente une multitude de taches noires, la rendant non commercialisable. »

Autre bioagresseur en approche : le scarabée du Japon. « Inévitablement, cet insecte va s’installer en France, assure-t-il. Sous six mois, un an, on ne peut le dire. » De surcroît, ce ravageur ne s’attaque pas qu’aux vergers, il touchera certainement la vigne, les légumes, les céréales…

Pour Nicolas Richier, le changement climatique et les échanges commerciaux en sont les principales causes. « L’absence de quarantaine sur les marchandises importées explique l’émergence de ces nouvelles menaces pour nos vergers. Tous ces bioagresseurs viennent des pays asiatiques. »

Protection des pommiers, une offre phytopharmaceutique en repli

Quant aux insectes endémiques, ils posent déjà de sérieux problèmes. Nicolas Richier cite notamment les pucerons cendrés, dont l’impact s’aggrave. Cette année, il estime avoir perdu 30 % de sa récolte à cause d’une attaque massive.

À ses yeux, la boîte à outils des insecticides se vide peu à peu. « Clairement, nous sommes face à des impasses techniques », constate le producteur.

D’ailleurs, il évoque le prochain retrait du spirotetramat, prévu pour octobre 2025. « Pour l’année prochaine, on ne sait pas comment nous allons contrôler cet insecte. »

Pourtant, d’autres pistes sont explorées : pulvérisations d’argile ou d’huiles pour dissuader les pucerons. « Mais, les pommes recouvertes de ces substances ne sont plus commercialisables », prévient-il, espérant d’autres solutions chimiques ou physique à combiner.

Tavelure : les limites des variétés dites résistantes

Côté fongicides, l’inquiétude monte également. « La tavelure reste une des principales maladies des vergers », rappelle Nicolas Richier. Certes, le climat plus sec des Alpes protège partiellement les vergers. Mais, l’irrigation et les contaminations maintiennent un fond de pression. Parmi les molécules piliers des programmes pour gérer les résistances, figure le captane. En 2025, son utilisation s’effectue selon les conditions de la précédente Autorisation de mise en marché. Cependant, dès 2026, une nouvelle réglementation sera mise en œuvre. « Cela reste flou », observe-t-il.

Certaines variétés sont dites résistantes à la tavelure. Malgré tout, de premiers contournements sont signalés. « De plus, ces variétés sont souvent sensibles à d’autres maladies, comme l’oïdium, témoigne l’arboriculteur. Dans ce cas, on peut difficilement promettre une réduction de tous les traitements. N’oublions pas que l’oïdium est aussi pénalisant que la tavelure. »

Dérogations chroniques pour les produits phytopharmaceutiques

Selon le producteur, les dérogations à répétitions entretiennent le climat d’incertitudes. En effet, le renouvellement d’usage sur 120 jours de certaines substances dure depuis plus de dix ans. « Même en bio, on reste bloqués, déplore-t-il. Par exemple, la bouillie sulfocalcique n’a toujours pas d’homologation définitive. » Enfin, il pointe du doigt une autre incohérence dans la protection des pommiers : « On interdit des molécules en France alors qu’elles sont présentes dans les fruits importés. »

Nicolas Richier et Jérôme Samuel

Le feu bactérien progresse, porté par les insectes et les plantes hôtes

Le feu bactérien causé par une bactérie, Erwinia amylovora, se généralise dans les vergers du Sud Est. Le pathogène se transmet par des insectes butineurs, notamment les abeilles, et par les oiseaux. De plus, des plantes jouent un rôle de réservoir. Ainsi, l’aubépine, le sorbier, le pyracantha, les cotoneasters sont porteurs sains car ils transmettent la bactérie sans présenter de symptômes. Dans les vallées alpines, les vergers sont entourés de forêts et de zones sauvages qui hébergent toutes ces plantes hôtes. « On essaie de mettre en place des plans de destruction de ces espèces dans un rayon de 100 à 200 mètres autour des vergers, partage-t-il. Néanmoins, ces méthodes s’avèrent être insuffisantes pour une protection des pommiers efficaces. »